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Contrôle à l’importation. Les goulots d’étranglement persistent !

Le contrôle à l’importation continue d’alimenter les débats. Et pour cause, des goulots d’étranglement persistent toujours en pratique. Une situation qui impacte surtout les petits importateurs qui n’arrivent plus à supporter la surcharge des coûts qui impactent automatiquement leur marge et in fine, le prix de vente du produit. Pour les importateurs, il est nécessaire de revoir tout le procédé. 

Le Maroc œuvre depuis quelques années déjà, pour un commerce équitable qui respecte les règles du jeu, ce qui a poussé le ministère du Commerce et de l’industrie à mettre en branle une nouvelle stratégie pour faire rebasculer la filière industrielle dans la politique d’import-substitution pour non seulement réduire le déficit commercial, mais surtout protéger l’industrie locale et pousser les Marocains à investir dans le secteur en leur offrant des opportunités. Une approche qui a entrainé une hausse des droits de douane sur les produits finis et un renforcement des contrôles au niveau des importations. 

Seulement voilà en pratique, l’étau s’est tellement resserré sur les importateurs que cela a poussé plusieurs d’entre eux à mettre les clés sous le paillasson et pour ceux qui résistent, le coût devient tellement exorbitant qu’ils auront du mal à soutenir cette situation encore plus longtemps. 

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Un cri d’alarme vient d’être publié sur les réseaux sociaux par Mamoun Benamour, Cofondateur de Padel House, une entreprise spécialisée dans l’importation des produits d’équipement de Padel de la marque espagnole Joma.  Benamour est un jeune entrepreneur qui a passé plus de 10 ans en France et qui a décidé d’investir dans son pays natal, à savoir le Maroc. Il déchantera assez rapidement, au vu des contraintes rencontrées sur le terrain. Sur 4 opérations d’importation, du même fournisseur il a subi 3 fois des contrôles et à chaque contrôle, il fallait régler une facture assez conséquente en comparaison avec le prix total de la commande. (Voir témoignage)

Car rappelons, que si les grands groupes peuvent se permettre de supporter ces charges au vu de la grande quantité importée, ce n’est absolument pas le cas pour les débutants avec de petites quantités. 

Ce constat fait par Benamour a poussé plusieurs autres entrepreneurs subissant les mêmes contraintes à se manifester. Omar Menjour, Master franchisé de la marque Damat Tween (une marque Turque fabriquée à base de tissu italien), a lui aussi été contraint de subir des tests de qualité, alors que cela fait presque 12 ans qu’il importe de chez le même fournisseur et est quand même positionné sur un produit haut de gamme, donc de qualité. 

En gros, ce dernier a subi les tests et s’est retrouvé bloqué, car le PH du col de la chemise qu’il importe depuis des années est légèrement supérieur à celui imposé, à savoir (7,8 au lieu de 7,5) alors que le PH de la chemise était largement inférieur (6,5). Un vrai parcours du combattant, et une perte d’énergie, de temps et d’argent pour finalement ne trouver une solution qu’au bout de 7 semaines à peu près (Voir témoignage). 

Omar Menjour nous confie que depuis 2018, de manière brutale et sans négociation, il s’est retrouvé face à des droits de douane qui se sont imposés même dans le cadre de l’accord de libre-échange pour tout importateur de prêt à porter. 

Ces droits de douane ont augmenté dès 2018 pour atteindre en 2020 près de 36% et qui ont mis à mal toutes les sociétés ayant des fabrications en Turquie. Ce qui a impacté nos marges et nos prix. Et en parallèle de ces taux, les procédures sont devenues plus complexes. Le désir de digitaliser a rendu les choses beaucoup moins flexibles. Nous nous sommes retrouvés ces dernières années, à avoir systématiquement à chaque importation des tests laboratoires à nos frais pour attester de la qualité des produits et ceci, malgré le fait que nous sommes référencés en tant que Franchise qui achète exclusivement de chez le même fournisseur et qui répond à des normes de qualité et ayant une présence dans plus de quatre pays dans le monde. 

Et la liste est encore longue, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur les réactions au poste de Benamour pour voir que plusieurs autres acteurs subissent la même chose. Certains ont même affirmé avoir laissé tomber, tellement les contraintes et les coûts sont énormes. 

D’ailleurs, l’un des entrepreneurs a même affirmé « avoir l’impression qu’il n’y a aucune logique dans ces tests. C’est «au bon vouloir de la douane» ! ». 

Qui, ceci dit au passage, a préféré laisser au ministère du commerce et de l’industrie le soin de répondre à nos questions, jugeant qu’elles étaient plus de leur ressort. 

Tout ce bruit a fait réagir le ministère du Commerce et de l’industrie qui est entré en contact avec Mamoun Benamour. Mais là encore, pas de solution réelle au problème des importateurs. 

