Sécurité

Feux de forêt/Canadairs. Comment le Maroc se démarque dans la région par sa proactivité

Seul pays arabe et africain à disposer de canadairs, le Maroc s’engage à protéger ses forêts et à soutenir les pays confrontés à des situations similaires. Avec les conditions météorologiques de plus en plus extrêmes et les risques croissants liés aux incendies, découvrez comment les choix stratégiques du pays et son approche proactive en matière de prévention des incendies portent leurs fruits.

L’été ne se résume pas seulement à la plage, aux parasols et aux vacances. C’est également la saison des incendies et des feux de forêt pour les pompiers. Avec les perturbations climatiques, la sécheresse, le stress hydrique et les vagues de chaleur qui touchent l’ensemble des pays du monde, les pompiers ont grandement besoin du renfort des canadairs, ces gros avions spécialisés dans la lutte contre les feux de forêt, qui, au vu de la situation, risquent de devenir de plus en plus nécessaires. Les canadairs sont en effet des avions bombardiers d’eau qui peuvent larguer des quantités importantes d’eau sur les zones touchées par les incendies, permettant ainsi de limiter leur propagation. Leur capacité à transporter de l’eau ou des produits chimiques retardant permet donc de contenir et d’éteindre les incendies de manière plus efficace. Les canadairs sont également équipés de technologies avancées pour la détection des feux et la planification des opérations de lutte contre les incendies. Ils sont souvent utilisés en complément des hélicoptères bombardiers d’eau pour former une flotte aérienne polyvalente et réactive. Leur utilisation est particulièrement importante dans les régions où les feux de forêt sont fréquents et les conditions météorologiques difficiles.

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Par ailleurs, le Maroc est le seul pays arabe et africain à posséder des canadairs, rejoignant ainsi une douzaine de pays dans le monde, tels que le Canada, l’Espagne, les États-Unis, la France, l’Italie, la Grèce, la Turquie, la Thaïlande, la Corée du Sud, la Croatie et la Malaisie. Il est important de noter que le prix d’un de ces appareils varie entre 20 et 25 millions d’euros, bien que d’autres sources estiment le prix unitaire à 37 millions de dollars canadiens en se basant sur le tarif de 2014. On comprend donc pourquoi le Royaume n’hésite pas à proposer l’appui aérien de ses canadairs aux pays dont certains territoires sont en proie aux feux de forêt, la décision finale revenant à ces derniers quant à l’acceptation ou le refus de l’aide proposée.

Dans un communiqué récent du ministère des Affaires Étrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’Étranger, il est mentionné que suite aux pertes en vies humaines causées par les feux de forêt qui sévissent actuellement en Algérie, « le Royaume du Maroc suit avec grande peine et regret les incendies de forêt qui se sont déclarés dans certaines régions de la République algérienne démocratique populaire ». Le communiqué exprime également les sincères condoléances du Royaume du Maroc ainsi que ses souhaits de prompt rétablissement pour les blessés.

Le Maroc dispose aujourd’hui de 8 canadaires

Si en avril dernier – période durant laquelle la presse marocaine a beaucoup communiqué sur le sujet – la flotte dont disposait le Royaume était composée de cinq canadairs, les trois nouvelles acquisitions déjà livrées à cette date portent le parc à 8 canadairs. C’est le chiffre sur lequel s’accordent tous les articles de notre revue de presse, et aussi le fait qu’il s’agit d’avions d’occasion. Pour ce qui est des détails sur le nombre précis de chacun des modèles composant la flotte du Royaume, il y a de la confusion. Certains parlent de cinq CL-415 et trois CL-215, tandis que d’autres parlent même de six avions CL-415 standard et deux CL-415EAF, notamment la page Facebook du forum Far-Maroc.

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Selon notre confrère Aeronautique.ma, le Maroc a opté pour trois bombardiers CL-215 d’occasion fabriqués en 1987, comme l’ont fait la Grèce et l’Espagne. Avant leur livraison, ces appareils auraient fait l’objet de vols d’essai au Canada pour corriger tout dysfonctionnement probable. Le confrère explique que le choix des CL-215 d’occasion s’explique par le fait que le CL-415 n’est plus commercialisé par le constructeur et que le nouveau venu de De Havilland (filiale de Bombardier), le CL-515, ne sera pas disponible avant 2026. De plus, les clients se bousculent pour l’obtenir. En effet, en Europe, 22 appareils ont été commandés par la France, la Grèce, l’Italie, la Croatie, l’Espagne et le Portugal. L’Indonésie en a même commandé six.

