Portrait

H&S Invest Holding. Moncef Belkhayat, l’entrepreneur marocain qui suit les traces du géant américain Procter & Gamble

En 2005, Moncef Belkhayat, fondateur et président de H&S Invest Holding, commence avec 1,5 million de DH en tant que distributeur. En 20 ans, il a transformé son entreprise en un groupe industriel spécialisé dans les produits de grande consommation et la santé, générant aujourd’hui 4 milliards de DH de chiffre d’affaires et employant plus de 3.600 personnes. Depuis 17 ans, il ouvre son capital à des fonds d’investissement pour financer son développement, réalisant une douzaine d’opérations de private equity, un record au Maroc. Cette année, il a levé 1 milliard de DH en equity. Ancien directeur chez Procter & Gamble, il suit aujourd’hui les traces du géant américain de la grande consommation.

L’année 2024 a marqué un tournant décisif pour Moncef Belkhayat, l’entrepreneur marocain à la tête du groupe H&S Invest Holding, qu’il a fondé il y a presque deux décennies. Son groupe a atteint un jalon important en clôturant l’année avec une levée de fonds de 1 milliard de DH en Private Equity.

Le mois de novembre 2024 a été particulièrement marquant pour Belkhayat et son équipe. SPE Capital, acteur majeur du capital-investissement, qui était sorti du capital de Dislog Group au profit de Méditerrania Capital Partners (MCP) en juin 2021, est entré à nouveau au capital vaisseau amiral du holding familial, à travers son fonds AIF I. L’investissement immédiat s’est élevé à 350 millions de DH (à une valorisation de 3 milliards de DH), une somme qui sera prochainement complétée par 100 millions de DH supplémentaires d’une institution financière internationale, portant ainsi l’investissement total à 450 millions de DH. Un signe fort de la confiance placée dans le potentiel de Dislog et dans la vision de Moncef Belkhayat pour son développement futur.

Ce n’était pas le seul mouvement stratégique pour H&S Invest Holding en 2024. Un mois plus tôt, la Société financière internationale (IFC), membre du Groupe de la Banque mondiale, a décidé d’acquérir une participation en monnaie locale d’une valeur de 363 millions de DH dans Building Logistics Services S.A (BLS), une filiale de H&S Invest. Cet investissement, aux côtés de STOA, un fonds d’impact, a permis à l’IFC de détenir une part minoritaire de l’entreprise, renforçant ainsi les ambitions de BLS sur le marché marocain et au-delà.

Le 5 décembre, c’était au tour de Sanam Holding d’intégrer le capital de Dislog Group, bien que dans une position minoritaire non contrôlante. Ce mouvement a également accompagné le départ de Mediterrania Capital Partners, qui avait précédemment injecté 300 millions de DH dans Dislog. Un jeu d’équilibre financier et stratégique qui reflète l’approche de Moncef pour maximiser la valeur de ses actifs.

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Acquisitions stratégiques et expansion en 2024

L’une des plus grandes réussites de Belkhayat en 2024 fut son habileté à gérer des opérations complexes pour rembourser les prêts relais contractés lors des acquisitions précédentes. Il a orchestré pas moins de cinq transactions pour redresser les ratios financiers de Dislog Group. Au total, au cours des 17 dernières années, il a réalisé pas moins de 12 opérations de private equity, faisant de H&S Invest Holding le groupe privé marocain ayant réalisé le plus grand nombre d’opérations dans ce domaine.

Les levées de fonds et l’effet de levier bancaire générés par ces augmentations de capital ont été des leviers puissants pour accélérer la croissance de l’entreprise. Cette année encore, Moncef Belkhayat a ainsi mené plusieurs acquisitions stratégiques. Il a mis la main sur CMB Plastique, une filiale du groupe industriel Mutandis d’Adil Douiri, spécialisée dans les bouteilles et bouchons en plastique, pour un montant de 330 millions de DH.

