Fintech au Maroc : un écosystème favorable [Par Charaf Louhmadi]
Le Maroc se positionne comme un acteur clé pour le développement des fintechs grâce à un écosystème favorable et un cadre législatif propice. Cependant, des défis persistent, notamment en termes de financements et de compétences technologiques locales.
Par Charaf Louhmadi
Qu’est-ce qu’une fintech ?
Dans « fintech », on retrouve l’agrégation des mots « Finance » et « Technologie ». Il s’agit d’entreprises innovantes qui fournissent des services dans le secteur financier. Elles utilisent de manière intensive des moyens technologiques avancés, tels que la blockchain ou l’intelligence artificielle.
Les fintech opèrent dans divers domaines comme les paiements électroniques, la gestion d’actifs, les assurances (on parle d’« assurtech »), le crédit et l’épargne en ligne ou encore les transferts transfrontaliers.
Afrique : Le Nigeria en tête
Le Nigeria se distingue dans l’industrie des fintech, avec plus de 270 structures en 2023, soit le nombre le plus élevé à l’échelle du continent. Il est suivi par l’Afrique du Sud (140 entités) et le Kenya (102 entités).
On observe également une dynamique en termes de création de nouvelles entreprises en Égypte et au Nigeria. Le pays des pharaons arrive en tête avec +66,7% entre 2021 et 2023 en comparaison avec la période 2019-2021. Le pays le plus peuplé d’Afrique arrive en seconde position avec +50% sur la même période.
Entre 2021 et 2023, plus de 2,7 milliards de dollars ont été levés sur ce marché, soit le double comparé à 2019-2021. Depuis 2015, plus de 3,64 milliards de dollars ont été levés par 540 fintech de 25 pays africains, le Nigeria y contribuant à hauteur de 41,6% de l’encours global.
D’autres pays connaissent une émergence des fintech, tels que le Lesotho, la Namibie et le Burkina Faso.
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Maroc : Un écosystème favorable pour l’émergence et le développement des fintech
Le Maroc est un pays dynamique et de nombreux acteurs s’intéressent au marché des fintech, notamment le gouvernement, les opérateurs télécoms et les institutions financières.
Le cadre législatif est également propice au développement du secteur avec l’adoption par Bank Al-Maghrib de la loi 103-12, permettant aux entreprises non bancaires de proposer des services de paiements et donc d’assurer l’inclusion financière.
Le financement participatif (crowdfunding) entre progressivement dans la culture financière marocaine ; ce dernier peut être un levier de croissance pour ces entreprises technologiques innovantes.
En outre, les grandes entreprises multiplient les événements et les conférences pour promouvoir les fintech ; Attijariwafa bank et KPMG sont à l’origine de « l’Immersive Fintech Day », un événement pour mettre en avant les pépites technologiques du pays. Cet événement a pour objectif de faciliter la mise en relation professionnelle des acteurs du secteur.
La multinationale VISA, qui se revendique comme étant la plus vieille fintech au monde, a tenu en janvier dernier la première édition du « Visa Fintech Day », une conférence dédiée à la promotion des fintech, organisée en partenariat avec le Technopark (qui contient des incubateurs de start-up marocaines), le Centre Monétaire Interbancaire (CMI) ainsi que l’Agence de Développement du Digital (ADD).
Le financement de ces start-up technologiques et financières est un point clé dans le développement des fintech. Des acteurs privés comme le Fonds Innov Invest de Tamwilcom, UM6P Ventures, et le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement (FM6I) ont effectué des levées de fonds en vue de dynamiser le secteur. L’émergence de fonds d’investissement en capital-risque représente également un moteur de croissance.
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Pourquoi le secteur des fintechs reste à la traîne malgré un écosystème favorable ?
D’après Africa The Big Deal, on dénombre en 2023 plus de 2,9 milliards de dollars levés en Afrique en faveur des start-up du continent ; le Maroc ne capte que 17 millions de dollars, soit une proportion epsilonesque d’à peine 0,4%. Ce constat relatif à la pénurie des financements s’applique particulièrement aux fintech marocaines dont les levées ne décollent pas.
S’ajoute à cela l’absence de compétences locales abondantes et pointues dans les nouvelles technologies comme l’IA ou la blockchain. Les universités et grandes écoles commencent à intégrer ces outils à leurs programmes, mais elles doivent accélérer ce processus et passer à la vitesse supérieure.
In fine, la réglementation marocaine concernant les fintech est perfectible, bien qu’elle contienne des éléments encourageants. À titre d’exemple, les impacts et usages des « sandboxes réglementaires » lancées par Bank Al-Maghrib en 2022 demeurent flous. Celles-ci ont pour vocation, entre autres, d’encourager le potentiel d’innovation des fintech.