De nouvelles fouilles archéologiques bouleversent notre compréhension du Maroc préhistorique
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Des fouilles archéologiques révèlent une occupation ancienne et une économie agricole sophistiquée dans le nord-ouest du Maroc, bien avant l’arrivée des Phéniciens.
Une équipe internationale d’archéologues, dirigée par des chercheurs marocains et espagnols, a mis au jour des découvertes fascinantes sur le site de Kach Kouch, dans la province de Tétouan. Ces recherches, publiées dans la revue Antiquity par l’Université de Cambridge, révèlent une occupation humaine continue datant de 2200 à 600 avant notre ère, bien avant l’arrivée des Phéniciens sur les côtes marocaines. Ces résultats remettent en question l’idée selon laquelle le nord-ouest de l’Afrique était une terre vide et sans histoire avant l’influence extérieure.
Situé à environ 10 kilomètres de la côte méditerranéenne, Kach Kouch occupe une position stratégique sur un promontoire calcaire surplombant la vallée de l’Oued Laou. Ce site, découvert en 1988, a fait l’objet de nouvelles fouilles depuis 2021, menées par une équipe principalement composée de jeunes chercheurs de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP) du Maroc. Les archéologues ont identifié trois phases d’occupation, révélant une histoire complexe et riche en échanges culturels et économiques.
Une occupation ancienne et une économie agricole développée
La première phase d’occupation (KK1), datée entre 2200 et 2000 avant notre ère, est encore peu documentée, mais elle coïncide avec la transition entre l’âge du cuivre et l’âge du bronze en Ibérie. La deuxième phase (KK2), entre 1300 et 900 avant notre ère, est la plus riche en découvertes. Les archéologues ont mis au jour des structures d’habitation en torchis, des silos creusés dans la roche et des preuves d’une économie agricole basée sur l’élevage et la culture de céréales comme l’orge et le blé. Cette phase témoigne d’une occupation stable et organisée, bien avant l’arrivée des Phéniciens.
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La troisième phase (KK3), datée entre le VIIIe et le VIIe siècle avant notre ère, montre l’introduction de nouvelles pratiques culturelles, notamment l’utilisation de poteries tournées et de techniques de construction hybrides, mêlant traditions locales et influences extérieures. Les habitants de Kach Kouch cultivaient également des fruits comme le raisin et l’olive, témoignant d’une diversification de leur économie agricole.
Les découvertes de Kach Kouch montrent que les communautés locales étaient pleinement intégrées dans les réseaux d’échange méditerranéens. Des objets en bronze et en fer, ainsi que des poteries d’origine phénicienne, attestent de contacts réguliers avec d’autres cultures. Un fragment de bronze daté entre 1110 et 920 avant notre ère est d’ailleurs le plus ancien objet en bronze daté au radiocarbone découvert en Afrique du Nord, à l’ouest de l’Égypte.
Ces échanges ne se limitaient pas aux biens matériels. Les techniques de construction, comme l’utilisation de plinthes en pierre pour les bâtiments, montrent une adaptation des idées architecturales venues de l’extérieur, intégrées dans un contexte local. Cette hybridation culturelle suggère que les habitants de Kach Kouch n’étaient pas de simples récepteurs passifs, mais des acteurs actifs dans les dynamiques sociales et économiques de leur époque.
Une réécriture de l’histoire préhistorique du Maroc
Les découvertes de Kach Kouch bouleversent notre compréhension de la préhistoire marocaine. Elles montrent que le nord-ouest du Maroc n’était pas une terre vide avant l’arrivée des Phéniciens, mais une région dynamique, avec des communautés organisées et connectées aux réseaux d’échange méditerranéens. Ces résultats invitent à reconsidérer le rôle des populations locales dans l’histoire ancienne de la région.
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« Kach Kouch est un site unique qui nous permet de mieux comprendre les dynamiques sociales et économiques de l’âge du bronze et du fer au Maroc », explique Hamza Benattia, l’un des auteurs principaux de l’étude. « Ces découvertes montrent que les communautés locales ont joué un rôle clé dans les échanges culturels et économiques bien avant l’arrivée des Phéniciens. »
Les archéologues espèrent que ces découvertes stimuleront de nouvelles recherches sur cette période encore mal connue de l’histoire marocaine. « Kach Kouch n’est probablement pas un cas isolé », souligne Youssef Bokbot, co-auteur de l’étude. « Nous pensons qu’il existe d’autres sites similaires dans la région, et nous espérons que nos travaux encourageront d’autres projets de recherche sur cette période charnière. »
En attendant, Kach Kouch continue de livrer ses secrets, offrant une fenêtre unique sur le passé préhistorique du Maroc et ses connections avec le monde méditerranéen.