Parallèlement, il a également porté son attention au marché européen avec l’acquisition d’une société espagnole, « Build a Better World – Chef Sam », pour un montant de 40 millions d’euros. Chef Sam, spécialisée dans la production et la distribution de produits alimentaires durables, est reconnue pour son engagement en faveur du développement durable et de l’alimentation responsable, un secteur en pleine expansion. Ce mouvement renforce la position de Dislog Group sur le marché européen, tout en diversifiant ses activités vers un secteur à fort potentiel.

Toujours dans une logique de diversification et de consolidation, Dislog Group a également pris le contrôle de 75 % des parts de Megaflex, une entreprise spécialisée dans les dispositifs médicaux. Cette opération permet à Dislog de renforcer son pôle santé et d’élargir son offre dans le secteur médical, un domaine stratégique pour l’avenir du groupe.

Belkhayat incarne à lui seul l’ascension d’un jeune homme audacieux et déterminé, forgé par les principes de l’école publique marocaine et propulsé par une soif inextinguible de succès. Son parcours, marqué par une succession de décisions stratégiques et de prises de risques audacieuses, témoigne de son esprit entrepreneurial.

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L’ascension rapide de Moncef chez Procter & Gamble

Né en 1970 à Rabat, Moncef obtient son baccalauréat scientifique au lycée Dar Es Salam, une étape charnière qui marque le début de sa soif de connaissances. C’est au sein de l’ISCAE de Casablanca, l’une des écoles de commerce les plus prestigieuses du pays, qu’il va réellement forger ses premières armes dans le monde des affaires. L’année 1991 est un tournant décisif : alors qu’il est en troisième année, Procter & Gamble (P&G) fait sa tournée de recrutement. À 21 ans, le natif de Rabat, animé par le désir d’indépendance financière, postule pour un stage à mi-temps d’un an. Ce premier contact avec le géant américain de la grande consommation s’avère déterminant : après un an de stage et son diplôme en poche, il passe avec succès une batterie d’entretiens rigoureux et rejoint l’entreprise à plein temps en 1992.

Ce début de carrière chez P&G est révélateur de son esprit de conquête et de sa capacité à s’adapter à des environnements exigeants. Moncef débute humblement sur le terrain, dans les souks marocains, où il vend les marques emblématiques Tide et Prêt Plus. Il sillonne le pays, visitant 150 souks sur les 800 existants, pour nouer des relations solides avec les grossistes locaux. Chaque matin, il se lève à 4 heures pour soutenir ses partenaires dans la vente des produits et organiser des actions marketing. Cette expérience, aussi formante que passionnante, devient pour lui un véritable MBA sur le terrain.

Son évolution rapide au sein de l’entreprise est impressionnante : fort de ses premières réussites sur le terrain, il évolue dans le département marketing où il prend en charge des marques telles que Camay et Zest, puis dans celui des ventes pour les régions de Rabat et Agadir.

Son sens de la gestion et de l’optimisation des performances commerciales ne tarde pas à se faire remarquer, et en 1994, il rejoint le siège de Procter & Gamble pour prendre en charge le merchandising. Une nouvelle fonction stratégique qui lui permet d’affiner sa vision globale des opérations et de consolider son expertise en gestion de produits et de marques à grande échelle.

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Une expérience marquante au Moyen-Orient et en Afrique

Mais c’est en 1996, à 25 ans seulement, que Moncef Belkhayat atteint un nouveau sommet dans sa carrière. Il est nommé directeur régional des ventes en Arabie Saoudite, un poste qu’il occupe avec brio. À la tête d’une équipe de 100 personnes à Jeddah et d’un portefeuille d’affaires de 110 millions de dollars, il est alors le plus jeune directeur de l’histoire de P&G dans la région.

