Education

Hautes études au Maroc : séparer le bon grain de l’ivraie

Depuis quelques années, le Maroc est devenu un pôle d’éducation. Bien que ce développement soit le fruit de la Charte de l’éducation de 2000, qui a favorisé l’essor des écoles privées, certaines « écoles boutiques » se glissent aujourd’hui dans le paysage des grandes écoles. Décryptage !

Fruit d’une véritable politique, le Maroc est devenu un véritable pôle de l’éducation. Pour preuve, son important écosystème de grandes écoles est aujourd’hui un véritable carrefour pour les étudiants, notamment d’Afrique subsaharienne. « Le Maroc est une destination importante pour un certain nombre d’étudiants du Sud. Nous avons des écoles privées très performantes comme l’UIR, l’UIC, HEM et l’école Sup Management de Fès », nous confie Mohamed Tazi, CEO d’Archimed Consulting, expert en conseil dans le secteur de l’éducation. Pour la petite histoire, c’est avec l’adoption de la Charte nationale de l’éducation et de la formation en 2000 que l’État a choisi de favoriser le rôle du secteur privé dans son système éducatif. La Charte stipule que « le secteur privé d’enseignement et de formation est considéré comme un partenaire principal, aux côtés de l’État, dans la promotion du système d’éducation-formation, l’élargissement de son étendue et l’amélioration continue de sa qualité. »

Dans le même sillage, on se rappelle également de la déclaration choc de l’ancien chef du gouvernement Benkirane en novembre 2014 lors du 50ème anniversaire de la BAD, tenu à Marrakech, qui avait à sa manière donné le ton. « Il est temps que l’État lève le pied sur certains secteurs, comme la santé et l’enseignement » et que « le rôle de l’État doit se limiter à assister les opérateurs privés qui veulent s’engager dans ces secteurs », déclarait-il.

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Peu après, la BAD avait publié un rapport préconisant une libéralisation de l’enseignement permettant aux entrepreneurs de l’éducation de « dégager de bons retours sur investissement », rapport immédiatement dénoncé par plus de 70 organisations dans le monde. « Nous sommes très préoccupés par les recommandations du rapport encourageant davantage l’investissement du secteur privé dans l’éducation alors qu’il est de plus en plus évident que la privatisation de l’éducation crée des inégalités, comme nous le constatons actuellement au Ghana », s’exclamait à l’époque Limbani Nsapato du Réseau Africain de Campagne pour l’Éducation pour Tous (ANCEFA).

Au-delà des contestations prônant le droit à l’éducation pour tous, les établissements privés ont évolué de façon croissante. Au Maroc, la scolarisation privée au niveau primaire a plus que triplé en moins de 15 ans, passant de 4% en 1999 à 14% en 2013, selon l’institut pour les statistiques de l’UNESCO. Aujourd’hui, on compte pas moins de 6 922 écoles privées, accueillant plus d’un million et 105 000 élèves par an. Côté enseignement supérieur, l’effectif des étudiants a augmenté d’environ 32% entre 2017 et 2021, passant de 43 617 à 57 222, selon le ministère de l’Éducation. Le nombre d’établissements privés s’élève actuellement à 198.

« Le développement du secteur privé dans l’éducation a commencé il y a de cela quelques décennies. L’aventure a débuté avec des écoles de commerce qui ont formé de nombreux cadres marocains. Aujourd’hui, le phénomène a pris beaucoup d’ampleur avec de grands groupes organisés en consortiums qui proposent des offres de formation n’ayant rien à envier à l’international », nous explique Tazi.

