Economie

Façade atlantique de l’Afrique. Un nouveau levier de la politique africaine du Maroc

Après la Méditerranée, avec notamment Tanger Med et Nador West, le Maroc mise désormais sur le développement d’une stratégie axée sur la façade atlantique africaine. Le cadre dans lequel se déploiera cette future coopération maritime a été décliné lors du discours royal à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche Verte.  

Aujourd’hui, le Royaume franchit un nouveau pas en se tournant davantage vers sa façade atlantique. C’est l’un des points clés du discours royal à l’occasion de l’anniversaire de la Marche verte. Le Roi Mohammed VI a décliné les grandes orientations de cette nouvelle stratégie, qui s’inscrit dans le cadre de la diversification des partenariats du pays. «Si, par sa façade méditerranéenne, le Maroc est solidement arrimé à l’Europe, son versant atlantique lui ouvre, quant à lui, un accès complet sur l’Afrique et une fenêtre sur l’espace américain». Ainsi, après le renforcement du partenariat stratégique avec les Etats-Unis, le Maroc lance un nouveau chantier pour consolider davantage son partenariat avec les Etats africains de la façade atlantique. «Notre souhait est que la façade atlantique devienne un haut lieu de communion humaine, un pôle d’intégration économique, un foyer de rayonnement continental et international», a souligné le Souverain. «Cette nouvelle vision géostratégique confirme la dynamique en cours dans la région depuis quelques années. Face à une situation de non-Maghreb, qui fait coûter aux pays de cette zone des points de PIB chaque année, le Maroc ne pouvait pas rester les bras croisés. En plus du renforcement des partenariats avec les Etats de l’Afrique de l’Ouest, l’idée est de lancer des projets structurants avec tous les Etats de la façade atlantique du continent», analyse Abdeslam Touhami, Economiste, notant que contrairement à d’autres pays qui se positionnaient en tant que puissance régionale, le Maroc a opté pour une politique africaine basée sur une logique gagnant-gagnant.  En effet, le Souverain défend aussi l’initiative de création d’un cadre institutionnel regroupant les Etats Africains Atlantiques (23 pays).

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En effet, c’est la façade atlantique qui est la plus étendue (du Maroc à l’Afrique du Sud). Elle comprend 23 pays côtiers répartis en deux sous-façades maritimes : façade Nord constituée de 14 pays côtiers du Maroc au Nigéria (appartenant à l’Afrique du nord et l’Afrique de l’Ouest), et la façade Sud comprend 9 pays côtiers du Cameroun à l’Afrique du Sud (appartenant à l’Afrique centrale et l’Afrique australe). Pour autant, la contribution de l’Afrique au commerce maritime demeure faible, soit près de 6% du trafic maritime mondial. Cette part est sans commune mesure avec les atouts distinctifs de l’Afrique, avec un littoral donnant accès à trois façades maritimes (atlantique, indienne, et méditerranéenne), regroupant 38 pays (soit plus de 70% des pays du continent).

Pourtant, au cours de ces quinze dernières années, le Royaume a considérablement augmenté ses échanges avec les pays de la façade atlantique Nord, notamment ceux de la « Façade atlantique de l’Afrique de l’Ouest allant du Maroc au Nigéria», communément appelé «FAAMAN». Ce groupe se constitue de 12 pays de l’Afrique de l’ouest (Nigéria, Côte d’Ivoire, Ghana, Sénégal, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Bénin, Togo, Sierra Leone, et Cap vert), et 2 pays de l’Afrique du nord (le Maroc et la Mauritanie). Quid du trafic maritime dans cet espace ? Comment ces pays pourront-ils densifier leurs échanges commerciaux par voie maritime et en faire un levier d’accélération de l’intégration économique régionale et continentale ? Quelle est la position du Maroc dans cette zone ?

D’après une étude de la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF), intitulée «Le transport maritime des marchandises dans la façade atlantique de l’Afrique, du Maroc au Nigéria», la répartition par pays du trafic maritime de la FAAMAN fait ressortir trois groupes distincts. Le premier groupe se compose de deux pays, à savoir le Maroc et le Nigéria qui se démarquent par leur poids dans le trafic maritime total des pays du littoral atlantique ouest africain entre le Maroc et le Nigéria. En effet, le trafic maritime pour chacun des deux pays, se compose majoritairement du trafic import entre 62% et 64 %. Les deux pays représentent 64% du trafic maritime total. La structure du conditionnement des trafics maritimes marocain et nigérian révèle certaines ressemblances qui se manifestent par une prédominance du trafic vraquier dont les parts respectives s’élèvent à 75% et à 71% sur la période 2012-2016. Quant aux parts du trafic conteneurisé, elles s’élèvent respectivement à 16% et 14% au moment où elles atteignent 14% et 11% pour les marchandises générales. 

