BRICS. Le laboratoire d’un multilatéralisme très hétérogène
Alors que certains Etats, comme l’Arabie Saoudite et l’Argentine, ont refusé d’aller plus loin dans le processus d’adhésion aux Brics, et que d’autres, comme l’Algérie, n’ont pas été acceptés malgré leurs efforts, cette configuration soulève des interrogations sur l’avenir du groupement et les dynamiques géopolitiques qu’il suscite.
En franchissant une nouvelle étape dans leur processus d’élargissement par l’intégration de neuf nouveaux partenaires, depuis le 1er janvier 2025, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) interpellent sur leur modèle d’intégration et sur sa pérennité. Ces pays partenaires, bien que n’étant pas membres à part entière, disposent désormais d’un statut intermédiaire au sein du groupe.
La dynamique des BRICS+ : le cercle des partenaires
Lors du sommet de Kazan en octobre 2024, les BRICS avaient annoncé la création d’un statut de « partenaire », marquant une étape transitoire avant une éventuelle adhésion pleine et entière. Ce statut, qui permet aux pays concernés de participer à certaines sessions des sommets, réunions ministérielles et travaux stratégiques du groupe, vise à renforcer les liens avec les nations intéressées par les objectifs et la philosophie des BRICS.
Parmi les neuf nouveaux partenaires, figurent l’Ouganda, seul représentant africain de cette nouvelle vague, le Belarus, la Bolivie, Cuba, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan.
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Ces pays pourront contribuer à l’élaboration des communiqués finaux et prendre part aux discussions stratégiques, consolidant ainsi leur influence au sein de ce réseau élargi. Cet élargissement permet également aux BRICS de renforcer leur rôle en tant que plateforme majeure pour les pays du Sud global.
Un élargissement sous présidence brésilienne
La présidence brésilienne des BRICS, entamée le 1er janvier 2025, marque une ambition renouvelée pour le groupe. Le Brésil a annoncé des priorités axées sur des problématiques clés telles que la lutte contre le changement climatique, avec des initiatives visant à renforcer les financements pour les pays vulnérables ; la réduction de la faim et de la pauvreté, dans un contexte mondial marqué par des crises alimentaires et économiques ; et l’amélioration de l’accès aux vaccins et médicaments, en mettant l’accent sur les transferts technologiques pour les pays en développement.
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Ces objectifs s’inscrivent dans la continuité de l’élargissement amorcé lors du sommet de Johannesburg en 2023, qui avait porté le PIB combiné des BRICS à 36% de l’économie mondiale, surpassant celui du G7 (29%). Avec les nouveaux partenaires, les BRICS représentent désormais 40,4% du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat et 51% de la population mondiale.
Les absences remarquées : refus et exclusions
Si l’élargissement des BRICS témoigne de leur attrait croissant, il met également en lumière des refus notables et une exclusion particulière.
L’Arabie Saoudite, bien que courtisée par le groupe, a décliné l’invitation à formaliser son adhésion, préférant maintenir une posture de coopération bilatérale avec ses membres. Ce choix reflète une stratégie prudente visant à préserver ses alliances traditionnelles tout en explorant des opportunités avec des blocs émergents.
L’Argentine, sous la présidence de Javier Milei, a mis fin à son processus d’adhésion en décembre 2023, invoquant des divergences idéologiques et des priorités économiques nationales incompatibles avec une adhésion au groupe.
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L’Algérie, malgré des efforts diplomatiques intenses et le dépôt d’un milliard de dollars dans le fonds des BRICS, n’a pas été retenue. Ce rejet constitue un revers majeur pour le régime d’Alger, qui voit dans le groupe une plateforme pour renforcer son influence internationale. L’Algérie continue toutefois de courtiser les BRICS en multipliant les déclarations publiques et en cherchant des opportunités de collaboration.
Quel avenir pour ce club en mutation ?
Le processus d’élargissement des BRICS soulève des questions sur la viabilité et l’efficacité de ce groupe élargi. Avec des membres aux priorités divergentes et des partenaires issus d’horizons géopolitiques variés, la capacité du groupe à fonctionner comme une entité cohérente sera mise à l’épreuve.
Pour les nouveaux partenaires, le statut transitoire offre une occasion de se familiariser avec les mécanismes du groupe tout en se préparant à une éventuelle adhésion. Cependant, leur intégration dépendra de leur capacité à répondre aux critères économiques et politiques fixés par les BRICS.
Pour les membres actuels, l’élargissement renforce leur poids économique et démographique, mais complexifie également les processus de décision. La présidence brésilienne devra jongler entre des intérêts variés tout en maintenant le cap sur les objectifs stratégiques du groupe.
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Pour les exclus et les démissionnaires, comme l’Algérie, l’Arabie Saoudite et l’Argentine, ces choix mettent en lumière les défis d’équilibre géopolitique auxquels sont confrontés les BRICS. Les réticences de certains États reflètent une prudence face à un groupe perçu comme dominé par des puissances émergentes aux ambitions parfois conflictuelles.
Une redéfinition du multilatéralisme ?
L’élargissement des BRICS marque une étape importante dans l’évolution de ce groupe, qui cherche à redéfinir les dynamiques du multilatéralisme au profit des nations du Sud global. En offrant un statut transitoire à des partenaires stratégiques, les BRICS explorent de nouvelles formes de coopération, tout en consolidant leur rôle sur la scène internationale.
Cependant, les défis restent nombreux. Entre les ambitions des membres fondateurs, les attentes des nouveaux partenaires, et les critiques des Etats non intégrés, les BRICS devront prouver leur capacité à évoluer tout en maintenant leur pertinence. Pour l’instant, l’initiative de créer une catégorie de partenaires offre une solution pragmatique, mais son succès dépendra de la capacité du groupe à transformer ces engagements initiaux en collaborations concrètes et durables.