DeepSeek : Les Etats-Unis ne sont plus les maîtres du jeu
Près de 590 milliards de dollars (564 milliards d’euros) de valorisation boursière perdus en une journée… C’est le record historique battu par Nvidia, dont le cours a chuté, lundi 27 janvier, de 16,86 % à Wall Street. Si le leader mondial des processeurs spécialisés pour l’intelligence artificielle (IA) dégringole ainsi, c’est parce que les marchés sont impressionnés par DeepSeek, une start-up chinoise. La fin de l’hégémonie de la Silicon Valley ?
Le 27 janvier, Wall Street a connu une secousse historique : Nvidia, le leader mondial des processeurs dédiés à l’intelligence artificielle, a perdu près de 590 milliards de dollars de valorisation en une seule séance, un record absolu. La raison de cette chute brutale ? DeepSeek, une start-up chinoise dont les avancées spectaculaires ont pris les investisseurs de court. Ce revers boursier ne se limite pas à une simple correction du marché ; il traduit une inquiétude plus profonde sur l’avenir du leadership technologique mondial des États-Unis. Pendant des années, la Silicon Valley a dominé l’innovation en matière d’IA, portée par des géants comme Nvidia, Google ou OpenAI. Mais l’arrivée de nouveaux acteurs chinois, soutenus par une stratégie nationale ambitieuse, remet en question cette suprématie.
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La montée en puissance de DeepSeek n’est pas un épiphénomène : elle reflète une réorganisation globale du secteur, où les États-Unis ne sont plus les seuls maîtres du jeu. « C’est le début d’un long combat. DeepSeek vient bousculer la situation confortable qu’avait la Silicon Valley en termes d’innovation technologique. Ce n’est que le début, mais la chute de la valorisation n’est qu’un effet boule de neige. Ce n’est pas un enjeu à long terme, sauf si les géants chinois continuent d’élargir le fossé sans riposte des Américains. Ce qui est bien, c’est d’avoir cette concurrence/compétition, au plaisir des consommateurs », explique Hicham Chiguer, Président de l’Ausim.
Aujourd’hui, le constat est que l’épisode DeepSeek illustre un basculement géopolitique en cours : la Chine ne se contente plus de rattraper son retard technologique, elle dicte désormais le rythme de l’innovation. « En investissant massivement dans l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs, Pékin s’affirme comme un acteur incontournable, capable d’ébranler même les mastodontes américains. Cette dynamique est d’autant plus frappante que le marché de l’IA est aujourd’hui l’un des plus stratégiques, tant pour l’économie que pour la souveraineté technologique des nations ».
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« L’impact sur Nvidia est un premier signal fort : si les investisseurs commencent à parier sur des alternatives chinoises, c’est que l’équilibre du secteur est en train de changer. La question n’est plus de savoir si la Silicon Valley restera en tête, mais si elle pourra encore imposer son tempo face à une concurrence qui ne cesse de monter en puissance », explique Hicham Kasraoui, Consultant Africa & International Development chez BearingPoint.
Comment briser la glace ?
À une époque où tout reposait sur la force physique, et avec l’accroissement des populations, l’augmentation des moyens de production se présentait comme la seule alternative. Cela, au contraire, a créé la baisse de productivité des facteurs de production (le travail et le capital), donnant naissance : « aux rendements décroissants ».
Cependant, grâce à l’aboutissement des recherches, l’économie a été transformée et fut marquée par l’avènement du progrès technique. Ces innovations technologiques, qui sont le produit de l’activité économique, viennent se positionner comme le levier primordial de la croissance économique. C’est ainsi que Paul Romer, Prix Nobel d’économie, dans ses travaux sur sa « théorie de la croissance endogène », affirme : « Le progrès technique n’a rien de hasardeux ni d’extérieur à l’économie, il est produit par l’activité économique elle-même. Le progrès provient de la recherche, et c’est seulement quand les chercheurs sont persuadés de la rentabilité de leurs recherches qu’ils se lancent dans cette activité. Le progrès technique a donc besoin d’un cadre précis pour se transformer en croissance, et cette croissance, à son tour, favorisera la recherche ». Et il ajoute à cela : « Le progrès technique n’a rien de hasardeux ni miraculeux, c’est le fruit d’un calcul économique rationnel de la part des individus ».
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La Chine, aujourd’hui, montre quelque part la voie aux autres acteurs mondiaux. Longtemps dominé par les États-Unis, le terrain de la Tech commence à s’ouvrir. « Cela rappelle la course vers la Lune, qui sera le premier à y planter son drapeau. La Chine démontre ici sa capacité à fabriquer à grande échelle les processeurs nécessaires à la mise en œuvre et à l’hébergement de supercalculateurs pour l’entraînement de modèles IA. La Chine brise l’hégémonie des USA dans ce domaine. La course se joue cette fois-ci entre les USA et la Chine en ce qui concerne l’IA générative », nous confie le CEO de Prestige Informatique, Mohcine Benachir. Et d’ajouter : « La Chine démontre aussi qu’avec de moindres budgets, on peut aussi innover dans ce domaine. Cela va sûrement inciter l’UE à rentrer dans la course. En ce qui nous concerne, pour l’IA générative, si nous voulons créer notre IA, il nous faudra nous regrouper en tant que continent pour mettre nos moyens en commun ».