Ce qui risque de changer pour l’Ukraine et le Moyen-Orient si Trump est élu
À l’approche de l’élection présidentielle américaine, la compétition entre Donald Trump et Kamala Harris soulève des enjeux cruciaux, non seulement pour les États-Unis mais aussi pour le reste du monde. Le Maroc, en particulier, suit cette course de près, et pour cause.
L’administration Trump avait, en 2020, reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et avait annoncé l’ouverture d’une représentation diplomatique américaine à Dakhla. Cette décision avait marqué un tournant dans les relations maroco-américaines. « Le Maroc trouve un certain intérêt dans la réélection de Trump, lui qui avait, durant son premier mandat, reconnu la marocanité du Sahara », explique le politologue marocain Jawad Kerdoudi, en ajoutant que « les administrations républicaines ont toujours été plus favorables au Maroc que celles des Démocrates ».
Pourtant, au-delà de cette dimension stratégique, l’éventuelle réélection de Trump suscite une certaine appréhension à l’échelle internationale, en raison de ses positions polarisantes et de sa politique étrangère qui pourrait bouleverser les équilibres mondiaux.
Les craintes de l’establishment face au retour de Trump
Une grande partie des élites politiques et économiques américaines, ainsi que les médias influents, redoutent le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Lors de son premier mandat, Trump s’était distingué par une méfiance envers les engagements militaires coûteux des États-Unis, préférant recentrer les efforts du pays sur des priorités internes. Cette position, bien accueillie par une partie de l’électorat, a cependant inquiété les multinationales et le secteur de l’armement, pour lesquels les interventions à l’étranger représentent des opportunités économiques.
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Kerdoudi souligne, à ce titre, que « Trump incarne une figure politique qui pourrait répondre aux attentes d’une Amérique fatiguée des interventions extérieures. » En effet, beaucoup d’Américains perçoivent ces engagements comme un fardeau économique, détournant des ressources qui pourraient être réinvesties dans des infrastructures nationales et des programmes sociaux. La posture de Trump séduit une partie de la classe moyenne, qui estime que l’Amérique a besoin de se recentrer sur elle-même pour se renforcer.
Le conflit en Ukraine et la vision stratégique de Trump
L’implication américaine dans le conflit russo-ukrainien est un sujet brûlant pour cette campagne électorale. Alors que l’administration actuelle et Harris plaident pour un soutien constant à l’Ukraine, Trump propose une approche plus pragmatique, estimant que les États-Unis devraient réduire leur contribution à cet effort de guerre. « La réélection de Trump serait un désastre pour les Ukrainiens », avertit Kerdoudi, car Trump pourrait suspendre l’aide militaire, poussant l’Ukraine à négocier avec la Russie. Ce changement de cap signifierait un réalignement stratégique qui pourrait redéfinir l’influence américaine en Europe et au Moyen-Orient.
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Cette position, bien qu’isolée par rapport à la politique dominante, attire des électeurs fatigués par les conflits coûteux et apparemment sans fin. Elle pourrait également offrir aux États-Unis une « sortie honorable » de ce conflit, tout en forçant les alliés européens à assumer une plus grande responsabilité dans leur propre défense.
Une politique internationale en rupture : Palestine, Iran, Europe
Les positions de Trump sur plusieurs dossiers internationaux pourraient également influer sur sa campagne. Sa reconnaissance d’El Qods comme capitale d’Israël et le soutien aux colonies israéliennes en Cisjordanie avaient créé des tensions avec les Palestiniens et leurs alliés. « Si Trump passe, la situation des Palestiniens va empirer », souligne Kerdoudi, qui rappelle que Trump avait transféré l’ambassade américaine à El Qods et soutenu l’expansion des colonies. Ces actions avaient non seulement fragilisé les efforts de paix, mais également contribué à isoler les États-Unis au sein de la communauté internationale sur ce dossier.
