Fonds activistes : le groupe Elliott bouscule la finance internationale
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Sur presque trois continents, le fonds Elliott Management bouscule la structure de plusieurs gros groupes au travers de ses acquisitions financières stratégiques. Zoom sur ce fonds qui montre l’autre visage des fonds alternatifs.
En l’espace de quelques décennies, Elliott Management est devenu l’un des fonds activistes les plus redoutés des marchés financiers. Avec plus de 60 milliards de dollars sous gestion, ce géant de l’investissement ne se contente pas de prendre des participations dans les entreprises : il les bouscule, les restructure et impose sa vision stratégique, souvent au prix de changer les instances de gouvernance des grands groupes.
En Europe, aux États-Unis et en Asie, il s’est attaqué aux plus grandes multinationales, de Telecom Italia à SoftBank, en passant par des fleurons de l’énergie et de la tech. Son objectif : maximiser la valeur pour ses actionnaires, quitte à provoquer des remaniements en profondeur. Une stratégie qui divise, entre partisans d’un capitalisme plus dynamique et détracteurs dénonçant une logique de rentabilité à court terme, parfois destructrice pour les entreprises ciblées.
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Cette dynamique révèle une tendance de fond : le pouvoir grandissant des fonds activistes, qui ne se contentent plus d’influencer les entreprises, mais s’imposent comme des acteurs clés du capitalisme globalisé. Derrière la stratégie d’Elliott se dessine ainsi une mutation profonde de la finance internationale, où quelques fonds d’investissement, grâce à une gestion ultra-optimisée du capital, redéfinissent les règles du jeu économique.
Une emprise sur la gouvernance
D’après nos investigations, l’une des récentes « prises » phares d’Elliott Management a eu lieu l’année dernière, lorsque le fonds a pris une participation à hauteur de 10 % dans Match Group (Tinder), soit près de 1 milliard de dollars. Ce géant a par ailleurs cédé aux demandes du fonds d’investissement en nommant deux nouveaux membres à son conseil d’administration et en changeant le visage du groupe.
L’autre tour de force du fonds est celui de Starbucks, avec le changement de la direction du groupe en nommant Laxman Narasimhan, successeur de Howard Schultz, fondateur de l’entreprise. Rappelons d’ailleurs qu’avant de commencer à s’inviter au capital des entreprises en 2004, Elliott Management avait pour cible les dettes souveraines.
L’un de ses dossiers marquants remonte à 1996, au Pérou. Après un défaut sur sa dette en mai 1983, le pays d’Amérique du Sud était en pleine négociation sur sa restructuration. C’est ce moment que le « fonds vautour » a choisi pour acquérir – à moitié prix – 11,4 millions de dollars de dettes de banques péruviennes garanties par l’État. Il s’est par la suite attaqué à d’autres dettes souveraines, comme celle du Congo dans les années 2000 et celle de l’Argentine en 2014.
L’autre visage des fonds…
Longtemps perçus comme de simples instruments de spéculation, les fonds alternatifs ont pris aujourd’hui une tout autre dimension avec l’essor de l’activisme actionnarial. Elliott Management en est l’incarnation la plus frappante : loin de se contenter d’investir, il intervient directement dans la gestion des entreprises où il prend des parts, exige des changements stratégiques et pousse à des restructurations parfois radicales.
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Son approche, fondée sur une analyse minutieuse des failles de gouvernance et des opportunités de création de valeur, bouleverse les équilibres traditionnels du capitalisme. Contrairement aux hedge funds classiques, souvent perçus comme des prédateurs financiers, Elliott se positionne comme un catalyseur de transformation, imposant aux groupes qu’il cible une discipline financière et une rentabilité accrues.
Cette stratégie révèle « un autre visage des fonds alternatifs, qui ne se contentent plus de naviguer dans les marchés mais redessinent activement le paysage économique », nous confie Zakaria Fahim, CEO de BDO. « En s’attaquant aussi bien aux multinationales qu’aux États, Elliott démontre que ces fonds ne sont plus de simples acteurs en coulisses, mais des forces de changement capables d’influencer les décisions les plus stratégiques. »
Au Maroc, leur présence est inexistante. Une de nos sources nous éclaire : « Il est possible d’avoir des fonds alternatifs au Maroc, mais leur développement reste limité par plusieurs facteurs, notamment le cadre réglementaire, la profondeur du marché financier et la culture d’investissement locale. Le Maroc dispose déjà d’un écosystème de fonds d’investissement, qui permettent d’investir dans des actifs non cotés, du capital-risque ou du private equity. Cependant, l’activisme actionnarial à la manière des fonds comme Elliott Management reste peu développé. »
Ainsi, à la croisée de la finance et de la politique, ils posent une question essentielle : jusqu’où peut aller le pouvoir des investisseurs privés dans la redéfinition des règles du jeu économique mondial ?