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Concurrence déloyale: Le grand blues des producteurs Marocains

Alors que les industriels se serrent les coudes face à une concurrence étrangère sauvage, le gouvernement prend certes des mesures d’urgence mais le patronat demande beaucoup plus pour la sauvegarde de la production nationale. Pour garder ses fleurons au Maroc, l’Etat doit leur assurer un environnement juridique, commercial et politique stable et favorable.

Tout porte à penser que la plainte déposée par Cema Bois de l’Atlas, concernant «des éléments de preuves suffisants montrant l’existence d’une menace de dommage grave suite à des importations massives de panneaux de fibres de bois revêtus (PPBR)», n’est que l’arbre dans la forêt des entreprises qui souffrent en silence d’une concurrence étrangère déloyale. Saisi à plusieurs reprises, le département du Commerce a bien ouvert une enquête le 20 février 2024 qui devra rendre publics ses résultats dans un délai qui ne doit pas dépasser neuf mois.

Mais d’ores et déjà, le ministère reconnait que le total des importations du produit considéré a augmenté de 5,3 millions de m2 pendant la période du premier semestre de 2019 et 2023, ce qui équivaut à une augmentation sévère de 145%.

Or, beaucoup de gens ne le savent peut-être pas mais la requête de Cema Bois de l’Atlas comme celles, plus discrètes de nombreux opérateurs économiques locaux, ne relève pas d’une simple démarche de protestation, mais beaucoup d’entreprises et pas les moindres n’hésitent plus à se plaindre directement auprès du ministère de tutelle de la concurrence déloyale et de fournisseurs sans scrupules qui n’hésitent plus à inonder le marché local de produits bas de gamme achetés ailleurs.

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De l’autre côté, il y a bien «des mesures de sauvegarde de la production nationale» dont le ministère du Commerce et de l’industrie a défini les contours. Après enquête prouvant «un préjudice grave à la branche de production nationale de produits similaires ou directement concurrents, la Direction chargée du Commerce extérieur», l’administration de tutelle peut prendre des mesures provisoires sous forme notamment «d’un droit additionnel appliqué aux importations du ou des produits en question» ou des mesures définitives visant « l’importation d’un ou de plusieurs produits, si au terme de l’enquête il a été déterminé que l’accroissement massif des importations de ce ou de ces produits causent ou menacent de causer un préjudice grave à la production nationale du ou des produits similaires ou directement concurrents en tenant compte des intérêts commerciaux du Maroc».

Ce fut le cas d’ailleurs avec une énième requête de Cema Bois de l’Atlas qui avait abouti en 2019 sur des mesures sévères prises pour protéger «la production de bois revêtus au Maroc, dont Cema Bois de l’Atlas est l’unique producteur au Maroc» ( publié dans le BO de septembre 2019). Même topo avec les sociétés nationales productrices de tubes et tuyaux en fer ou en acier qui avaient quant à elles, bénéficié de mesures de sauvegarde appliquée aux importations de ces produits en octobre 2023.

Mais au delà de ces «mécanismes renforcés» qui permettent certes d’adopter «des mesures correctives rapides» en cas de perturbations importantes sur le marché national, ces «freins d’urgence» conçus pour «stabiliser» les importations massives, aux volumes moyens importés en 2022 et 2023, les inquiétudes des industriels sont telles, que l’arsenal de ces restrictions n’aura pas d’impact positif durable si une politique nationale plus offensive n’est pas lancée par les pouvoirs publics.

Intervenant lors d’une conférence-débat tenue à l’initiative de la Chambre de Commerce Suisse au Maroc «Swisscham Morocco», Ryad Mezzour, avait notamment souligné l’importance de la protection commerciale dans le développement et la pérennité des industries locales, dans un contexte de mondialisation. «La protection commerciale est non seulement un moyen de protection du consommateur contre un certain nombre de pratiques inappropriées, mais également de protection de la concurrence loyale entre les pays», a ainsi martelé le ministre de l’Industrie et du Commerce.
Le responsable a, à cet égard, fait remarquer que le Maroc utilise les instruments de protection commerciale de manière «ouverte», afin de protéger l’industrie nationale contre les pratiques anticoncurrentielles.

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Cela dit, prendre des mesures d’urgence ponctuelles pour protéger la production nationale, c’est une bonne chose mais est-ce bien ce qu’attendent les industriels de l’exécutif ? Le gouvernement manquerait-il d’audace ? Si l’industrialisation du Royaume, a bien porté la part de son industrie à 25% du Produit intérieur brut (PIB)» en 2023, il n’en reste pas moins que la balance commerciale du pays fait toujours grise mine.

Du côté de l’exécutif, on explique aussi que la question est d’autant plus complexe que le produit national n’est pas toujours au niveau de celui fabriqué ailleurs. D’où la question légitime sur les profondes restructurations que devraient effectuer les pouvoirs publics pour relancer la machine de manière à être au niveau des ambitions royales concernant la compétitivité du produit «made in Maroc».

Ne pas compromettre la compétitivité passe bien sûr par la distribution d’argent public pour soutenir les entreprises dans des conjonctures difficiles comme celles qu’a connues le pays avec la pandémie du Covid, mais c’est aussi des politiques bien adaptées pour réagir à tous les changements profonds et surtout imaginer des mesures de compétitivité qui nous permettent de faire face à ces concurrents directs que sont la Chine, l’Europe ou les Etats-Unis avec qui nous sommes particulièrement en concurrence dans les technologies de l’industrie verte, l’hydrogène vert, les véhicules électriques et les panneaux solaires entre autres.

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C’est beaucoup dans ces domaines de pointe que nous devons faire des efforts pour être plus compétitifs sur la scène mondiale. Cela passe aussi par un débat politique approfondi sur la structure des coûts des prix de l’énergie, dont souffrent toutes les industries.

En parallèle à cette politique, l’Etat devrait être plus pointilleux en matière de commande publique, beaucoup d’industriels se plaignant (en off) de ce que souvent les marchés publics répondent à la logique du «achetons moins cher, peu importe d’où ça vient», plaidant plutôt pour que des critères de souveraineté nationale soient pris en compte dans les achats et les marchés publics.
En soutenant la production nationale, le gouvernement fait ainsi d’une pierre deux coups, il relance la réindustrialisation du pays et il renforce par la même occasion, le principe de solidarité pour que la transition soit socialement juste pour tous les citoyens.

 
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