Doing Business gate : Est-ce vraiment de l’histoire ancienne ?
A la Banque mondiale, le Doing business reprend du service. Sa nouvelle formule « Business Ready » est attendue au printemps prochain. Décryptage !
«Le contenu était remis en doute par certaines personnes et ce scandale a créé un grand nombre de sceptiques face aux publications de la Banque mondiale», lâche l’Economiste Mehdi Lahlou. Et d’ajouter : «Je ne pense pas que cette nouvelle version aura une certaine prestance et son déploiement processif en dit long». Trois ans en arrière, pour la petite histoire, comme celui du Lancet, le saint des saints des publications scientifiques tombé dans la controverse au début de la crise Covid en raison d’une publication douteuse, le scandale économique lié aux irrégularités détectées dans le rapport Doing Business a bouleversé le monde de la finance. En effet, une enquête indépendante avait été commandée par l’institution internationale faisant état de plusieurs irrégularités révélées dans les données des éditions 2018 et 2020 du rapport. Elle conclut que “des hauts dirigeants de la banque, dont Kristalina Georgievia, ont fait pression sur les économistes [auteurs du rapport] pour améliorer le classement de la Chine en 2018”. La Directrice générale du FMI s’était empressée de publier un démenti qui n’a cependant eu aucune résonnance, puisque certaines voix avaient appelé déjà à sa démission. La direction de la Banque Mondiale de son côté, ne s’était pas montrée indifférente.
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Dans un communiqué publié à Washington, elle avait démontré clairement sa position : «La confiance dans les travaux de recherche du Groupe de la Banque mondiale est d’une importance capitale. Ces travaux guident les actions des décideurs politiques, aident les pays à prendre des décisions mieux éclairées et permettent aux parties prenantes de mesurer les progrès économiques et sociaux avec plus de précision». Par ailleurs, en raison de l’aura de ce document dans le monde, certains experts ont perdu foi en ce rapport. Au Maroc, c’est le cas pour l’Economiste Mehdi Lahlou qui nous confie : «plus le pays est puissant, plus il a les moyens de faire des pressions afin d’avoir une position favorable. De plus, il faut souligner que c’est un outil idéologique qui fait la promotion du néolibéralisme ». Et de poursuivre : « C’est un précédent qui fera planer le doute et la méfiance sur les publications de la Banque mondiale ». De son côté, l’Economiste Adnane Benchekroun moins alarmiste, explique que cette situation a emmené la Banque mondiale à revoir sa méthode dans la modélisation de son classement.
B-READY, successeur du rapport Doing Business de la Banque mondiale
«Le Groupe de la Banque mondiale met en œuvre un nouveau produit phare, Business Ready (B-READY), pour évaluer chaque année l’environnement des affaires et de l’investissement dans le monde. B-READY améliore et remplace Doing Business», lit-on sur le site officiel de l’institution. Les travaux de préparation de la nouvelle publication ont déjà commencé selon une nouvelle approche – jugée plus équilibrée et plus transparente dans l’évaluation du climat d’investissement des pays – façonnée sur la base des recommandations d’experts au sein et en dehors du groupe de la Banque mondiale, y compris les gouvernements, le secteur privé et les organisations de la société civile. Le premier rapport annuel «Business Ready», couvrant 54 économies, sera publié l’année prochaine. Par la suite, le projet se développera pour couvrir 120 économies dans l’édition de 2025 et 180 dans celle de 2026.
Dans sa note conceptuelle, la Banque explique que, «Business Ready» est un instrument clé de sa nouvelle stratégie visant à faciliter l’investissement privé, à créer des emplois et à améliorer la productivité pour aider les pays à accélérer leur développement de manière inclusive et durable. Le rapport «Business Ready» se concentrera sur 10 sujets/indicateurs couvrant le cycle de vie d’une entreprise au cours du démarrage, de l’exploitation, de la fermeture ou de la réorganisation de ses activités : création d’entreprises, localisation de l’entreprise, services publics, travail, services financiers, commerce international, fiscalité, règlement des différends, concurrence sur le marché et insolvabilité commerciale.
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Même si le spectre du Doing Business semble écarté, pour certains ce nouveau départ semble improbable. «Après avoir lu la note conceptuelle, on a toujours l’implication des acteurs du public, ce qui bien entendu ne règle pas le problème des influences», explique l’Economiste Lahlou. Et d’ajouter : «vue la complexité des critères, je me demande comment des pays par exemple comme le Mali ou d’autres feront partie de ce classement».
Pour rappel, Lancé en 2002 par la Banque Mondiale et la Société Financière Internationale, le rapport Doing Business est une publication annuelle largement consultée par les investisseurs. Son objectif est de mesurer dans 190 pays la réglementation des affaires et son application effective tout au long du cycle de vie de l’entreprise.
Au Maroc, les précédents gouvernements avaient fait de ce classement une obsession. Classé 75e mondial en 2016, et 53e en 2020, le Royaume envisageait son entrée dans le top 50 du Doing Business.
L’Afrique doit-elle regretter le rapport de la Banque Mondiale ?
Le Président sénégalais Macky Sall (photo) était déçu par le classement de son pays dans le dernier rapport Doing Business 2015. Classé 178ème sur 189 pays (en recul de deux places), le Sénégal, semble dire son Président, ne mériterait pas ce rang. « Ce qui a été noté dans ce rapport est aux antipodes de ce qui se passe au Sénégal et de ses ambitions », avait lancé à l’époque Macky Sall. Il faut dire que le Sénégal comme beaucoup d’autres pays africains, espéraient de bons classements Doing Business, et ce, dans l’ultime objectif d’attirer les investisseurs. Rappelons, que beaucoup de Chefs d’État africains protestaient contre le mauvais classement de leur pays dans le rapport annuel « Doing Business» que publie la Banque Mondiale pour apprécier l’amélioration de leur climat des affaires. Nombre d’entre eux, ont été ravis d’apprendre que la Banque a décidé de supprimer ce rapport. Ce nouveau chapitre qui s’ouvre enfonce à la fois une porte qui, pour certains en Afrique était mieux fermée.