Cybersécurité au Maroc : lecture analytique d’une séquence inédite

Les événements survenus au Maroc depuis début avril 2025 ont placé la question de la cybersécurité au cœur de l’actualité nationale.
Par FatimaZahra RAIS*
Plusieurs institutions publiques ont été visées par des attaques informatiques successives, parmi lesquelles la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), les ministères de l’Agriculture et de l’Emploi, ainsi que d’autres entités dont les services numériques ont été temporairement perturbés.
La première alerte est apparue avec la publication, sur des canaux non officiels, d’un volume important de données présumées issues de la base de la CNSS. Les fichiers diffusés contiendraient des informations relatives à des millions de citoyens et à des centaines de milliers d’entreprises. Cette attaque a été revendiquée par un groupe de hackers se présentant comme hostile aux intérêts marocains, dans un contexte régional tendu.
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La CNSS a réagi en remettant en cause la fiabilité d’une partie des données publiées, sans toutefois livrer de détails sur l’ampleur réelle de la fuite. Quelques jours plus tard, d’autres institutions publiques, notamment les ministères de l’Agriculture et de l’Emploi, ont été ciblées par des attaques par déni de service (DDoS), rendant momentanément leurs sites inaccessibles. Ces attaques ont été revendiquées par un autre groupe se définissant comme engagé dans une campagne numérique contre certaines infrastructures marocaines.
Dans ce contexte, certaines banques ont également adressé des messages d’alerte à leurs clients, appelant à la prudence face à une recrudescence de tentatives de phishing. Ces prises de parole s’inscrivent dans un climat général d’attention accrue aux menaces numériques, même si, à ce jour, aucune compromission directe des systèmes bancaires n’a été rapportée officiellement.
Cette série d’événements soulève plusieurs interrogations légitimes sur la robustesse des systèmes d’information, la capacité des institutions à détecter et à gérer les attaques, ainsi que sur les mécanismes de communication de crise. L’absence d’un point de communication centralisé a pu contribuer à alimenter une forme de flottement dans l’opinion publique, entre incertitude, inquiétude et spéculation.
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Ces cyberattaques ne semblent pas être de simples actes isolés, mais s’inscrivent plutôt dans une dynamique coordonnée visant à mettre à l’épreuve les infrastructures numériques nationales. Elles interviennent par ailleurs dans un environnement géopolitique régional où les tensions interétatiques s’expriment désormais aussi dans le champ digital.
La lecture de cette séquence invite à une réflexion dépassant la simple dimension technique. Elle touche à des enjeux de gouvernance de l’information, de confiance institutionnelle, de souveraineté numérique, mais aussi de perception citoyenne face à la gestion de crises invisibles mais potentiellement structurantes.
Au-delà des faits eux-mêmes, ce moment appelle une analyse lucide des vulnérabilités révélées, sans excès, mais avec une rigueur critique indispensable à toute avancée dans la compréhension des nouvelles formes de menace qui pèsent sur les États modernes.
*Fatimazahra RAIS, Professeure Chercheure en Marketing-ISGA Fès, EDVANTIS HIGHER EDUCATION GROUP