Deux ans plus tard, il est nommé directeur du développement Afrique et Moyen-Orient, une mission stratégique qui l’amène à explorer des marchés inédits où P&G n’était pas présente, notamment en Tunisie, en Libye, en Algérie, en Éthiopie, en Syrie, en Jordanie et en Palestine. Dans chaque marché, le jeune Marocain et son équipe devaient identifier un distributeur, l’installer et le soutenir tout au long de son développement. Cette expérience internationale va profondément marquer sa personnalité, développant son sens de la négociation et son agilité face à des environnements économiques et politiques variés.

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Un choix de carrière décisif : retour au Maroc

L’année 2000, alors que Moncef Belkhayat a à peine 29 ans, marque un tournant décisif dans sa carrière. Le marché du travail, en pleine effervescence, est une véritable jungle où les opportunités affluent, créant une atmosphère de compétition intense. Enchaînant les voyages et les responsabilités de plus en plus lourdes, Moncef reçoit des sollicitations de chasseurs de têtes, désireux de l’attirer dans des projets aussi prestigieux que variés. Mais c’est Méditelecom (Méditel), qui vient de décrocher la deuxième licence de GSM quelque mois auparavant, qui lui propose une opportunité en or.

À ce moment-là, Moncef se trouve à un carrefour de sa vie. D’un côté, la tentation de continuer à évoluer dans un environnement extrêmement lucratif et stimulant au Moyen-Orient, où les salaires élevés, notamment chez Procter & Gamble, sont encore plus attractifs grâce aux avantages fiscaux. De l’autre, l’appel du Maroc, avec son envie de retrouver sa famille et d’accompagner son épouse, qui souhaite fonder son propre cabinet de dentisterie.

Ce dilemme, entre la continuité d’une carrière internationale et le retour aux racines, ne se résume pas à un simple choix professionnel. Moncef réfléchit longuement, en concertation avec sa femme, et observe les trajectoires de ses collègues restés dans la région. Beaucoup d’entre eux, séduits par le confort économique offert par le modèle, y restent pendant 20, 25, voire 30 ans, retardant sans cesse leur retour. Mais Moncef, conscient des pièges du confort et des raccourcis de la réussite, perçoit dans ce mode de vie un danger silencieux : celui de se dire « un an de plus » indéfiniment, sans jamais revenir.

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Retour au Maroc : un nouveau départ chez Méditelecom

Après une réflexion profonde et un dialogue sincère avec sa femme, il décide finalement de rentrer au Maroc. Il fait alors le choix de rejoindre Méditelecom, alors détenu par des acteurs puissants comme Telefonica, Portugal Telecom, Financecom, CDG et Akwa Group. Bien que d’autres propositions alléchantes se présentent à lui, comme celle de Mars, qui lui offre de gérer l’Afrique du Nord depuis Le Caire, Moncef et sa femme optent pour la stabilité et le projet de vie au Maroc. Ce choix, mûrement réfléchi, marque le début d’un nouveau chapitre pour Belkhayat.

Moncef a marqué son entrée chez Méditel en 2000 en tant que Directeur central du pôle commercial, un poste clé où il va rapidement s’imposer comme un leader visionnaire. Avec son équipe dédiée au commercial et au marketing, il bâtit l’entreprise petit à petit, « client par client ». Cette approche pragmatique et déterminée lui permet de participer activement à la mise en place du réseau de distribution de l’opérateur, contribuant ainsi à la structuration d’une entreprise qui allait devenir l’un des acteurs majeurs du secteur des télécommunications au Maroc. En 2005, il est nommé vice-président chargé du marketing et du commercial, consolidant davantage son rôle stratégique dans la croissance de l’entreprise.

Durant cette période, l’ancien directeur du développement Afrique et Moyen-Orient se distingue non seulement par ses compétences en développement commercial, mais aussi par son sens aigu du sponsoring. Il investit dans des projets phares, notamment dans le domaine de la musique et du sport, renforçant l’image dynamique et jeune de Méditel. Le jeune dirigeant apprend aussi à gérer les relations avec les actionnaires, et à participer aux conseils d’administration. L’un des moments forts de son parcours chez Méditel survient quelques mois après son arrivée dans l’entreprise, lorsque l’opérateur lève un prêt d’un milliard de dollars auprès d’un consortium de quatre banques pour financer sa licence, une opération complexe dans laquelle Moncef joue un rôle clé.

