Édito. La démocratie ne se limite pas aux élections
Les élections aux niveaux national et territorial, quand elles sont régulières et transparentes, représentent un moment crucial dans un système démocratique. Mais elles ne peuvent pas être réduites à ce moment. La démocratie, c’est aussi un dialogue permanent et constructif, pas seulement dans le domaine social. Le gouvernement est responsable surtout d’une conjoncture, alors que l’Etat assure une permanence. Certaines institutions ont un rôle fondamental dans cette permanence et jouent le rôle de garde-fou du gouvernement, souvent piégé par le « pilotage à vue », et par un certain égo qui affaiblit la visibilité en la réduisant au court terme.
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Ainsi, récemment, Bank Al Maghreb et le Haut Commissariat au Plan ont fait chacun des déclarations remettant en cause, ou tout au moins en doute, le discours gouvernemental sur la crise, et en particulier sur l’inflation. Ces deux institutions ne sont pas en train de tirer des balles dans les pieds de l’exécutif, comme l’ont compris certains. Ces deux institutions disposent d’équipes de haut niveau et donc de « matière grise » capable d’éclairer et de nourrir les processus décisionnels dans l’élaboration, l’adoption et l’exécution des politiques publiques, sans s’y impliquer directement. C’est aussi le cas du Conseil économique et Social dont les rapports sont incontournables pour les décideurs publics, du Conseil des Droits de l’Homme, du Médiateur, du Conseil de la Concurrence, de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, de l’Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption (…). Toutes ces institutions sont prévues par la Constitution. Sans oublier la Cour des Comptes qui joue un rôle central, à travers notamment l’évaluation des politiques publiques et ses recommandations. C’est là un « Trésor institutionnel » dont dispose le Royaume et grâce auquel le gouvernement peut s’immuniser contre les tentatives narcissiques. « Je suis beau et parfait et ceux qui me critiquent sont des jaloux ». A cela s’ajoutent les médias, les partis politiques et la société civile.
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La permanence démocratique se cultive dans le pluralisme effectif grâce à ces institutions indépendantes de l’exécutif et grâce au dynamisme créatif des acteurs politiques et sociaux. La démocratie n’est jamais un système statique. Et n’oublions pas le Parlement, institution centrale de la démocratie représentative, actuellement réduit à une simple caisse d’enregistrement, où la majorité se comporte de manière docile et mécanique. « Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur ». Cette phrase de Beaumarchais, datant de 1784, dans une France qui bouillonnait, rappelle que la liberté de critiquer est source de sincérité et de vérité. Les plumes censurées ou guidées ne peuvent être que complaisantes ou mensongères.