Géopolitique

BRICS : L’ordre alternatif qui en veut au dollar

L’alliance économique des BRICS a annoncé officiellement le lancement de son propre système de paiement indépendant.

« Être un ennemi des États-Unis est dangereux, mais être ami est fatal », disait Henry Kissinger, ancien diplomate américain. Est-ce pour échapper à cette fatalité que l’alliance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) prend des allures de contrepoids potentiellement agressif à l’influence du monde occidental ? Selon Igor Morgulov, ambassadeur de Russie en Chine, les pays membres des BRICS sont en train de penser à la création d’un système financier autonome afin de réduire leur dépendance vis-à-vis des « tierces parties », notamment les États-Unis. Cette nouvelle, qui se pose comme une alternative au SWIFT américain, a été annoncée lors du 12e Forum mondial de la paix qui s’est tenu à Pékin.

En attendant, les chiffres témoignent de cette volonté de création d’un nouveau système financier. Les échanges commerciaux entre la Russie et la Chine ont atteint un montant record de 240 milliards de dollars par an, avec 92 % des transactions effectuées en roubles ou en yuans. Cette tendance reflète une volonté croissante de se détacher du dollar américain pour les règlements internationaux. Au sein des BRICS, la proportion des échanges en monnaies nationales a bondi de 26 % en 2021 à 85 % à la fin de 2023, démontrant une dynamique significative vers l’indépendance financière.

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Par ailleurs, les BRICS ont aussi, depuis un certain temps, lancé la Nouvelle Banque de Développement (NDB) et la Banque Asiatique d’Investissement dans les Infrastructures (AIIB). L’enjeu est le même : diminuer la dépendance des pays en développement au dollar américain. Ces institutions financières jouent un rôle clé en soutenant des projets qui favorisent l’utilisation des monnaies locales dans les transactions internationales. « Aujourd’hui, on est dans un schéma qui vise à casser l’ordre économique international », alerte l’économiste Mehdi Fakkir. « L’objectif est de rompre avec les accords de Bretton Woods ».

Quelles sont les raisons derrière l’impopularité du dollar ?

Aujourd’hui, bon nombre de pays se détournent du dollar américain pour plusieurs raisons. Il faut chercher les premières causes dans l’érosion du pouvoir d’achat du dollar : depuis 1913, il a perdu 99 % de sa valeur, un déclin qui s’est accéléré avec la politique monétaire actuelle des États-Unis. La Réserve fédérale envisage de réduire les taux d’intérêt trois fois par an, ce qui risque d’exacerber l’inflation et de diminuer la confiance dans le dollar.

En outre, les sanctions économiques imposées par les États-Unis ont isolé le pays de plusieurs de ses alliés traditionnels. Ces mesures ont poussé les nations affectées à rechercher des alternatives pour leurs transactions internationales, diminuant ainsi la prédominance mondiale du dollar. Les partenaires commerciaux de ces nations sanctionnées adoptent également d’autres monnaies pour éviter les complications liées au dollar.

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Enfin, la montée des monnaies locales et régionales, notamment le yuan chinois, le shilling kényan et le rouble russe, montre un intérêt croissant pour des alternatives au dollar. Ces monnaies gagnent en crédibilité et en utilisation, reflétant un changement vers un système financier mondial plus multipolaire.

Le monde va-t-il être sous l’emprise des BRICS ?

Depuis le dernier sommet des BRICS, les réactions du monde occidental varient entre alarmisme et ironie dans une guerre de l’information sans fin sur différents échiquiers : politique, diplomatique, économique, monétaire… Si certains commentateurs alertent sur un éventuel changement de paradigme de l’ordre mondial par un risque de domination chinoise, d’autres témoignent de leur indifférence au mouvement « élargi » des BRICS dans leur quête d’indépendance par l’instauration d’un ordre alternatif équitable et multipolaire tel qu’il est défendu par ses membres.

Ce tableau d’un renversement de l’ordre économique mondial serait-il véritablement atteignable pour les membres du « Sud global » ?

Même si les BRICS ont réussi à générer une dynamique avec un mouvement fédérateur pour les pays émergents, dont les pays africains, leur objectif final, qui est de bousculer radicalement l’ordre mondial, n’est pas encore atteint à ce jour. Ce que l’on remarque, c’est davantage un ordre contestataire de la puissance du dollar qui entraîne une vague vers la dédollarisation. Bien que celle-ci n’ait pas encore beaucoup progressé, elle est, comme le souligne la secrétaire au Trésor Janet Yellen, accentuée par les sanctions financières américaines. Wait and see…

 
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