Fiscalité. Contribution libératoire : la dernière chance
Depuis la crise économique et financière mondiale de 2008, il est apparu nécessaire de mettre en place des mécanismes de contrôle et de régulation pour encadrer les flux financiers mondiaux et renforcer la lutte contre les opérations de blanchiment. Le Maroc s’est engagé dans cette voie à travers plusieurs conventions internationales, en vue de mettre en place des mécanismes bilatéraux et multilatéraux de communication et d’échange d’informations à caractère fiscal. C’est dans ce cadre que la « contribution libératoire », a été adoptée à nouveau dans la Loi de finances de l’année 2024 (LF-2024).
Plusieurs fois reportée, l’entrée en vigueur effective des conventions fiscales internationales devrait permettre aux Etats signataires desdites conventions de bénéficier d’une période transitoire à même de préparer leurs systèmes fiscaux aux changements nécessaires. L’expression utilisée dans la LF-2024, est : « régularisation volontaire de la situation fiscale du contribuable ». En fait, ce dispositif n’est pas nouveau. Depuis 2011, c’est au moins la 3ème fois qu’il a été utilisé. Il permet à des personnes physiques (PP) ou à des personnes morales (PM) de régulariser volontairement et spontanément leur situation en matière fiscale et de changes, et donc de « tourner la page », en procédant à une déclaration de ce qu’ils ou elles auraient omis de déclarer auparavant, volontairement ou involontairement, et d’intégrer la transparence. Néanmoins, la récurrence de ce dispositif risque d’être à l’origine d’une banalisation de l’ensemble du système fiscal et donc d’affaiblir la crédibilité de l’Etat.
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Et ce, d’autant plus que ledit dispositif garantit l’anonymat aux personnes concernées, ayant opté à la « contribution libératoire » (CL). C’est une amnistie qui ne dit pas son nom. La LF-2024 a donc institué, pour l’année 2024, du 1er janvier au 31 décembre, deux types de contributions, l’une pour les PP disposant d’avoirs au niveau national et non déclarés à l’administration fiscale, l’autre pour les PP et les PM disposant d’avoirs à l’étranger et non déclarés aussi bien à l’Office de changes qu’à l’administration fiscale.
Pour la première catégorie concernant les avoirs et liquidités détenus au niveau national et non déclarés fiscalement, les PP concernées peuvent régulariser spontanément leur situation fiscale, sous réserve de s’acquitter de ladite CL. L’impact est de nature fiscale: le montant des avoirs et des dépenses déclarés ayant fait l’objet de paiement de la CL ne sera pas pris en considération pour l’évaluation du revenu global, dans le cadre de l’examen de l’ensemble de la situation fiscale des PP, visé à l’article 216 du CGI, ainsi que dans le cadre des autres procédures de contrôle fiscal prévues par les dispositions du CGI.
Les personnes concernées par cette CL sont des PP au titre de leurs profits et revenus imposables au Maroc, n’ayant pas été déclarés avant le 1er janvier 2024. Plus exactement, il s’agit:
1. Des détenteurs des avoirs liquides déposés dans des comptes bancaires personnels ou détenus en monnaie fiduciaire sous forme de billets de banque ;
2. D’acquéreurs de biens meubles ou immeubles non destinés à un usage professionnel, au titre des années non prescrites ;
3. De souscripteurs d’opérations d’avances en comptes courants d’associés ou en compte de l’exploitant et des prêts accordés aux tiers, au titre des années non prescrites.
Pour le 1., les personnes concernées doivent déposer les avoirs liquides auprès d’une banque. Ces dépôts font l’objet d’une déclaration. Pour les 2. et 3., les personnes concernées doivent souscrire une déclaration spontanée auprès du receveur de l’administration fiscale. Les personnes concernées doivent verser spontanément, au moment de la déclaration, une contribution calculée sur la base du montant des avoirs déclarés, soit à la banque (1), soit au receveur de l’administration fiscale (2 et 3). Les banques ayant prélevé la CL au titre des avoirs liquides déclarés et déposés, doivent reverser ladite CL au receveur de l’administration fiscale, le mois qui suit celui du dépôt de ladite déclaration. Le taux de la contribution est fixé à 5% du montant ou valeur des avoirs déclarés.
