Entrepreunariat. Neuf ans après,le statut de l’auto-entrepreneur perd de son attrait
Le déclin de l’attrait du statut d’auto-entrepreneur au Maroc neuf ans après sa mise en place, est une source de préoccupation qui nécessite une action immédiate. Il est crucial de soutenir l’entreprenariat pour dynamiser l’économie du pays et offrir des opportunités d’emploi à ses citoyens. Explications.
Au moment où le taux de chômage augmente, le marché enregistre une régression du statut d’auto-entrepreneur au Maroc. Cette tendance inquiétante soulève des préoccupations concernant l’avenir de l’entrepreneuriat dans le pays.
Pour rappel, le statut d’auto-entrepreneur a été introduit au Maroc en 2015, en vertu de la loi n°114-13, dans le but de stimuler l’entreprenariat et de réduire le chômage en offrant aux individus la possibilité de créer leur propre entreprise avec des formalités simplifiées et des charges fiscales allégées.
Lire aussi | Salon de l’auto de Genève. Dacia dévoile trois premières mondiales
Malheureusement, la réalité est tout autre. En effet, rien qu’entre 2021 et 2022, le nombre de nouveaux adhérents a enregistré une baisse de l’ordre de 34%. La régression du statut d’auto-entrepreneur a des implications négatives sur l’économie du Maroc.
Alors que le taux de chômage augmente, nous constatons une baisse inquiétante du nombre d’auto-entrepreneurs au Maroc. Cette tendance préoccupante suscite des interrogations quant à l’avenir de l’entrepreneuriat dans le pays.
Pour rappel, le statut d’auto-entrepreneur a été instauré au Maroc en 2015 par la loi n° 114-13 dans le but de favoriser l’entrepreneuriat et de réduire le chômage en offrant aux individus la possibilité de créer leur propre entreprise avec des formalités administratives simplifiées et des charges fiscales allégées.
Malheureusement, la réalité est tout autre. Le nombre de nouveaux adhérents a enregistré une baisse d’environ 34% entre 2021 et 2022 seulement. La diminution du nombre d’auto-entrepreneurs a des répercussions négatives sur l’économie marocaine.
En effet, cette baisse entraîne une diminution de l’innovation, moins de création d’emplois et un essoufflement dans le tissu économique national. De plus, cela engendre une perte de confiance et un sentiment d’incertitude chez les entrepreneurs potentiels.
Lire aussi | Face au nouveau décret, les acteurs du privé partagés entre enthousiasme et perplexité
Youssef Guerraoui Filali, Président du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management et analyste économique déclare à cet effet, « effectivement, il y a un recul au niveau du recours au statut d’auto-entrepreneur. Ceci est dû premièrement, à la mesure décourageante instaurée dernièrement concernant le plafond de 80 000 DH de chiffres d’affaires avec le même client, et la taxation du surplus à hauteur de 30%. Une décision démotivante et qui n’encourage pas les gens à accéder au statut d’auto-entrepreneur».
Toujours selon ce dernier, « le climat des affaires est un autre facteur expliquant cette régression, puisqu’il est basé sur une économie de rente féroce et qui ne favorise que les marchés et les commandes qui sont adressés aux très grandes, grandes et moyennes entreprises ». « Par conséquent, aucune chance pour le tissu entrepreneurial marocain, en l’occurrence les petites et très petites entreprises. Les conditions mises en place ne sont pas très encourageantes pour les porteurs de projet et les jeunes entrepreneurs qui souhaitent se lancer dans l’entreprenariat », souligne-t-il.
Pour inverser cette tendance, il est crucial de mettre en place des mesures visant à soutenir l’entreprenariat au Maroc. Cela implique de fournir un meilleur accompagnement aux nouveaux entrepreneurs, en termes de formation, de financement et de mentorat. De plus, il est essentiel de simplifier les procédures administratives et de réduire les charges fiscales pour encourager la création d’entreprises.
