France : moi, je manifeste, et toi, tu te tais
Je m’autorise le droit de manifester et je t’interdis de t’exprimer. Je définis le droit et je détiens le monopole de la force. Tu te soumets. Sinon, je te réprime. Je t’inflige une amende. Je te condamne à la prison. Car je suis la vérité et tu es le mensonge. Je symbolise la civilisation. Tu représentes la barbarie. « Tu es contre Israël, donc tu es antisioniste et antisémite ». Israël a le droit de se défendre, de vivre, de se protéger (…). Toi, tu as uniquement l’obligation de te taire, de souffrir ou de mourir. Après tout, nous sommes les bons et vous êtes les méchants.
Ce dimanche 12 novembre, nous allons donc manifester à Paris, contre l’antisémitisme. Mais qui est antisémite ? Sommes-nous face à un quatrième reich ? Le mot « sémite » dérive du nom attribué au personnage biblique Sem qui veut dire aussi bien en arabe qu’en hébreu : nom, renommée, prospérité. Beaucoup de familles juives, chrétiennes ou arabes nomment leurs enfants « Samia », quand c’est une fille, ou « Sam » ou « Sami », quand c’est un garçon. Les locuteurs de langues sémitiques étaient dispersés en Mésopotamie avant l’émergence d’une culture urbaine dans la région. Plusieurs vagues de nomades, parlant des langues sémitiques, ont traversé dans les temps préhistoriques les déserts arides de l’Est pour rejoindre le Croissant fertile. Historiquement, aussi bien les hébreux que les arabes chrétiens ou musulmans, voire polythéistes, ou même sans religion, sont des sémites. Quel rapport entre le sionisme et le sémitisme ? Le sionisme est d’abord un mouvement politique construit partiellement sur une interprétation particulière de la Thora. A l’instar de certains mouvements islamiques qui sont avant tout des mouvements politiques fondés sur une certaine interprétation de la religion musulmane. Le danger pour tous les mouvements politiques dont l’idéologie tire sa substance d’une religion réside dans la prétention à détenir une vérité absolue. Ce qui rend impossible tout dialogue.
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Le nazisme a été ouvertement antisémite. Les sémites, dont les juifs, ont beaucoup souffert, bien avant le nazisme. Plusieurs pogroms avaient été organisés en Europe, en Russie (…). En France, l’affaire Dreyfus, à la fin du 19ème siècle, est bien connue. Dans ce contexte, et surtout pendant les années 1930, lorsque la persécution des juifs a été entamée dans l’Allemagne nazie, une marche ou manifestation, pour dénoncer l’antisémitisme, aurait été tout a fait justifiée. Mais, ce dimanche 12 novembre 2023, la dite marche ou manifestation aura un autre sens. Après l’attaque surprise de Hamas, le 7 octobre, organisation islamique de résistance palestinienne, qualifiée « terroriste » notamment par l’Union Européenne, mais en fait expression de l’impasse de l’affaire palestinienne et du désespoir des populations vivant dans des situations humainement insupportables depuis 75 ans, l’Etat d’Israël bombarde, depuis cinq semaines, l’enclave de Gaza où vivent plus de 2 millions d’êtres humains sur une superficie de 365 km². A ce jour, plus de 11 000 morts et autant de blessés dont plus de la moitié sont des enfants, des femmes et des personnes âgées. Il s’agit de bombardements aveugles, qui ne font aucune distinction entre une école, un hôpital, une mosquée ou toute autre construction. La population de Gaza est enfermée, privée d’eau, d’électricité, de nourriture, de médicaments (…). Israël possède l’une des armées les plus puissantes au monde. Elle bénéficie aussi du soutien de l’OTAN, en particulier les Etats Unis d’Amérique. La population de Gaza n’a que l’aide des organisations internationales humanitaires, sous le contrôle de l’Etat sioniste. Israël a-t-elle devant elle une « armée du 4ème reich » ? Elle a devant elle une population désarmée et une organisation qui a recours à des méthodes de guérilla pour faire face à la puissante armée sioniste dotée d’avions, de chars, de système sophistiqués de repérage et de destruction.
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Manifester le dimanche est donc clairement un acte de soutien à un Etat qui, depuis plus d’un mois, n’a pas cessé de bombarder aveuglément une population vivant dans une enclave, « prison à ciel ouvert », devenue « charnier ». Ce n’est pas un acte de dénonciation de l’antisémitisme. C’est un acte de soutien au sionisme en tant que projet de colonisation de territoires ne lui appartenant pas, d’après le droit international en vigueur, et d’extermination d’un peuple qui lutte depuis 75 ans pour le droit à l’existence. Etre antisioniste, c’est être contre ce projet colonial d’extermination. C’est être pour le droit de tous les peuples à vivre en paix.
La marche ou manifestation de dimanche à Paris, plus que le silence, ou l’indifférence, est un acte de complicité des crimes de guerre, voire de génocide en cours, à Gaza, en Palestine. Paradoxalement, même des organisations d’extrême droite, ayant hier collaboré avec le nazisme, participeront à cette marche. Personne ne pourra dire : je ne savais pas !