Interview

Derraji Abderrahim : « La période de marginalisation des pharmaciens est terminée »

C’est officiel. Un arrêté du ministère de la Santé autorise désormais les pharmaciens à réaliser en officine cinq tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) qui étaient auparavant réservés aux laboratoires sur prescription médicale. Une décision qui témoigne de la volonté du ministère d’écouter les doléances des pharmaciens, qui réclament depuis plusieurs années la possibilité d’offrir davantage de services en officine. Cela pourrait bien contribuer à compenser l’essoufflement des ventes de médicaments et à renforcer le rôle des pharmaciens en tant qu’acteurs de proximité dans la santé publique.  Explications de Derraji Abderrahim. 

Challenge :Pouvez-vous nous présenter l’objet du dernier arrêté du ministère de la Santé concernant les TROD en officine ?    
Derraji Abderrahim :
Depuis le 9 mai 2024, un nouvel arrêté du ministère de la Santé autorise les pharmaciens à réaliser directement en officine un panel de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), marquant ainsi une évolution majeure dans leurs pratiques. L’arrêté précise, les TROD concernés, incluant le test capillaire pour la glycémie, le test oropharyngé pour l’angine streptococcique de type A, le test oropharyngé pour la grippe, ainsi que les tests de grossesse et d’ovulation. Toutefois, cet arrêté n’évoque pas les TROD sur sang capillaire pour la détection des anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2, une omission notable dans le contexte post-pandémique.
Il est important de rappeler qu’un TROD n’est pas un acte de biologie médicale et ne remplace en aucun cas un diagnostic réalisé au moyen d’un examen de biologie médicale. Le résultat du test, rendu sous la responsabilité du pharmacien, doit être communiqué au patient avec l’information que celui-ci devra être confirmé par un examen de biologie médicale si la situation l’exige.

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Challenge :Comment cette nouvelle autorisation change-t-elle le rôle des pharmaciens dans le système de santé ?
D.A. :
Ce nouveau texte a été accueilli favorablement par la profession. En permettant la réalisation de cinq TROD par les pharmaciens, le ministère de la Santé montre sa volonté de faire évoluer la pratique officinale comme c’est le cas dans la plupart des pays. 
Le temps où le rôle du pharmacien se limitait à la simple dispensation des médicaments est révolu. Aujourd’hui, les pharmaciens à travers le monde se sont vus conférer des missions dont la finalité est de tirer profit de leurs compétences pour améliorer la prise en charge des malades.  

Challenge :Pensez-vous que la possibilité de réaliser ces tests en officine pourra compenser l’essoufflement des ventes des médicaments ? 
D.A. :
Les revenus générés par ces tests seront, sans aucun doute, insignifiants par rapport à ceux provenant de la dispensation de médicaments.
Pour améliorer la rentabilité de l’officine et garantir sa pérennité, il est essentiel de revoir le mode de rémunération et d’adopter des forfaits afin de désensibiliser le pharmacien vis-à-vis du prix des médicaments, d’autant plus que les baisses de prix des médicaments sont inévitables.

Challenge :Y a-t-il des préoccupations relatives à la formation et à la compétence des pharmaciens pour réaliser ces tests ? Et quels mécanismes seront mis en place pour assurer la qualité et la fiabilité de ces tests ? 
D.A. : La mise en place de cette nouvelle mission du pharmacien ne peut se faire sans certains prérequis. En effet, avant de commencer à réaliser ces tests, les pharmaciens devront disposer de protocoles rigoureux garantissant leur bonne exécution. Ils devront également suivre des formations spécifiques pour assurer la qualité des tests et la sécurité des patients. Les pharmaciens devront utiliser exclusivement des tests homologués par le ministère de la Santé et, en cas de défaillance d’un test, il sera impératif de la notifier au Centre marocain de pharmacovigilance.

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Challenge :Quelle vision avez-vous pour l’avenir de la pharmacie d’officine au Maroc, notamment en ce qui concerne l’extension des services ?
D.A. :
Longtemps attendu par les pharmaciens, cet arrêté met fin à une période de marginalisation du pharmacien et annonce une ère où les compétences des officinaux seront mieux exploitées. Le pharmacien a un Bac + 6 ! Son cursus est très riche, mais malheureusement, son rôle se limite généralement à la dispensation des médicaments et aux conseils qui y sont associés.
Ces tests devraient constituer le début d’un processus qui impliquera de plus en plus les pharmaciens dans la prise en charge des patients. La plupart des pays encouragent l’inter-professionnalité, permettant de réduire le cloisonnement qui caractérise les professions médicales. Les professionnels de santé doivent travailler main dans la main pour améliorer la prise en charge des malades.

Son parcours 
Abderrahim Derraji est Docteur en pharmacie de l’Université de Franche Comté (France). Il a passé  3 années de pratiques officinales en Franche Comté et exerce la pharmacie d’officine à Mohammedia depuis juin 1989. Il est aussi Fondateur et rédacteur en chef de Pharmacie.ma et Medicament.ma

Son Actu  
Les pharmaciens d’officine ont obtenu le feu vert du ministère de la Santé afin de pouvoir mener les Tests rapides d’orientation diagnostique (TROD). Cette autorisation a été actée officiellement au Bulletin officiel.

 
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