Gouvernance

ESG : lancement d’une nouvelle norme internationale

Alors que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) deviennent des leviers incontournables pour attirer les investisseurs et assurer une croissance durable, le Maroc cherche à structurer son engagement en la matière. L’IWA 48:2024, un cadre normatif publié par l’ISO, pourrait jouer un rôle clé dans cette transition en offrant aux entreprises un référentiel international pour mesurer et améliorer leur performance ESG. Zoom sur cette nouvelle norme.

Partout dans le monde, les acronymes ESG sont de toutes les discussions. Aujourd’hui, dans ce nouveau monde marqué par les risques de tous genres, jamais le capitalisme en tant que système économique n’a été autant fragilisé. Crise du Covid, urgence climatique et énergétique, guerre en Ukraine, fracture sociale… autant d’épisodes qui, au-delà de leurs externalités négatives, ont interpellé la conscience collective de l’élite mondiale sur la prise en compte des risques non financiers et, par ricochet, posé les bases d’un tout nouveau genre de matrice économique.

Ainsi, enterrant pour de bon l’économie dite de « prédation », dans ce nouveau paradigme financier, l’entreprise est contrainte de s’inscrire dans une posture de business éthique. De plus, pour sa durabilité et sa pérennité, elle devra privilégier la rentabilité non financière au détriment des réflexes de rente.

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En clair, l’émergence des critères ESG, tournés vers un système économique qui met au centre de ses préoccupations l’environnement, l’humain et la gouvernance, a pour objectif de placer la planète au cœur des actions des grandes entreprises.

Au Maroc, ces questions de métriques ESG sont déjà appliquées par les filiales des multinationales et résonnent au sein du top management des grands groupes nationaux. En cette année 2025, l’écosystème de l’ESG international connaît une avancée majeure avec une réglementation de plus en plus en construction. L’IWA 48:2024, récemment publié par l’Organisation internationale de normalisation (ISO), vise à fournir un cadre méthodologique permettant aux entreprises d’intégrer les principes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur culture organisationnelle.

Alors que le Maroc accélère sa transition vers un modèle économique plus durable, cette norme pourrait jouer un rôle clé pour structurer les démarches ESG des entreprises et renforcer leur attractivité auprès des investisseurs internationaux. « C’est une nouvelle norme ISO qui s’adresse en priorité aux PME et aux organismes établis dans des pays en développement. Elle se veut compatible avec différentes normes, standards ou référentiels déjà existants, avec une perspective holistique des facteurs ESG », nous confie Salah Eddine Bennani, Partner – Strategy, Management & Sustainability Consulting – Forvis Mazars.

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« On assiste à la publication de normes de ce type depuis plusieurs années ; notons tout de même une forme d’accélération de cette production de normes variées qui s’ajoutent à d’autres formes de labels visant le domaine de la durabilité, ESG ou RSE. Les entreprises se retrouvent dans l’embarras du choix tant que les réglementations pays, régions ou internationales ne sont pas suffisamment développées et généralisées », précise l’expert.

Un cadre pour une transition durable

Le Maroc a déjà engagé des efforts significatifs dans ce domaine, notamment à travers la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) et des projets emblématiques comme Noor Ouarzazate dans les énergies renouvelables. Cependant, plusieurs défis persistent.

Sur le plan de la gouvernance, la transparence et la reddition des comptes progressent, mais restent inégalement appliquées selon les secteurs. En matière environnementale, la transition énergétique avance, mais certaines industries peinent encore à réduire leur empreinte carbone.

Dans ce contexte, l’IWA 48:2024 pourrait offrir aux entreprises marocaines un cadre structurant pour harmoniser leurs pratiques ESG avec les standards internationaux. L’un des principaux atouts de cette norme est de faciliter la mise en place d’indicateurs mesurables et comparables, un élément clé pour attirer des financements internationaux. En effet, les bailleurs de fonds et investisseurs sont de plus en plus attentifs aux engagements ESG des entreprises avant d’accorder des financements.

Les banques et institutions financières marocaines, soumises à des exigences croissantes en matière de finance durable, pourraient également utiliser ce référentiel pour renforcer leur gestion des risques ESG.

L’adoption de ce cadre normatif pourrait aussi permettre aux entreprises marocaines de mieux anticiper les évolutions réglementaires, notamment dans le cadre des discussions sur la finance verte et la taxation carbone aux frontières de l’Union européenne.

Pour les grandes entreprises cotées à la Bourse de Casablanca, qui doivent déjà intégrer des critères ESG dans leur communication financière, l’IWA 48:2024 peut offrir un levier supplémentaire de conformité et de crédibilité.

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Contacté par Challenge, l’expert en GRC, Mounim Zaghloul, déclare : « Effectivement, le sujet ESG est en train de gagner en maturité et, au-delà des objectifs de conformité ou de reporting, il y a un besoin de donner du sens à la démarche ESG en la mettant au cœur des stratégies métiers des organisations. D’où l’apport de l’IWA 48 qui fixe des principes de mise en œuvre, et il y a aussi le lancement récent de la norme ESG 1000 qui permet de certifier le système de gouvernance ESG. Ça devrait constituer des feuilles de route pour eux afin de mettre le sujet ESG au cœur de leur stratégie et non pas comme une formalité administrative pour avoir un marché ».

De son côté, l’expert en RSE Tariq Essaid est revenu sur la genèse de cette révolution morale du système économique.

« La responsabilité des investisseurs envers le développement durable est bien présente depuis le début du siècle précédent, notamment à travers les exigences des fonds des églises (années 30) et des fonds de retraite (années 50). Pour le Maroc, comme vous le savez, il a abrité, en décembre 2005, les Intégrales de l’Investissement sous le thème de l’investissement socialement responsable. Il s’est inscrit dans pratiquement beaucoup d’initiatives qui visent ce volet de la responsabilité sociétale. On cite par exemple le label CGEM, qui reste une initiative très remarquable pour la RSE, sachant que la CGEM et d’autres organisations marocaines sont signataires de la charte initiale dans le cadre du Global Compact ».

Et de poursuivre : « Il y a d’autres faits, au niveau national, qui marquent cet engagement sociétal, notamment l’INDH, la charte de l’environnement et du développement durable, la Stratégie Nationale de Développement Durable et la généralisation de la couverture sociale. Comme vous le savez, la circulaire de l’AMMC 03-19 du 20 février 2019 relative aux opérations et informations financières a intégré le reporting ESG avec une annexe relative à son contenu.

La norme IWA 48:2024, selon l’ISO, intitulée « Cadre pour la mise en œuvre des principes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) », fournit un cadre de haut niveau et des principes directeurs pour aider les organisations à intégrer les pratiques ESG dans leur culture organisationnelle. Elle vise à soutenir la gestion de la performance ESG, ainsi que la mesure et la communication de ces performances, en favorisant la cohérence, la comparabilité et la fiabilité des rapports ESG à l’échelle mondiale.

La question qui se pose aujourd’hui, quel que soit le référentiel adopté, c’est la mise en œuvre et surtout le nombre d’organisations inscrites dans le processus pour asseoir une culture RSE avec un effet tangible sur la performance, la société et l’environnement ».

 
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