«Le statut d’entrepreneur a bien démarré. Il fallait à mon avis augmenter le chiffre d’affaires et élargir le champ d’application pour encourager la population active et inoccupée à s’intégrer dans ce statut et par conséquent, favoriser de l’auto-emploi et de l’auto-entreprenariat en quelque sorte et développer ainsi des auto-entrepreneurs jeunes qui, demain, devront créer leur petite entreprise sous forme de société juridique SARL qui deviendront par la suite des S.A et faire grandir les petites à moyennes entreprises. Malheureusement, les mesures prises au niveau de la Loi de finances 2024 défavorise le statut de l’auto-entrepreneur au Maroc », explique Youssef Guerraoui Filali.
Inadéquation du mix formation/emploi
Sur un autre volet, le développement du statut auto-entrepreneur semble selon certains experts, être bloqué en raison de la configuration du marché du travail.
En effet, le marché du travail au Maroc est caractérisé par un fort taux de chômage, une faible qualification de la main-d’œuvre et une économie largement dominée par le secteur informel. Ces réalités économiques et sociales rendent difficiles l’émergence et la réussite des entreprises individuelles, notamment celles gérées par des auto-entrepreneurs.
Un constat largement partagé par Guerraoui qui déclare à cet effet, «effectivement, nous sommes clairement sur une inadéquation du marché de travail, une inadéquation carrément du mix formation/emploi. Les gens se forment dans des métiers qui ne sont pas très demandés sur les marchés et les grandes entreprises qui recrutent au niveau du salariat cherchent des profils assez pointus en technologies et digital. A contrario, plusieurs auto-entrepreneurs opèrent dans des métiers, qui ne répondent pas aux exigences du marché, et qui ne présentent pas les niveaux de qualité qui sont très élevés ».
Pour l’expert, «il va falloir revoir les formations pour mieux orienter les gens dans l’auto-entreprenariat et l’auto-emploi, il va aussi falloir se former sur la partie IT, sur le digital, les nouvelles technologies et la robotisation. C’est ce qui est demandé sur les marchés, ne serait-ce que pour avoir quelques commandes. D’un autre côté, même pour le salariat il est nécessaire de se former dans ces métiers pour répondre aux quelques offres d’emplois qui ne sont pas assez répandues, puisqu’au vu de la conjoncture économique actuelle nous sommes clairement dans une économie de rente qui ne génère pas d’emploi vu que le pays investit essentiellement dans les infrastructures ».
Dans un tel contexte, la concurrence est rude et les opportunités d’affaires sont limitées, ce qui complique la viabilité des petites entreprises.
De plus, la culture entrepreneuriale n’est pas encore suffisamment développée au Maroc. Les mentalités et les pratiques économiques sont encore souvent orientées vers le salariat et le travail au sein de grandes entreprises. Dès lors, les auto-entrepreneurs peinent à être reconnus et valorisés dans la sphère économique marocaine.
Lire aussi | Samira Mizbar: «L’avenir de la femme est en entreprise»
Par ailleurs, les obstacles bureaucratiques et administratifs constituent également un frein pour le développement du statut d’auto-entrepreneur au Maroc. Les procédures de création et de gestion d’une entreprise sont souvent complexes et coûteuses, ce qui décourage de nombreux aspirants entrepreneurs. De plus, l’accès aux financements et aux aides financières destinés aux petites entreprises demeure limité.
Enfin, la réglementation fiscale et sociale au Maroc n’est pas nécessairement adaptée aux spécificités du statut d’auto-entrepreneur. Les charges fiscales et sociales peuvent être contraignantes pour les petites entreprises, rendant difficiles leur développement et leur pérennité.
Face à ces réalités, il est nécessaire pour le Maroc de repenser la configuration de son marché du travail afin de favoriser l’émergence et le développement du statut d’auto-entrepreneur. Cela implique la mise en place de politiques économiques et sociales visant à soutenir l’entrepreneuriat, à faciliter l’accès au financement et à alléger les charges administratives et fiscales pesant sur les petites entreprises.
Il est également essentiel de promouvoir une culture entrepreneuriale et de valoriser l’apport des auto-entrepreneurs à l’économie nationale. Cela passe par des actions de sensibilisation, de formation et de soutien à l’entrepreneuriat, notamment au sein du système éducatif et des institutions publiques.