Culture

Cinéma, un instrument de soft power ?

Ces dernières années, le Maroc a énormément investi dans le sport. Sans hasard, cette diplomatie sportive est le fruit d’une vision bien pensée. Au-delà de l’art, le cinéma est aussi un puissant instrument de soft power. Décryptage.

En octobre 2021 à Baikonur, on se rappelle du décollage de la fusée Soyuz qui, pour la première fois, emmenait une équipe de tournage de film de fiction dans l’espace. Cet événement, selon plusieurs observateurs, a été interprété comme une réponse, à travers l’image du cinéma et de l’aérospatiale russe, pour défier les Américains qui avaient annoncé en mai 2020 leur projet de tournage à bord de l’ISS en partenariat avec la NASA et la société SpaceX.

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Pour ne citer qu’un exemple, rappelons que ces dernières années, la Russie a fait du cinéma un véritable levier de son agenda dans le monde. Poutine a employé pour la première fois en juillet 2012 le terme soft power dans sa traduction russe, devant l’assemblée des ambassadeurs et diplomates russes. Il l’a alors qualifié de « technologie nouvelle » qui consiste en la promotion des intérêts de son pays en s’appuyant sur ses réussites culturelles, spirituelles et intellectuelles. Aujourd’hui, toutes les grandes nations contemporaines de ce siècle accordent une attention particulière au 7e art, qui au-delà de son aspect ludique, sert les intérêts de mise en avant des différentes visions du monde contemporain.

Maroc vers une diplomatie du cinéma ?

« Il est important que nous ayons une véritable volonté politique dans ce chantier », nous confie une source au ministère de la culture. « Les diplomaties d’influence et culturelle, à la différence de la diplomatie traditionnelle, ne reposent pas uniquement sur le gouvernement comme acteur principal. Elles reposent également sur des acteurs privés ou semi-publics. Dans le cas présent, c’est surtout le secteur privé, ou ce qu’on appelle « l’industrie culturelle », qui mène la danse de l’influence et de l’attractivité culturelle, parfois sous l’impulsion du gouvernement.

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Les arts contribuent grandement au prestige d’un pays ou d’une société ; ils deviennent par la même occasion un élément incontournable des stratégies politiques internationales. Et face à la multiplicité de ces arts à l’époque des médias de masse, les gouvernements décident de se tourner vers le 7ème art comme vecteur de leur diplomatie culturelle », explique l’expert en communication politique et publique Dina El Gourari dans une tribune sur le sujet. Selon notre source au ministère, « le Maroc, tout comme dans l’automobile ou le tourisme, doit également briller dans le secteur du cinéma ». Rappelons d’ailleurs que, comme dans le sport, le Maroc, à l’heure du narratif de l’image et du contenu, doit décliner une véritable diplomatie dans ce chantier. Pour Siham El Faidy, CEO de Concept Prod, « le Maroc doit investir dans ce domaine ». « Le secteur du cinéma au Maroc a besoin d’une véritable diplomatie pour maîtriser son contenu dans ce siècle de l’image ».

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De son côté, Fouad Souiba, romancier et réalisateur, alerte sur les défis : « Aujourd’hui, le Maroc doit produire des films de qualité, faire des coproductions avec l’étranger, convaincre les étrangers de la qualité de nos techniciens et de nos cinéastes pour pouvoir tourner à l’étranger, et signer des conventions de coproduction avec plus de pays. Donc, il y a plusieurs défis à relever par le cinéma marocain, tant au niveau de la diffusion nationale qu’internationale des films ». Pour le spécialiste, même si certains défis demeurent, il reconnaît d’emblée le mérite du cinéma marocain sur le continent. « Quand on est reconnu chaque année et sélectionné parmi l’élite internationale, c’est qu’il se passe quelque chose d’important. Et je n’ai besoin que de la déclaration de Thierry Frémaux, président du festival de Cannes, lors de l’avant-première mondiale du dernier film de Nabil Ayouch, « Everybody loves Touda », en mai dernier. Il a déclaré que le Maroc est un grand pays du cinéma mondial. Il a affirmé que le Maroc est une grande puissance cinématographique mondiale. Ainsi, il est important de reconnaître aujourd’hui cette reconnaissance internationale, car lorsque quelqu’un comme Thierry Frémaux, pour le cinéma, est comparable à Gianni Evantino pour le football, il est important de le dire. »

 
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