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Quand Moncef lorgne le fauteuil de son patron

Au fil des années, il collabore avec des figures influentes du paysage économique marocain, tels qu’Othman Benjelloun, Mustapha Bakkoury, Saad Bendidi et Aziz Akhannouch, tout en développant une vision stratégique de plus en plus affinée. Mais c’est une interview qui marque un tournant dans sa carrière. Lorsqu’un journaliste lui demande quelle sera sa prochaine étape, Moncef répond sans détour : il aspire à devenir directeur général de Méditel. Cette déclaration, qui aurait pu passer inaperçue, suscite une réaction immédiate du directeur général de l’époque, feu Ramon Enciso, qui, dès le matin suivant, le convoque pour une rencontre. Moncef lui explique que sa déclaration visait avant tout à mettre Méditel en avant. Cette honnêteté et cette ambition ne tardent pas à impressionner Enciso, qui décide alors de l’envoyer suivre un Executive MBA à Harvard. Cette formation de quatre mois marquera un autre tournant décisif dans la vie professionnelle de Moncef, l’armant pour de nouveaux défis.

Le virage vers l’entrepreneuriat

À son retour, transformé par cette expérience internationale, Moncef prend une décision audacieuse : quitter le monde du corporate pour l’entrepreneuriat. À seulement 30 ans, il se lance dans une nouvelle aventure.

En 2005, il fonde H&S Invest Holding, une holding qui acquiert 51% de Dislog, un acteur majeur dans la distribution de produits alimentaires, anciennement détenu par les Brasseries du Maroc, pour 4 millions de DH. Grâce à un financement de 2,7 millions de DH par Attijariwafa Bank et à ses propres fonds, Moncef prend le contrôle de Dislog, amorçant ainsi une nouvelle phase dans son parcours entrepreneurial. A l’époque, le directeur général des crédits chez Attijariwafa Bank était Mohamed El Kettani, aujourd’hui président directeur général.

Deux ans plus tard, il  crée le réseau d’épiceries Hanouty, alors que d’autres grands acteurs comme BIM arrive en même temps sur le marché et LabelVie s’introduit en bourse.

Pour Hanouty et Dislog, Belkhayat a eu la chance de s’associer à un partenaire de premier plan, Othman Benjelloun, qui a mis à contribution Financecom et CNAV (Capital North Africa Venture), un fonds d’investissement dirigé à l’époque par Mehdi Tahiri.

Ces deux projets, Hanouty et Dislog, marquent le début de l’aventure entrepreneuriale de Moncef, qui va tracer sa propre route et bâtir un empire dans le secteur de la distribution et des affaires au Maroc.

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Des partenariats solides

L’ancien vice-président de Méditel avait une vision claire et ambitieuse lorsqu’il a acquis Dislog : établir des partenariats solides avec des multinationales du secteur des produits de grande consommation (FMCG) et des groupes marocains. Pour y parvenir, il s’est naturellement tourné vers Procter & Gamble, une entreprise qu’il connaissait bien, ayant travaillé pour elle pendant huit ans. Sa première grande initiative fut l’achat, en 2007, de Comunivers, une filiale de P&G spécialisée dans la distribution des produits de la marque au Maroc. Cette acquisition s’inscrivait dans une stratégie de développement visant à renforcer l’activité de distribution de détail et à faire de Dislog le distributeur exclusif des produits P&G dans tout le royaume.

Dislog a élargi ses horizons. À partir de 2008, l’activité de Comunivers ne se limita plus seulement aux produits de P&G, mais s’étendit à la distribution de produits agroalimentaires, puis à la catégorie « non food ». L’ambition de Moncef était de couvrir l’ensemble du territoire marocain, en commençant par le nord, tout en consolidant la présence des produits P&G sur différents segments. Il n’était plus question de simplement être un distributeur ; Moncef visait une stratégie de diversification et d’expansion, avec un impact national.

