Restauration

Cafés. Les tenanciers dénoncent l’entente sur les prix

Piqués par le Conseil de la Concurrence, les propriétaires de cafés jugent la décision de l’institution dirigée par Ahmed Rahhou injustement simplificatrice de la réalité.

Le café est sans conteste le breuvage préféré des marocains. Rituel immuable dès le petit matin, il favorise la communication et le partage, siroté à souhait lors des pauses cigarettes, et vient parachever élégamment les repas. Selon Fitch Solutions, le spécialiste en données financières, le Maroc se place comme le deuxième plus grand marché de détail pour le café dans la région MENA (13 milliards de dirhams dépensés par les ménages au titre de l’exercice 2022), avec une croissance estimée à 3,3% par an.
Profitant de la passion généralisée pour la caféine, les établissements servant cette boisson énergisante ont fleuri au fil des années. Des cafés du quartier aux enseignes branchées, leur nombre a grimpé en flèche dépassant les 60.000 unités.

Entente sur les prix

Désormais, ces établissements se trouvent dans le collimateur du Conseil de la Concurrence. Dans un communiqué publié le 30 avril 2024, le Conseil relève suite aux investigations préliminaires menées par ses services, que certains propriétaires et gérants de cafés, étudient une éventuelle augmentation des prix des boissons servies dans les cafés. L’information, relayée par les médias, soulève des inquiétudes quant à d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le marché des boissons servies dans les cafés.

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Pour mettre fin à cette vague de rumeurs, le Conseil de la concurrence rappelle que, en vertu de la loi 104.12 sur la liberté des prix et de la concurrence, «la détermination des prix des produits et services doit se faire selon les mécanismes de la libre concurrence, à l’exception des cas spécifiquement prévus par la loi». Il souligne également que «sont interdites les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions, explicites ou implicites, quelle que soit leur forme ou leur motif, lorsqu’elles visent à ou peuvent avoir pour effet d’entraver, de restreindre ou de fausser la libre concurrence sur un marché». En conséquence, la législation en vigueur interdit aux professionnels de discuter ou de fixer les prix ou les marges bénéficiaires.

«Un tourbillon dans une tasse»

Pour la plupart des tenanciers ayant pignon sur rue, cette polémique n’a pas lieu d’être. «Comme dirait le proverbe arabe, c’est un tourbillon dans une tasse», lance Mohamed Abdelfadel, Secrétaire général de la fédération marocaine des cafés et restaurants rapides. Cette perspective n’est pas isolée parmi les propriétaires et gérants de cafés qui estiment pour leur part que l’initiative est disproportionnée par rapport aux réalités du secteur.

Pour eux, si le prix est un facteur significatif, la dynamique de la concurrence à ce niveau est souvent mal appréhendée. «Le Conseil a évidemment le pouvoir d’imposer des mesures pour améliorer la compétitivité du marché, conformément aux dispositions légales en vigueur», concède-t-il, «mais nous ne sommes pas de simples marchands de café, mais plutôt des prestataires de services», s’en défend-il.
Pour les professionnels du métier, il y a confusion entre la boisson et l’établissement où celle-ci est servie.

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«Le café est effectivement un produit quand on l’achète d’un supermarché. Nous, en l’occurrence, ce n’est qu’une composante de notre prestation», précise Mohamed Abdelfadel. Il insiste sur le fait que cette nuance échappe à l’institution dirigée par Ahmed Rahhou, ce qui devrait orienter les discussions vers la diversité des services offerts, plutôt que sur le prix de la boisson.

D’autant plus qu’en termes de tarification, déterminer une ligne claire s’avère complexe en raison des fluctuations dues aux pressions inflationnistes. «Il ne vous a pas échappé qu’une augmentation du prix d’un dirham ou deux n’a pas de sens quand le prix des grains torréfiés s’est enflammé avec l’inflation, avec un prix variant entre 80 et 650 dh/kilo», s’insurge Abdelfadel.

Autre argument avancé par les tenanciers: la multitude de services proposés tels que l’accès à Internet, les animations, le parking… qui jouent un rôle prépondérant dans l’expérience offerte par café, justifie les écarts de prix, et qui pourtant, ne sont pas pris en compte dans la grille de lecture du Conseil. A l’unanimité, ils s’accordent ainsi pour dire que leur métier dépasse largement le fait de servir un café.

Fragmentation sectorielle

Dans le microcosme des cafés marocains, la fragmentation de la représentation sectorielle s’avère être un défi majeur. En l’absence d’une fédération unifiée, remplacée par une kyrielle d’associations -une trentaine à ce jour- le secteur souffre d’un manque de cohésion qui entrave le dialogue efficace avec les instances de régulation. Cette situation dilue l’influence des cafetiers lors des négociations et confrontations réglementaires, où une voix unifiée serait autrement plus audible par les instances de gouvernance.

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Ce panorama hétérogène se reflète également dans la diversité des modèles économiques des cafés salons littéraires, ou établissements aux espaces de jeu comme les cafés billards, chacun adaptant son offre à une clientèle spécifique. Ce qui interroge sur le traitement équitable des établissements quant aux pratiques tarifaires appliquées. « Il y a des salons et cafés qui pratiquent des prix bien au-delà du lot, est-ce qu’on va les sanctionner pour autant?» s’interroge le gestionnaire d’un café en plein centre-ville de Marrakech.

Dans ce contexte, l’intervention du Conseil de la Concurrence est perçue comme inappropriée par les professionnels du secteur qui déplorent une méconnaissance de la complexité inhérente à leur secteur.

 
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