Formation, rentabilité : une équation complexe

Même si la privatisation du secteur de l’éducation a permis une offre éducative variée et riche grâce aux capitaux, elle a cependant ouvert la voie à des offres purement orientées vers la finance. « Aujourd’hui, il est vrai que dans le secteur, il y a des offres qui se détournent de la mission pédagogique pour s’inscrire dans une dynamique de rentabilité. Au-delà du projet économique, l’école est avant tout un lieu de construction de génération », nous explique le CEO d’Archimed. Et de poursuivre : « Au Maroc, il y a de très bonnes écoles privées et les apprenants devraient en tout cas prendre en compte un certain nombre de critères dans le choix de leur université, notamment en premier lieu la reconnaissance du diplôme par l’État, ensuite l’ouverture et l’aura du diplôme à l’international, la dimension insertion sur le marché de l’emploi et enfin le cadre esthétique du lieu d’apprentissage ».

De son côté, Mounir Trifess, General Manager de EDGE BUSINESS SCHOOL, renchérit sur le fait qu’il faut vérifier avant tout la qualité académique de l’école, qui selon lui doit se faire en allant au contact de l’école cible afin de mesurer son offre académique. De plus, il converge sur l’idée de la dimension insertion. « Aujourd’hui, les données dans ce sens sont moins disponibles, mais le parent doit faire l’effort de se renseigner au maximum afin de pouvoir mesurer la capacité de l’école à transformer l’étudiant et également lui garantir une opportunité socio-économique. »

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Même son de cloche du côté du directeur de l’école de commerce HECF, présente à Fès et Meknès. « En plus de la reconnaissance de nos diplômés, nous offrons à nos étudiants un avant-goût du monde professionnel. La bonne école est celle qui s’inscrit dans une mission pédagogique qui colle avec les réalités de notre matrice économique : préparer l’apprenant à aller en immersion dans le monde pratique au-delà de la sphère théorique », nous explique Abdelkarim Moussa, Directeur de HECF.

Au sujet de la conciliation entre le mécanisme de la sélection et celui de la rentabilité, le CEO d’Archimed nous explique qu’au public cette question ne pose pas de problème. « Quand vous prenez des écoles comme l’ISCAE, les moyennes d’accès sont claires et la barre est très élevée. Et c’est bien pour cela qu’elles ont une aussi grande renommée sur le marché de l’emploi. Et d’ajouter : « dans certaines écoles privées, la question de la sélection n’est pas toujours d’actualité. En France, par exemple, les chiffres ont démontré que les écoles privées françaises ne mettent pas trop l’accent sur le critère de sélection, ce sont les logiques financières qui priment. »

« Pour moi, la mission de toute école après sa création devrait être celle de la formation. L’équilibre financier, le gain financier, devrait venir en second. Par ailleurs, au sujet de la sélection, j’estime que les écoles publiques ou privées devraient permettre aux étudiants de réaliser leur projet d’études », nuance le DG d’EDGE. Et d’ajouter : « Il est clair que les écoles ne peuvent offrir des places illimitées, donc la sélection devrait se faire naturellement, par effet de sens. Enfin, je pense que la sélection n’a pas lieu d’exister fondamentalement, pour moi, on ne devrait pas limiter les gens. »

Le Maroc, un temple du savoir sur le continent

Selon l’AMCI, près de 23 000 étudiants d’Afrique subsaharienne ont été diplômés des universités marocaines ces 20 dernières années. Le Maroc a en effet, depuis quelques décennies, mis en place des accords bilatéraux avec ses voisins africains, en proposant des bourses d’études pour des étudiants africains d’origines diverses. Par ailleurs, il faut noter que la venue au Maroc d’étudiants subsahariens est un phénomène qui dépasse le cadre politique. En effet, en plus des canaux officiels permettant à des jeunes subsahariens de venir étudier au Maroc, le pays accueille aussi de plus en plus d’étudiants qui se dirigent, hors accords officiels, vers des établissements d’enseignement privés. L’effectif des étudiants s’accroît considérablement depuis quelques années. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur, sur un total de 23 411 étudiants étrangers inscrits au Maroc en 2021, 19 256 sont d’origine africaine, soit près de 83%, privé et public confondus.

 
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