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S’agissant du deuxième groupe, qui contribue à hauteur de 29% au trafic maritime, il se compose de cinq pays : la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Sénégal, le Togo et le Bénin. Leur trafic maritime se situe entre 5 MT et 25 MT. Le trafic de ces pays est soutenu par le trafic transit pour d’autres pays, notamment ceux d’hinterland. Et enfin, le groupe de pays les moins contributeurs au trafic maritime qui regroupe: la Guinée, le Libéria, la Mauritanie, la Gambie, la Sierra Leone, et la Guinée Bissau, dont le trafic moyen est inférieur à 5MT sur la période 2011-2015, et leur part totale est de 7%. Le trafic maritime des pays de la FAAMAN est majoritairement tributaire de l’import avec une contribution moyenne de deux-tiers contre un tiers pour le trafic export. Ces pays n’ont pas développé le trafic de transbordement qui demeure faible dans cette région, soit une moyenne annuelle de 33 Mt sur la période 2011-2015 grâce, notamment à la part du Maroc qui représente les deux tiers de ce trafic, suivi de la Côte d’Ivoire (14%) et du Togo (7%).

Quant au trafic conteneurisé, il est à des vitesses différentes. En effet, le débit portuaire de la côte africaine du Maroc au Nigéria s’élève à 10,8 MEVP en 2018 contre 6,1 MEVP en 2010, soit un taux de croissance annuel moyen (TCAM) de +7,3%. Le Maroc a contribué à hauteur de 44% à ce débit avec environ 4,8 MEVP en 2018 contre 2,8 MEVP en 2010, enregistrant ainsi un TCAM de +6,9%.  Le Togo vient au deuxième rang après le Maroc avec un débit de 1,4 MEVP grâce à sa forte progression sur la période 2010-2018 (+19,3%). Le Ghana est le troisième pays qui a réalisé un trafic supérieur à 1 MEVP en 2018 (+6,4%). «Il est important de souligner que cette région enregistre au cours des dernières années, l’émergence de la conteneurisation pour s’arrimer à la réalité du commerce international qui se fait de plus en plus par les conteneurs. Ainsi, une transformation radicale s’est produite dans la majorité des ports pour abriter des terminaux à conteneurs. Cette dynamique est tributaire de plusieurs opérations de concessions au profit exclusivement des opérateurs étrangers», a souligné la rédactrice du rapport, Bouchra El Guerouani, notant que sur ce segment, le port marocain Tanger Med est de loin le plus performant de la région. Il a franchi le cap de 7,59 millions d’EVP en 2022 contre 1,8 million d’EVP en 2010 (soit 27 Mt dont 82,5% est un trafic de transbordement). En deuxième place vient le port de Lomé au Togo qui a enregistré de très bonnes performances ces dernières années en passant d’environ 340 mille EVP en 2010 à 1,4 million EVP en 2018, soit une croissance de +311%, se positionnant ainsi à la tête des ports ouest africains à conteneurs. 

Côté connectivité, les pays côtiers de l’Afrique de l’ouest sont faiblement connectés au réseau maritime mondial. D’ailleurs, l’indice de la connectivité maritime ne s’est que modestement amélioré sur la période 2006-2019 pour se situer à des niveaux inférieurs à 25. Le Togo est le seul pays qui a enregistré une évolution favorable de son indice passant ainsi de 13,6 en 2006 à 29 en 2019, et par conséquent de son classement mondial du 69ème  rang au 58ème rang. En effet, ce pays est actuellement le 5ème  et le 1er en matière de la connectivité maritime respectivement à l’échelle du continent et de l’Afrique de l’ouest au détriment de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Nigéria. Le Maroc est également un pays qui a parcouru un long chemin en matière du développement de sa connectivité maritime. Il est le deuxième à l’échelle du continent africain (après l’Egypte) avec un score de 58 (sur 152 pour la Chine), et le 20ème  à l’échelle mondiale (contre le 81ème  rang en 2006). En effet, cette bonne performance du Maroc est le corollaire de grands efforts d’investissements entrepris sur les vingt dernières années dont la principale manifestation est les mises en service en 2007 du port Tanger Med I et de Tanger Med II en 2019, qui a confirmé le positionnement du complexe portuaire Tanger Med en tant que hub logistique mondial, connecté à 186 ports mondiaux dans 77 pays. 

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Si l’Afrique a toujours été au cœur du Maroc, ce dernier n’a jamais été autant au cœur de l’Afrique que durant ces deux dernières décennies. Aujourd’hui, la politique maritime s’y emboîte naturellement, à la faveur du positionnement unique du Royaume. Il faut dire que le Maroc s’est engagé dans un chantier structurant de modernisation de ses infrastructures maritimes, de transport et de logistique, sur ses deux façades maritimes, conformément à sa stratégie nationale à l’horizon 2030. Cette politique maritime permet également au Maroc de s’établir en tant qu’acteur de la sécurité énergétique mondiale. Il assume son rôle de trait d’union, y compris entre les grands producteurs de gaz africains et le marché européen et mondial, contribuant ainsi à l’émergence d’un système énergétique mêlant énergies fossiles, notamment le gaz de l’Afrique de l’Ouest (projet du Gazoduc Maroc-Nigéria) et énergies renouvelables, dont il est un grand producteur. Le Port de Tanger Med, ainsi que les autres grands ports en voie de construction ou d’extension, comme le Port de Nador sur la façade méditerranéenne, ou les ports de Kénitra, Casablanca, Jorf Lasfar, Safi, Agadir et le futur port Dakhla-Atlantique sur la façade atlantique, font du Maroc un acteur de poids dans le commerce maritime de demain. Pour le Maroc, il s’agit simplement de transformer ses atouts naturels et les grands chantiers réalisés, en opportunités d’échange et de co-développement, dans une logique gagnant-gagnant.

 
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