Conseil de Bank Al Maghrib. Les arguments et les messages de Jouahri
Après l’analyse de l’évolution de la conjoncture nationale et internationale, le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), a décidé, à l’issue de sa réunion tenue le 19 décembre, de maintenir inchangé le taux directeur à 3%. Un niveau qu’il estime approprié car il favorise le retour de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix.
Dans son communiqué, le Conseil a noté la poursuite du ralentissement graduel de l’inflation, amorcée en mars 2023, revenant de 4,9% en moyenne au T3 à 4,3% en octobre, soit son taux le plus bas après le pic de 10,1% enregistré en février dernier. Après 7 trimestres consécutifs de hausses, les prix des produits alimentaires volatils ont accusé une première baisse trimestrielle au T3 2023, mais restent en progression de 15,4% en glissement annuel. Quant aux prix des carburants et lubrifiants, ils ressortent en repli de 0,7% en octobre, en glissement annuel, après la baisse de 12,3% au T3 2023.
Tenant compte de la dissipation prévue des pressions inflationnistes d’origine externe, et sous l’hypothèse d’une stabilité des prix des produits alimentaires, les projections de BAM tablent sur une atténuation de l’inflation de 6,6% en 2022 à 6,1% en 2023, puis à 2,4% en 2024. Il prévoit ainsi un repli des prix des carburants et lubrifiants de 2,4% cette année, après une hausse de 42,3% en 2022. Il estime donc que les anticipations d’inflation à moyen terme ont continué de diminuer au T4 2023 et que la transmission cumulée de ses trois dernières décisions de relèvement du taux directeur aux conditions monétaires et à l’économie réelle se poursuit. Et par conséquent, le Conseil a jugé que le niveau actuel de 3% du taux directeur reste approprié et favorise le retour de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix.
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Lors du traditionnel point de presse qui suit la réunion du Conseil, le Wali de BAM, M.Abdellatif Jouahri a répondu aux questions de la presse nationale. En réponse à une question concernant le plan stratégique de la Banque centrale pour la période 2024-2028, le Wali a précisé que «Deux axes stratégiques majeurs guideront les actions de la BAM dans les années à venir». Le premier axe vise à renforcer la résilience et à stimuler le progrès de l’économie nationale, impliquant un soutien continu aux secteurs clés, tout en favorisant des initiatives qui stimulent la croissance durable et inclusive. Le second axe se concentre sur l’innovation et une réactivité accrue de BAM face aux dynamiques changeantes. Il s’agit d’intégrer les avancées technologiques telles que le développement d’une monnaie numérique de Banque centrale, l’adoption et la régulation des crypto-actifs, l’analyse approfondie du big data, l’application de l’intelligence artificielle dans les opérations bancaires et la consolidation de la cyber-sécurité. Il a ajouté aussi que le plan stratégique, qui s’étale sur 5 ans, se concentrera également sur le passage au nouveau régime de change et le ciblage de l’inflation, ainsi que l’innovation technologique et la gestion des risques.
En réponse à la question sur les réserves en or à la disposition de la Banque centrale, le Wali a affirmé que BAM suit une pratique courante dans la gestion de ses réserves d’or. Ces réserves, qui représentent environ 6% des réserves totales de change du Maroc, sont en accord avec la moyenne observée à l’échelle mondiale. Il a précisé que les trois principes fondamentaux qui guident la gestion des réserves de change sont : la sécurité, la liquidité, et le rendement. La sécurité reste le premier principe en assurant que les investissements sont réalisés dans des catégories d’actifs à faible risque, tels que les actifs notés triple A. Quant à la liquidité, le second principe, il garantit que les réserves peuvent être facilement converties en espèces pour répondre aux besoins du pays. S’agissant du rendement, bien qu’important, il vient en dernier car BAM cherche d’abord à sécuriser et liquéfier ses actifs avant de chercher un rendement optimal. Et même si l’or est considéré comme une valeur refuge, sa gestion en tant que composante des réserves de change présente des défis spécifiques et doit être géré dans le respect des principes, notamment en termes de liquidité et de sécurité.
Dans sa réponse à la question concernant le ‘’fonds spécial pour la gestion du tremblement de terre’’ ayant touché le Maroc, le Wali a révélé que le fonds a collecté, à ce jour, 19 MM DH de contributions. Ce montant devrait même atteindre les 20 MM DH avant la fin de l’année, grâce aux nouveaux dons attendus, notamment ceux en provenance des institutions internationales. A noter, que le Conseil de BAM assure que les répercussions du séisme d’Al Haouz sur l’activité économique devraient être faibles, estimant que «La concrétisation des nombreux chantiers d’envergure, prévus ou en cours de mise en œuvre, laisse espérer une nouvelle dynamique de l’investissement et de l’activité économique à moyen et long termes».
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S’agissant des préoccupations environnementales, le Wali a indiqué que BAM envisage d’augmenter de 8% ses réserves de change vertes, estimées actuellement à 200 M $. Il a réitéré l’engagement de BAM à intégrer les préoccupations environnementales dans ses stratégies financières. D’où la nécessité pour le système bancaire marocain d’intégrer le changement climatique et le crédit vert dans ses opérations de crédit. Il a averti sur la nécessité de se préparer aux éventuelles barrières commerciales qui risquent d’être imposées par les pays importateurs sur les produits ne répondant pas aux critères environnementaux.
A la question de Challenge sur la soutenabilité de la dette publique à moyen terme, au regard des différents engagements de l’Etat, entre autres, la généralisation de la couverture sociale, l’aide directe aux ménages, la reconstruction des zones sinistrées suite au séisme, les préparatifs pour le mondial 2030, ainsi que les ambitieux plans stratégiques des établissements publics tels ceux de la RAM, de l’ONCF, de l’ONE… Dans sa réponse, le Wali a rassuré sur la rigueur dans la gestion des équilibres fondamentaux du pays, qui reste sous la vigilance de la Banque centrale. Il reste également optimiste sur la capacité de l’Etat à faire face à tous ses engagements, d’autant plus que le Souverain, en personne, a pris son bâton de pèlerin pour aller chercher des financements extérieurs auprès des Emirats arabes unis, à travers des accords de partenariat signés par les deux Chefs d’Etat en personne.