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Une stratégie financière audacieuse

Mais l’ancien directeur régional des ventes en Arabie Saoudite ne se contentait pas seulement de nouer des partenariats. Parallèlement, il élaborait une stratégie financière audacieuse, en combinant levées de dette et ouverture du capital à des fonds de private equity. En 2009, il franchit un nouveau cap en ouvrant le capital de Dislog à CNAV I, un fonds d’investissement géré par Capital Invest, une société affiliée à BMCE Bank. Cette opération stratégique lui permit de se lancer dans le secteur du merchandising, un domaine dans lequel il investit en acquérant Research & Quality Consulting (RQC). Spécialisée dans les solutions In Store, les activations out of store et la connaissance des consommateurs et du marché, cette agence apporta une valeur ajoutée considérable à H&S Invest Holding.

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Les premières difficultés

Mais deux ans après son lancement, l’aventure du réseau d’épiceries Hanouty s’achève en automne 2009. Moncef n’a pas peur de revenir sur les erreurs qu’il a commises dans le cadre de ce projet, une initiative ambitieuse visant à moderniser l’épicerie de proximité au Maroc. Dans une réflexion sincère et lucide, il reconnaît que le concept de créer une chaîne de supermarchés de quartier était en soi une excellente idée, mais qu’elle était trop en avance sur son temps. « J’assume pleinement ma part de responsabilité », confie-t-il. Il admet que plusieurs erreurs stratégiques ont freiné la réussite du projet.

L’une de ces erreurs majeures fut la taille des magasins. Hanouty avait opté pour des surfaces inférieures à 100 m², alors que le modèle viable, comme le prouvera plus tard l’enseigne BIM, repose sur des formats d’environ 400 m². Cette petite taille des magasins, bien qu’elle ait semblé logique à l’époque, ne correspondait pas aux attentes des consommateurs, et cela a limité les opportunités de développement. « Leur succès aujourd’hui prouve que l’idée était bonne, mais mal exécutée à ce niveau », explique-t-il avec humilité.

Autre erreur décisive, celle d’avoir franchisé le modèle trop tôt, sans avoir validé le concept avec des magasins en propre pour en maîtriser tous les aspects. « Dans ce métier, il faut d’abord comprendre les subtilités avant d’étendre le modèle », souligne-t-il. Moncef Belkhayat se rend compte que ce manque de préparation et de tests en interne a conduit à un échec prématuré de l’expansion.

Pourtant, il ne cache pas sa reconnaissance envers son ancien associé, Othman Benjelloun, qui avait cru en ce projet innovant. « Chapeau bas à lui », dit-il, avant de reconnaître que, dans ce secteur, il est essentiel de s’entourer d’un partenaire ayant une vraie compréhension des enjeux. « Il faut un opérateur métier, quelqu’un prêt à investir dans une vision à long terme, plutôt qu’une institution financière », précise-t-il. Une leçon qu’il garde précieusement pour ses projets futurs.

Enfin, la crise financière de 2008 a joué un rôle déterminant dans le tournant du projet. À cette époque, Financecom, son principal partenaire financier, avait décidé de se recentrer sur ses activités principales et de réduire son exposition aux projets à long terme, comme Hanouty. Cette décision a contribué à l’abandon du projet, mais Belkhayat, avec son regard clairvoyant, ne laisse jamais la fatalité l’abattre. Au contraire, il en tire des enseignements qui nourriront ses futurs succès.

A cette époque, le fondateur et président de H&S Invest Holding, fort de son expérience, poursuit sa route avec une détermination sans faille. Il décide d’intensifier sa diversification, passant ainsi du statut de distributeur régional à celui de distributeur national. Entre 2014 et 2015, il mène plusieurs acquisitions stratégiques qui renforceront sa position sur le marché.

