Comment Temu, l’ogre chinois du e-commerce, prépare son entrée au Maroc
Présent dans une soixantaine de pays, le géant chinois Temu, avec ses millions d’utilisateurs, s’intéresse désormais au continent africain. La plateforme bien connue pour ses publicités agressives et ses pratiques de collecte de données opère une entrée discrète au Maroc.
« À ce jour, l’application ne figure même pas parmi les 100 applications les plus recherchées », précise d’emblée le Directeur Général d’Avito Group, Zakaria Ghassouli. Dans une démarche typiquement chinoise, le bras armé de la firme Pinduoduo, cotée à la bourse de New York, a opté pour journal panafricain basé à Paris pour annoncer son entrée « discrète » sur le marché marocain.
Au cours de nos investigations, nous avons découvert le site officiel de Temu Morocco. Ressemblant à Alibaba, la plateforme affiche une interface orange proposant une variété d’articles : djellabas, bijoux, articles d’intérieur, articles de sport, etc. Avec l’accroche en gras « Livraison gratuite sur toutes nos commandes », la plateforme attire l’attention sur son modèle concurrentiel, offrant des articles à des prix très compétitifs, tout en assurant une livraison gratuite efficace qui séduit facilement la clientèle. De plus, la stratégie de la plateforme consistant à offrir des articles gratuits aux utilisateurs qui promeuvent l’application sur les réseaux sociaux et incitent leurs amis et leur famille à s’inscrire renforce son attrait.
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Aux États-Unis, seulement 3 mois après son lancement en août 2022, l’application est devenue numéro un sur la liste des téléchargements, selon la plateforme de données Data.ai. Actuellement, les États-Unis représentent le plus grand marché de Temu, avec 97 % des 5,2 millions d’installations mondiales de l’application depuis son lancement.
Après avoir couvert une grande partie des pays d’Europe, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne et le Royaume-Uni, le groupe a décidé de s’implanter sur le continent africain. Avant le Maroc, l’application avait déjà été lancée en Afrique du Sud en janvier dernier et à l’Île Maurice en mars 2023.
Cependant, le DG d’Avito appelle à la prudence, soulignant qu’il s’agit d’une opération de communication « discrète ». « Il est prématuré de juger de l’impact de ce nouvel acteur sur le public marocain », explique-t-il. « Il est nécessaire d’attendre pour évaluer pleinement la portée opérationnelle de ce service, notamment en ce qui concerne le volet logistique et les implications des droits de douane. De plus, il est important de noter que l’application ne figure pas parmi les 100 premiers téléchargements sur Android, soulignant ainsi que son influence actuelle est limitée ».
Une plateforme controversée
Quant à la protection des consommateurs, l’émergence du e-commerce présente des avantages, mais ces dernières années ont également vu une prolifération de produits douteux sur le marché. Avec la stratégie de marchandisation à bas prix de Temu, les consommateurs risquent d’être exposés aux excès du consumérisme alimenté par les acteurs du e-commerce. En Suisse, par exemple, plusieurs associations ont alerté sur le fait que les produits fabriqués en Chine et distribués via Temu ne respectent que rarement les normes suisses en matière de sécurité des produits.
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De plus, le Financial Times a rapporté que les États-Unis avaient menacé de prendre des mesures si la Chine cherchait à écouler sa surproduction industrielle en lançant des marchandises à prix cassé sur d’autres marchés. Pour l’instant, sur leur site au Maroc, les produits mis en avant semblent être d’origine locale. Il est clair que la gigantesque machine de production à bas coûts de Temu sera alimentée par le vaste marché chinois. En Europe, la société est sous surveillance pour concurrence déloyale, risquant une lourde amende.
En mars dernier, la plateforme avait lancé en Angleterre et en France une offre controversée de minimum 100 euros pour l’achat des données des utilisateurs. Après une vive polémique, la marketplace a suspendu son offre jusqu’à nouvel ordre. Avec 50 millions de visiteurs revendiqués par mois aux États-Unis et près de 75 millions en Europe, cette place de marché en ligne est sous haute surveillance en Europe en raison de sa politique d’utilisation des données personnelles. Ce retrait stratégique dans l’achat de données s’explique par la réglementation européenne pour les plateformes numériques et les moteurs de recherche comptant plus de 45 millions d’utilisateurs, qui interdit par exemple les publicités ciblées et impose la traçabilité des vendeurs (identité et coordonnées complètes).