Le choix du Maroc d’acquérir des canadairs d’occasion peut être considéré comme judicieux et stratégique dans plusieurs aspects. Tout d’abord, les canadairs sont des avions spécialisés pour la lutte contre les incendies et sont donc utilisés de manière ponctuelle pendant les périodes estivales, analyse appuyée par Bouazza Rakkane, ingénieur spécialisé dans la maintenance et la réparation d’aéronefs contacté par Challenge. Dans ce sens, l’acquisition d’avions d’occasion permet de réduire les coûts d’investissement initiaux par rapport à l’achat de nouveaux appareils, tout en maintenant un niveau élevé d’efficacité opérationnelle. De plus, le choix du Maroc de se tourner vers des avions d’occasion peut s’expliquer par la forte demande pour les nouveaux modèles de canadairs, tels que le CL-515, qui ne sera pas disponible avant 2026. En effet, de nombreux pays européens et d’autres régions du monde ont passé commande pour ces modèles plus récents, ce qui a créé une forte concurrence pour leur acquisition. En optant pour des avions d’occasion, le Maroc a pu renforcer rapidement sa flotte de canadairs pour mieux protéger ses forêts et faire face aux situations d’urgence, sans avoir à attendre la disponibilité des nouveaux modèles, bien que l’acquisition d’avions d’occasion puisse présenter des défis en termes de disponibilité des pièces de rechange et de coûts de maintenance plus élevés. Le choix du Maroc s’inscrit donc dans une logique de gestion efficace des ressources et des coûts, tout en maintenant un niveau élevé de capacité opérationnelle pour faire face aux incendies de forêt. Il faut dire qu’avec plus de 30 ans d’expérience dans la maintenance d’avions, les analyses de Bouazza Rakkane sont particulièrement pertinentes et permettent d’apporter un éclairage technique et professionnel sur les choix du Maroc. En effet, sa connaissance approfondie des contraintes techniques et des enjeux économiques liés à la maintenance et à la réparation d’aéronefs est un atout indéniable pour comprendre les choix faits par le Maroc en matière d’acquisition de Ccanadairs d’occasion et leurs implications sur la capacité opérationnelle de la flotte.

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Les canadairs ont démontré leur efficacité lors des étés précédents, permettant de circonscrire 39 grands feux de forêts qui ont ravagé jusqu’à 3 000 hectares dans des provinces du royaume telles que Larache, Chefchaouen et Tétouan. « La décision d’opter pour des bombardiers d’occasion était dictée par l’urgence », nous dit un spécialiste de l’aéronautique contacté par Challenge. A titre d’exemple, dit-il, «nos voisins qui ont commandé des avions russes neufs sont toujours en attente de leur livraison ». En effet, selon le site d’information généraliste ObservAlgerie, « l’Algérie a commandé quatre avions bombardiers d’eau de marque Beriev BE-200 de Russie. Cependant, la livraison de ces appareils connait un grand retard ». En mai 2023, le ministre de l’Intérieur Algérien précisait que la commande reste ferme même si leur livraison est retardée.

Comment les pilotes marocains sont formés

En ce qui concerne la formation des pilotes de l’armée de l’air marocaine pour piloter les trois canadairs fraîchement acquis, il y a plusieurs options possibles. Tout d’abord, il faut noter que les pilotes de l’armée de l’air marocaine ont déjà une expérience de vol sur des avions similaires, tels que des avions de transport militaires ou des avions de lutte contre les incendies. Ce qui facilite leur prise en main. En outre, il est probable que la société Cascade Aerospace, en charge de la correction de tout dysfonctionnement probable sur les appareils récemment livrés, puisse également fournir une formation pour les pilotes marocains. Cette formation pourrait inclure des cours théoriques sur les caractéristiques et les performances des avions, ainsi que des séances de simulation de vol pour permettre aux pilotes de se familiariser avec les systèmes de l’avion.

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La filiale du groupe Bombardier pourrait également fournir une formation complète sur les caractéristiques et les opérations des canadairs qui viennent étoffer la flotte marocaine, ainsi que sur les procédures d’urgence et de maintenance. Cette formation pourrait être effectuée sur place au Maroc ou dans des installations de formation de Bombardier à l’étranger. Enfin, il est possible que les pilotes marocains soient formés en collaboration avec d’autres forces aériennes utilisant des canadairs. Les exercices et les formations conjointes avec d’autres pays peuvent être bénéfiques pour les pilotes marocains, leur permettant d’acquérir une expérience pratique et de partager des connaissances avec d’autres pilotes utilisant le même type d’avion.

 
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