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Un nouvel élan après un échec

Il commence par s’emparer de Buildings & Logistic Services (BLS), une plateforme logistique fondée en 2011. Cette acquisition marque un tournant, car BLS se positionne rapidement comme un leader national dans la logistique end-to-end et sur-mesure, offrant des services complets aux entreprises. Moncef poursuit son expansion avec Comptoir Service, une société spécialisée dans l’affrètement, la distribution et la mise à disposition de camions frigorifiques et secs de diverses tailles, allant de 7 à 32 tonnes.

Mais le fondateur du Groupe H&S Invest Holding ne s’arrête pas là. En 2015, il prend également le contrôle du distributeur P&G dans le sud du Maroc, en rachetant le groupe UIG et ses filiales Avaldis et Avendis. Ces acquisitions lui permettent de consolider sa position en tant qu’acteur clé de la distribution nationale.

Pour financer ces investissements ambitieux, Moncef ouvre pour la deuxième fois le capital de sa société Dislog, filiale de H&S Invest Holding. Il attire alors de nouveaux investisseurs, notamment le fonds Capital North Africa Venture II (CNAV II), géré par Capital Invest, ainsi que BMCI Finance. Ensemble, ils prennent 40% du capital de Dislog, offrant à Moncef le levier financier nécessaire pour accélérer sa croissance en vue de 2020. Son objectif est clair : renforcer sa position sur le marché local et préparer l’internationalisation de ses activités. Un premier jalon important est franchi lorsque Dislog, via sa filiale RQC, devient dès septembre 2014 le prestataire attitré de P&G pour les activités de merchandising dans les grandes surfaces au Maroc.

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Face aux lobbies du thé

En 2016, Moncef décide de se diversifier encore davantage en entrant dans l’agro-industrie. Il prend une participation majoritaire de 51% dans Salman Tea, une jeune start-up spécialisée dans l’importation et le conditionnement de thé au Maroc. Son objectif est ambitieux : se faire une place sur un marché prometteur de 3 milliards de DH, avec l’ambition de capturer entre 5% et 15% de parts de marché dans les trois à quatre ans à venir. Cependant, malgré les perspectives de croissance, Moncef choisit finalement d’abandonner ce projet avant la réalisation de ses objectifs.

Son parcours témoigne de sa capacité à se réinventer sans cesse, à saisir les opportunités et à prendre des risques calculés pour continuer à faire prospérer son empire.

Il faut dire que cette aventure sur le marché du thé, malgré ses nombreux atouts, a connu des obstacles inattendus. « J’avais tout mis en place de manière stratégique », confie-t-il avec confiance. Il avait développé de belles marques, avec un packaging soigné, et des campagnes publicitaires percutantes. Dans le secteur de la distribution moderne, ses efforts ont porté leurs fruits, lui permettant de conquérir 12% de part de marché dans des grandes surfaces telles que Marjane et Carrefour. Ce succès témoignait de l’efficacité de son approche et de la qualité de ses produits.

Cependant, Moncef se rend vite compte que l’industrie traditionnelle, bien différente, s’avérait plus complexe et difficile à pénétrer. « Ce marché est profondément ancré dans des pratiques historiques », explique-t-il. Malgré des efforts considérables, son entrée dans ce secteur ne s’est pas traduite par des résultats significatifs. Le défi n’était pas seulement stratégique, mais aussi culturel et profondément enraciné dans des habitudes de consommation.

Au-delà de cette difficulté, un autre obstacle, bien plus agressif, est venu perturber ses ambitions : une campagne virulente a été lancée contre lui entre 2017 et 2018, accusant les thés qu’il importait de Chine de contenir des produits chimiques potentiellement cancérigènes. Cette accusation, relayée par un prestigieux journal, a créé une onde de choc dans le secteur. Pour Moncef Belkhayat, il ne fait aucun doute que des intérêts et des lobbies étaient derrière cette attaque, un coup dur porté à ses efforts pour s’imposer sur le marché.

