Migration

Europe: le grand retour des frontières

En plus de vouloir durcir les lois migratoires, des pays de l’UE opèrent un virage à 180 degrés dans la gestion des frontières avec le rétablissement des contrôles. Face à l’irrésistible montée des idées de l’extrême droite, les gouvernements européens serrent la vis.

Réunis en sommet européen à Bruxelles, les 27 ont haussé le ton, jeudi 17 octobre, contre l’immigration irrégulière, en réclamant « en urgence » une loi pour accélérer les expulsions, à l’issue de discussions qui ont aussi mis en lumière de vifs désaccords au sein de l’Union.

« Le Conseil européen appelle à agir de manière déterminée, à tous les niveaux, pour faciliter, accroître et accélérer les retours depuis l’Union européenne », disent les Etats membres dans les conclusions du sommet.

À droite toute !

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait pris les devants lundi, en suggérant une nouvelle loi à un calendrier encore à déterminer. Une initiative similaire a échoué en 2018, mais six ans plus tard, le débat a évolué « vers la droite » de l’échiquier politique, relève un responsable européen.

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En mai, l’Union européenne a adopté le pacte migration et asile, censé entrer en vigueur mi-2026, avec un durcissement du « filtrage » aux frontières et un mécanisme de solidarité entre les 27 dans la prise en charge des demandeurs d’asile.

Les questions migratoires reviennent bousculer l’agenda, poussées notamment par les partis d’extrême droite, en progression dans de nombreux pays d’Europe. Plusieurs gouvernements ont haussé le ton.

Le « moteur franco-allemand pousse à agir », selon un diplomate européen, alors que moins de 20% des décisions d’expulsion de migrants en situation irrégulière sont suivies d’effet au sein de l’UE.

L’Allemagne tourne la page Angela Merkel

À Berlin, les députés allemands ont adopté vendredi un projet de loi durcissant la politique migratoire du pays, qui referme un peu plus l’ère d’accueil généreux ouverte en 2015 par l’ex-chancelière Angela Merkel.

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Berlin veut notamment supprimer des aides pour les demandeurs d’asile entrés d’abord dans un autre pays de l’UE, faciliter les expulsions pour les réfugiés ayant fait usage d’armes, limiter le port d’armes blanches ou encore accorder des pouvoirs supplémentaires aux forces de l’ordre.

Les réfugiés qui retourneront temporairement dans leur pays d’origine n’auront « en règle générale » plus de protection en Allemagne, de même que ceux qui commettront des crimes à caractère antisémite ou homophobe, selon le texte.

Le gouvernement a présenté son projet en août dans la foulée d’un triple meurtre au couteau par un Syrien soupçonné de liens avec l’organisation jihadiste Etat islamique lors d’une fête à Solingen (ouest). En juin, une autre attaque au couteau, imputée à un Afghan lors d’un rassemblement anti-islam à Mannheim, a fait un mort, un policier qui s’était interposé.

Ces drames ont nourri la progression du parti d’extrême droite AfD, hostile aux migrants, qui a remporté un scrutin régional pour la première fois en septembre et réalisé des scores historiquement élevés dans deux autres.

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Aujourd’hui le pays compte quelque 3,5 millions de demandeurs d’asile. Et de nombreuses collectivités se plaignent de ne plus avoir les ressources pour assurer l’accueil.

La France ferme aussi la porte

Entre le 1er novembre 2024 et le 30 avril 2025, la France va rétablir les contrôles aux frontières avec six de ses voisins européens. Une mesure similaire a été prise par l’Allemagne fin septembre.

La France a annoncé, jeudi, le retour des contrôles frontaliers avec six pays européens. Les Etats concernés sont le Luxembourg, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. Concrètement, les frontières seront temporairement mises en place à compter du 1er novembre 2024 et jusqu’au 30 avril 2025.

« Les menaces sérieuses pour l’ordre public et la sécurité intérieure que représentent les activités terroristes de haut niveau, la présence croissante de réseaux criminels facilitant l’immigration irrégulière et le trafic de migrants, et les flux migratoires qui risquent d’être infiltrés par des individus radicalisés », indique la Commission européenne sur son site Internet.

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L’institution supranationale pointe également du doigt les flux migratoires provenant de la Manche et de la mer du Nord. Ce phénomène provoque des « situations dangereuses impliquant à la fois les migrants et les forces de l’ordre ».

Il y a quelques semaines, l’Allemagne a pris une mesure similaire. Le 16 septembre, des contrôles aux frontières ont été rétablis pour une durée de six mois renouvelables. Les vérifications concernent les pays limitrophes tels que la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France.

Les contrôles « s’appliquent à l’ensemble des postes-frontières entre l’Allemagne et la France », a signalé France Diplomatie, le site du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Les voyageurs devront donc être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport.

Challenge (Avec agences)

 
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