Le point positif pour Benamour, est l’accessibilité et l’écoute au sein de la Direction Générale du Commerce. Ce qui est vrai, puisqu’ils ont répondu assez rapidement à la demande de précision de Challenge Magazine. 

Mais pour Benamour, il n’y a pas eu vraiment de solution. Il explique que «la position du Ministère à ce sujet est d’ailleurs très intéressante. Il considère que nous aurions dû prendre connaissance des contraintes d’importation lors de nos études de marché, afin d’évaluer l’intérêt du projet». Selon le ministère, lorsque les tissus d’habillement sont importés en brut, ils sont soumis au contrôle à l’origine (COC) et non au test de laboratoire. A partir du moment où l’importation de vêtement en produit fini est soumise au test au Maroc, vous auriez dû en tant petit acteur de ne pas vous y lancer. 

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Ainsi, pour le lancement de sa marque de vêtements de sport Vesper Sportswear, ce dernier aurait dû soit investir plus gros de telle sorte à amortir les coûts fixes élevés des tests en laboratoire de la marchandise importée, soit faire du textile haut de gamme de telle sorte à ce que les très fortes marges lui permettent également d’amortir les coûts fixes des tests. Ou encore, abandonner le projet et cibler un produit différent où il y a moins de contrôles en place actuellement. 

Benamour explique que suite à cette rencontre, deux constats s’imposent. «Le premier, est que quelles que soient les raisons derrière ces règles et normes, elles découragent l’entrepreneuriat des jeunes marocains dans un domaine pourtant facilement accessible. Le second, est que ces contraintes sont la résultante de nombreux acteurs malhonnêtes qui ont exploité les failles douanières durant des années… et c’est tout l’écosystème entrepreneurial marocain qui en paie le prix aujourd’hui ».

CE, NM, COC… Le casse-tête des certifications !
En ce qui concerne les procédures sur le terrain, il est nécessaire de faire référence à l’IMANOR (Institut Marocain de Normalisation). En effet, le Maroc via l’IMANOR a lancé ses propres règles et normes (Normes NM).  Rattaché au ministère du Commerce et de l’industrie, il est en charge de la production des Normes. 
Mais en pratique, ce que reprochent les importateurs est le changement assez rapide dans la mise en place de ces normes. Pour ce faire, l’IMANOR, conseille de souscrire à la prestation de veille normative, pour être informé des changements relatifs à son secteur.  
Une veille qui rappelons-le au passage, n’est pas gratuite. C’est d’ailleurs ce que nous a expliqué Benamour « l’accès aux règles n’est pas gratuit ». 
Pour ce qui est du changement des normes alors que le fournisseur est en train d’importer sa marchandise, l’IMANOR explique que la date de promulgation de la nouvelle norme est prise en considération pour valider ou pas l’arrivée de la marchandise. 
Pour l’IMANOR, c’est à l’importateur d’être en veille et de chercher à chaque opération d’importation les changements qui ont eu lieu.  Ce changement nous explique-t-on, auprès de l’institut, suit l’évolution des normes à l’international et prend aussi en considération les contraintes locales. 
Et donc pour avoir accès à ces informations, les importateurs se dirigent vers les instituts de contrôles agréés. Ces derniers achètent des abonnements auprès d’IMANOR et ont donc accès à toute la panoplie de règles et de normes à respecter qu’ils offrent gratuitement à tout importateur souhaitant s’enquérir des règles à respecter pour ses produits.  
Un échange de bons procédés, puisque dans le cas où un contrôle est exigé, le bureau espère revoir le client pour justement effectuer ce dit contrôle. 
Rappelons, qu’il existe deux types de contrôles de marchandises. Il y a ce qu’on appelle un contrôle à l’origine qui se fait chez le fournisseur avant l’importation et il y a ce qu’on appelle le contrôle à destination qui se fait au Maroc au niveau de la Douane. 
Pour en revenir aux obligations de contrôle à l’importation des produits, il existe 3 cas de figures. Le premier, le produit n’est pas soumis au contrôle ni à l’origine, ni à destination, à titre d’exemple les raquettes de Padel importées par Benamour font partie d’une niche où il n’y a pas de contrôle. 
La deuxième option est le contrôle à destination, ce sont les tests opérés à la Douane une fois la marchandise sur place. Des tests dont le prix est impossible à prédire et donc modéliser puisqu’il dépend de la nature du produit testé. 
Et enfin l’entre deux, à savoir le contrôle chez le fournisseur avec à la clé ce qu’on appelle le COC  (Certificate of Conformity). 
Ainsi, les organismes de contrôles au Maroc vont contacter le bureau qui leur est rattaché à l’international qui va envoyer un agent sur place à l’usine qui va récupérer les papiers des produits et s’assurer que les produits respectent les normes en vigueur. Une fois ce process validé, ils vont émettre un COC. 
Le COC va donc permettre d’importer la marchandise au Maroc et d’éviter de passer par le laboratoire. Donc une fois la marchandise sur place au Maroc, l’organisme va authentifier le code du COC émis à l’origine et si le code est correct la marchandise passe. 
Le point négatif est qu’en pratique, cette procédure retarde la marchandise de 3 à 4 semaines.  Le point positif est son coût puisqu’il est prévisible et donc modélisable. Il est à hauteur de 0,45% de la valeur de la facture avec un seuil minimum à 315 dollars. 
Sur un autre volet, il faut savoir que le fournisseur est d’accord pour le faire lorsque vous êtes un gros client, mais ce n’est pas systématique pour les petits clients. 
Pour rappel, avec 3 COC conformes il était possible de bénéficier d’une dérogation de quelques mois sans refaire de tests, ce qui n’est plus possible selon les dires des importateurs. Aujourd’hui, chaque marchandise importée a besoin de son COC, malgré le fait que ce soit le même modèle provenant du même fournisseur. 