Malgré ces difficultés, il garde la tête haute. Bien que l’entrée sur le marché traditionnel du thé ait été freinée, il ne considère pas cette expérience comme un échec, mais plutôt comme un apprentissage. Ce genre de contretemps, tout comme le succès rencontré dans le secteur moderne, fait partie du parcours entrepreneurial.

Loin de se laisser abattre par ce deuxième échec après Hanouty, Moncef Belkhayat en tire une nouvelle leçon précieuse. Il transforme cette expérience en une source d’apprentissage exceptionnelle, renforçant ainsi sa détermination. Dislog Group ne se contente pas de surmonter les obstacles ; l’entreprise poursuit sa trajectoire de diversification et de croissance, portée par la vision claire et ambitieuse de Moncef. Son objectif : bâtir un empire industriel et commercial, capable de répondre non seulement aux attentes des consommateurs marocains, mais aussi de s’imposer sur les marchés internationaux.

Dans un premier temps, il renforce la présence de Dislog dans le secteur de la distribution et de la logistique en concluant une joint-venture avec Edita Food Industries, un acteur égyptien majeur. Ce partenariat, d’une valeur de 100 millions de DH, allie l’expertise de Dislog en matière de distribution et de logistique à celle d’Edita dans le domaine industriel et technique. Selon les termes de l’accord, Edita détient la majorité des parts de la joint-venture à hauteur de 51%.

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Consolidation et acquisitions industrielles

L’année 2019 marque une étape clé pour Moncef, avec la cession par Amethis de sa participation dans Dislog Group. Cet événement lui permet de consolider le contrôle de l’entreprise et de préparer un nouveau cycle d’investissement. Fort de cette consolidation, Moncef poursuit sa stratégie de diversification en créant Hygienic Modern Industries (HMI), une filiale industrielle dédiée à la production de produits d’entretien et d’hygiène. Cette initiative est rapidement suivie par une série d’acquisitions, dont celle de Soft Wave, un spécialiste des produits cosmétiques et de nettoyage, puis de la gamme de papiers mouchoirs « At Home » de Fine Hygienic Holding, consolidant ainsi son pôle industriel. L’acquisition de l’usine de papiers mouchoirs de Fine au Maroc, sur un site de 24 000 m², permet au groupe Belkhayat de réaliser un chiffre d’affaires supplémentaire de 110 millions de DH dès 2020, tout en créant une masse critique pour le lancement de nouvelles activités industrielles.

Pour racheter Soft Wave et Fine, Belkhayat a trouvé le financement auprès SPE Capital qui a investi en juin 2019, près de 240 millions de DH pour une part stratégique au sein de Dislog Group.

Mais Moncef ne s’arrête pas là. Une partie de la manne apportée par le fonds d’investissement (SPE AIF I) est utilisée dans une nouvelle opération de rachat. Effet, en  2020, il frappe fort avec l’acquisition de Fater Maroc, leader national de la production d’eau de Javel, pour 232 millions de DH. Cette acquisition stratégique s’inscrit dans un retour aux sources, l’ancien responsable du merchandising chez P&G au Maroc ayant fait partie de l’équipe qui avait lancé la marque « Ace » chez Procter & Gamble. Six mois plus tard, il restructure les activités industrielles de son groupe sur un seul site à Mohammedia, en lançant une nouvelle usine de 50 millions de DH.

La même année, il ouvre une nouvelle page pour Dislog Group en levant 280 millions de DH auprès de Méditerrania Capital Partners (MCP), qui vient remplacer le fonds de capital-investissement SPE Capital (SPE AIF I), ce qui va permettre au groupe de renforcer ses fonds propres et d’acquérir des marques dans le secteur FMCG au Maroc et à l’international.

