Edito. La démocratie fertilise les grands espoirs
Toute diplomatie a des soubassements politiques internes. Certes, tout en étant indissociables, les relations inter-Etatiques sont différentes des rapports sociaux au sein d’une formation sociale. Alors que les premières sont régies principalement par des rapports de force, les seconds sont fondés sur une logique contractuelle. Pour chaque type de rapports, les règles sont spécifiques, mais l’interaction réciproque est permanente. Ainsi, dans les pays où la démocratisation gagne en profondeur, en termes de participation effective des citoyens aux processus de décision publique et au devenir sociétal, l’image projetée à l’extérieur est forcément l’expression d’une réalité politique active et positive. Ayant un solide ancrage interne, la démocratie neutralise les pressions et attaques externes. Tout Etat ayant une vision stratégique en matière de développement, et non pas seulement en termes de gestion d’équilibres pour assurer la reproduction d’un statu quo, doit être conscient de la nécessité de cette articulation étroite entre les facteurs politiques internes et externes. Dans cette approche, la diplomatie, au lieu d’être un simple maquillage, est appelée à être en cohérence avec les politiques publiques internes. La diplomatie est la « vitrine » d’un pays. A travers elle, l’autre reçoit une image qui est aussi un message. A travers cette image, nous invitons le monde à venir visiter et découvrir la réalité derrière la « vitrine », voire dans l’«arrière boutique». L’autre, une fois convaincu, va décider de tisser des relations, d’investir (…), avec prudence et confiance.
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Ainsi, la récente décision du GAFI de retirer le Maroc de la « liste grise », en matière de blanchiment et de financement international occulte, est le fruit des progrès réalisés en interne par le Royaume, en matière de transparence économique. Ce processus, encore fragile, gagnerait à être consolidé pour devenir irréversible, en persévérant dans la lutte contre la corruption systémique, inhérente à l’économie de rente. Et ce processus est loin d’être exclusivement économique et financier. Il est nécessairement multidimensionnel, intégrant les valeurs démocratiques, encore déficitaires dans la pratique effective. Même le wali de Bank-Al Maghrib n’hésite pas à dénoncer, à plusieurs reprises, la corruption comme obstacle systémique à l’investissement, et donc à la croissance et au développement. En parler, c’est déjà pas mal. Ce n’est plus un tabou. Mais c’est insuffisant et cela peut même s’avérer dangereux lorsque la lutte contre ce fléau n’est pas au rendez-vous. Le danger est dans la « banalisation du mal » par l’impunité. C’est la « phase de métastase ». Ibn Khaldoun a eu recours au concept de « décrépitude » (al idmihlal), état avancé de pourrissement d’un cadavre/système. La liberté d’expression exercée démocratiquement et pacifiquement, en toute responsabilité, permet d’éviter cette situation extrême d’agonie des espoirs.