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Pour la 2ème catégorie, est prévue une « régularisation spontanée au titre des avoirs et liquidités détenus à l’étranger ». Le dispositif prévu par la LF-2024 a fixé la date du 30 septembre 2023, comme limite aux avoirs et liquidités concernés. En effet, il s’agit des avoirs et des liquidités détenus à l’étranger avant cette date par les PP et les PM, en infraction à la réglementation des changes et à la législation fiscale. Les PP et les PM doivent avoir une résidence, un siège social ou un domicile fiscal au Maroc. Il s’agit d’infractions de changes afférentes à la constitution d’avoirs à l’étranger non déclarés sous forme de : biens immeubles détenus sous quelque forme à l’étranger ; d’actifs financiers et de valeurs mobiliers et autres titres de capital et de créances détenus à l’étranger ; et d’avoirs liquides déposés dans des comptes ouverts auprès d’organismes financiers, d’organismes de crédit et de banques situés à l’étranger. Sur le plan fiscal, il s’agit de défaut de déclaration des revenus, profits, bénéfices et plus values relatifs aux avoirs immobiliers et mobiliers, ainsi qu’aux disponibilités en devises détenues à l’étranger.
Les personnes concernées peuvent bénéficier de la non application des sanctions en matière de changes et en matière fiscale : en déposant auprès d’une banque une déclaration faisant ressortir la nature des avoirs détenus à l’étranger ; en rapatriant les liquidités en devises ainsi que les revenus et produits générés par lesdites liquidités, et céder au moins 25% de ces liquidités sur le marché des changes au Maroc contre des dirhams, avec possibilité de déposer le reliquat (75%) dans des comptes en devises ou en dirhams convertibles auprès des banques, au Maroc, tout en procédant au paiement de la CL.
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La déclaration doit être accompagnée des documents justifiant la valeur d’acquisition des avoirs et les derniers relevés bancaires pour les avoirs en liquides. Les banques ont l’obligation d’ouvrir un compte en dirhams convertibles ou en devises au nom des PP ou PM concernées, prélever à la source la CL et la verser au receveur de l’administration fiscale le mois qui suit celui de l’opération de rapatriement des avoirs. Les bordereaux avis de versement contiennent le numéro de la déclaration, les montants rapatriés et la valeur des avoirs à l’étranger et le montant de la CL versée. Une copie de ces bordereaux est transmise à l’Office des Changes et à l’Administration fiscale. Ce bordereau ne contient aucune information sur l’identité de la personne concernée.
Le taux de la CL est de 10% de la valeur d’acquisition des biens à l’étranger ou de la valeur de souscription ou d’acquisition des actifs financiers et des valeurs mobilières et autres titres de capital ou de créances détenus à l’étranger ; 5% du montant des avoirs liquides et devises rapatriés au Maroc et déposés dans des comptes en devises ou en dirhams convertibles ; 2% pour les liquidités en devises rapatriées au Maroc et cédées sur le marché des changes au Maroc contre le dirham. Le paiement de la CL libère les personnes concernées des sanctions, en matière de réglementation de changes et en matière fiscale.
Les personnes concernées ayant souscrit et payé la CL bénéficient de la garantie de l’anonymat pour l’ensemble des opérations effectuées au titre de cette régularisation. Après paiement de la CL, aucune poursuite administrative ou judiciaire ne peut être engagée à l’encontre des personnes concernées, au titre des avoirs et des liquidités ayant fait l’objet de la régularisation spontanée, aussi bien en matière de changes qu’en matière fiscale.