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Par ailleurs, Trump a également durci la position des États-Unis vis-à-vis de l’Iran, se retirant de l’accord sur le nucléaire. Selon Kerdoudi, cette ligne dure pourrait conduire à des tensions régionales supplémentaires : « Il pourrait même autoriser Israël à attaquer les installations nucléaires iraniennes », avertit-il, soulignant le risque d’une escalade militaire au Moyen-Orient et un embrasement encore plus grave dans la région, aux répercussions imprévisibles sur la paix internationale.
Quant à ses relations avec l’Europe, Trump a souvent affiché du scepticisme envers l’OTAN, suscitant des inquiétudes parmi les alliés européens. Ce qui laisse présager un possible isolement des États-Unis en cas de réélection.
Trump et l’environnement : une politique controversée
Sur les questions environnementales, Trump reste fidèle à ses positions climato-sceptiques. Durant son mandat, il a encouragé la production de pétrole et de gaz de schiste, au détriment des politiques de protection de l’environnement. « Trump est un climato-sceptique qui refuse d’engager les USA sur les questions liées à l’environnement », déplore Kerdoudi. Cette politique d’exploitation intensive des ressources naturelles, bien que critiquée à l’international, séduit une frange de l’électorat américain favorable à une indépendance énergétique et à des emplois locaux dans l’industrie des énergies fossiles.
Kamala Harris : la stabilité dans la continuité
Kamala Harris, de son côté, représente une approche plus modérée et traditionnelle de la politique étrangère américaine. « Harris est beaucoup plus apaisée et il est probable qu’elle ne changera rien sur la politique américaine au Moyen-Orient, mais elle sera plus ferme vis-à-vis de Netanyahu », analyse Kerdoudi. Harris, en tant que démocrate, s’inscrit dans la continuité des engagements internationaux des États-Unis, avec une ferme volonté de maintenir le soutien à l’Ukraine et de travailler de concert avec les alliés européens. Cette approche vise à renforcer les alliances traditionnelles et à stabiliser le rôle de l’Amérique sur la scène internationale, en contraste avec la vision isolationniste de Trump.
Un duel polarisé, des attentes divergentes
La campagne entre Trump et Harris est marquée par des attaques personnelles et des discours de dénigrement mutuel, chacun cherchant à mobiliser son électorat en exploitant les faiblesses de l’autre. « Ce qui est frappant, c’est que Trump conserve un pragmatisme propre aux hommes d’affaires, allant droit au but », note Kerdoudi. Ce style direct séduit une partie des électeurs, notamment ceux qui apprécient sa position de « l’Amérique d’abord » et qui adhèrent à son discours de recentrage économique.
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Quant à Harris, elle s’efforce de rassembler une coalition plus large, incluant les jeunes et les minorités, pour contrebalancer la base solide de Trump. Cependant, Kerdoudi s’interroge : « Harris a-t-elle réellement réussi à mobiliser une nouvelle génération d’électeurs pour contrer la popularité de Trump ? ». Le politologue doute que le camp démocrate ait réussi à surmonter les peurs et l’incertitude de l’électorat face au pragmatisme affiché par l’ancien président.
Quel impact sur la scène internationale et le futur de l’Amérique ?
En fin de compte, cette élection pourrait bien être un tournant pour les États-Unis et pour leur rôle dans le monde. Avec Trump, l’Amérique pourrait se retirer de plusieurs engagements internationaux, favorisant une politique de repli stratégique pour privilégier l’économie nationale. En revanche, Harris incarne la stabilité d’une politique internationale classique, avec des alliances renforcées et un soutien accru à l’Europe face à la Russie.
Comme le résume Kerdoudi, « Trump préfère cesser les confrontations militaires pour livrer les grandes batailles économiques, notamment contre la Chine ». Ce choix pourrait bien façonner la géopolitique des prochaines années, entre un recentrage économique et un engagement militaire raisonné.
La réponse aux aspirations américaines se trouvera donc dans les urnes. Qui de Trump ou de Harris sera en mesure de convaincre les électeurs de sa vision pour le pays et de son rôle dans le monde ? Wait and see.