Témoignage
Mamoun Benamour //Co-fondateur de Padel House

Lorsque nous avons importé des produits de la marque espagnole Joma pour la première fois pour mon business Padel House (vente d’équipement de padel), nous avons vécu une très mauvaise expérience. A l’arrivée de la marchandise au Maroc, le Ministère de l’Industrie et du Commerce nous a imposé un test de qualité et de conformité des produits. En théorie, ce test vise à limiter l’importation de produits de mauvaise qualité qui présentent un risque pour la santé des consommateurs. Une bonne chose, en soi, sauf que Joma est une marque mondialement réputée, qui vend du sportswear depuis 1965 dans plus de 70 pays, dont le Maroc. Rien à faire, impossible d’y échapper. Ils nous ont prélevé 5 paires de chaussures qui sont parties au laboratoire. En voyant la facture, c’est la douche froide : 1,300 euros HT. Sur une commande de 6,000 euros HT. Soit presque 25% de surcoût! Et si on refuse de payer, la marchandise reste bloquée à la douane.
Cela a laminé notre marge sur cette première commande. Mais ce n’est pas tout. Le Ministère nous a refait le même coup il y a 3 mois sur des t-shirts (700 euros HT). Puis par la suite, sur des chaussures identiques à la première commande (1.200 euros HT). A mon sens, la loi devrait mettre en place un système qui permette de protéger les consommateurs sans forcément tuer la marge des petites entreprises. Car, le système actuel favorise les grandes entreprises qui importent des volumes conséquents pour amortir les coûts de ces tests. Sinon, autant demander aux jeunes entrepreneurs de ne plus se lancer dans l’importation de produits, même s’ils sont de qualité.
J’ai maintenant compris qu’il y a aussi une forme de protectionnisme derrière ces procédures.  Ça protège les acteurs locaux de l’industrie textile… même si le Maroc ne produit ni sportswear de qualité, ni chaussures de sport.  J’avoue que cette stratégie a eu raison de moi. Aujourd’hui, je lance Vesper Sportswear en partie pour réduire mes importations de textile depuis l’étranger. Pourtant, je serai quand-même obligé d’importer du tissu de l’étranger pour offrir la qualité que les consommateurs méritent, car je n’ai pas trouvé de fournisseur au Maroc. Je m’expose donc au même châtiment qu’en important du Joma.

Témoignage Omar Menjour //DAMAT TWEEN Morocco 

Je suis Master franchisé de DAMAT TWEEN depuis 2012, marque de prêt-à-porter premium fabriqué en Turquie. Je n’ai jamais eu de problème de conformité en 11 ans. Les tests de conformité auprès de labos sont devenus systématiques depuis 2 ans environ et les résultats peuvent avoir des conséquences graves. Ma dernière importation a pris 7 semaines pour sortir. Comme d’habitude, tout était bon mais une référence de chemises blanches que j’importe depuis le début prise au hasard a eu tout conforme sauf le pH du col qui a dépassé la limite autorisée (7,5) de 0,2/0,3… Toute l’importation avec 50 références de la saison se retrouve bloquée. Les pertes sont importantes. DAMAT qui a 400 points de ventes dans le monde et se fournit en Italie pour ce tissu, a réalisé un test qui s’est avéré conforme chez elle. J’ai eu la chance d’avoir une interlocutrice au Ministère qui a été à l’écoute et très rigoureuse, et après 4 séries de tests sur différentes réferences, j’ai eu le ok. Ce produit de qualité est le même depuis 11 ans. Autour de moi, j’ai été contacté par plusieurs importateurs de renom à Casablanca de tissus, espagnols ou italien notamment qui ont subi la même «galère» et ont dû renvoyer la marchandise au fabricant après 6 semaines.

 
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