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Expansion dans le secteur de la santé

En février 2022, Moncef s’attaque au secteur de la santé en acquérant le laboratoire Kosmopharm, marquant le début de la création de Dislog Health Care. Cette nouvelle entité, actuellement à 18e place des opérateurs pharmaceutiques au Maroc, qui regroupe les secteurs pharmaceutique et cosmétique, se fixe des ambitions élevées, visant à se hisser parmi les 10 premiers laboratoires pharmaceutiques du Maroc d’ici 2030. Pour soutenir cette ambition, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a accordé un prêt de 34,5 millions d’euros pour soutenir les activités pharmaceutiques du pôle santé de Dislog.

L’année 2022 marque également une avancée importante à l’international, avec l’acquisition de Carré Suisse, une société française spécialisée dans le chocolat haut de gamme, biologique et équitable, par ailleurs référencée auprès des grandes enseignes de distribution (Carrefour, Franprix, Monoprix), d’hôtels, de restaurants, de boutiques en duty free et de compagnies aériennes. Moncef étend ensuite son empreinte en France en acquérant Cultures de France, une entreprise spécialisée dans la transformation et la préparation de produits à base de légumes et de fruits. Au Maroc, c’est la marque Argapur, spécialisée dans les cosmétiques naturels, qui rejoint le portefeuille de Dislog.

En 2023, Dislog Health Care prend de l’ampleur avec l’acquisition de la société Africare, spécialisée dans la fabrication et la distribution de dispositifs médicaux au Maroc et fondée en 2015 par Nacer Tazi. Dans le domaine de la distribution, Moncef élargit son réseau en prenant le contrôle de deux sociétés, la marocaine GB Distribution et  la française Taste Distribution, renforçant ainsi la position de Dislog dans le secteur.

Structuration du groupe H&S Invest Holding

Actuellement, H&S Invest Holding est un groupe diversifié structuré autour de quatre pôles d’activités. Le premier, Dislog, accélère les marques en distribuant ses propres produits ainsi que ceux de ses partenaires dans les secteurs de l’hygiène, de l’alimentation et de la santé. Le deuxième, Building Logistic Services (BLS), est un opérateur logistique intégré couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur. Le troisième, WB Group, est actif dans la communication et les médias, notamment dans l’achat d’espaces publicitaires et le digital, en partenariat avec le groupe Saham. Il publie six titres (papier et digital). Enfin, Kaya Immobilier se spécialise dans l’immobilier. Ces quatre pôles renforcent la position d’H&S Invest Holding sur le marché national et international.

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Retraite politique et concentration sur les affaires

Depuis qu’il a quitté la politique, Moncef s’est entièrement consacré à l’expansion de son groupe. Son entrée dans la sphère politique avait eu lieu en juillet 2009, lorsqu’il fut nommé ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement d’Abbas El Fassi. Un poste qu’il occupa jusqu’à la fin de l’année 2011, avant de prendre la décision de se retirer définitivement du monde politique pour se concentrer sur ses affaires. En décembre 2019, il annonça officiellement son retrait de la scène politique, optant pour une vie dédiée à son entreprise et à ses projets, un choix qui allait se révéler particulièrement fructueux.

Aujourd’hui, son groupe, H&S Invest Holding, génère un chiffre d’affaires impressionnant de 4 milliards de DH et emploie plus de 3 600 personnes. En tant que fondateur, Moncef Belkhayat contrôle entièrement la holding, qui reste avant tout une affaire familiale.

La famille (lui-même, épouse, mère, frères er sœurs) et le management détiennent l’intégralité du capital du groupe, le holding opérationnel exerçant le contrôle, avec respectivement 90 % et 10 %. La petite famille de Moncef détient 67 % des actions de ce holding, via la société mère Hasofa, qui est inscrite au nom de ses enfants : Hadi, Sofia et Farah.

Il a réussi à transformer le holding familial en un acteur majeur de l’économie, et il n’a pas l’intention de s’arrêter là. Le groupe prévoit d’introduire en bourse son pôle industriel en 2026, tout en accélérant son développement international. Ses ambitions sont ambitieuses, puisque le groupe s’implante déjà sur plusieurs continents et dans des secteurs divers. Il possède une participation de 20 % dans Link Edge, un distributeur de Procter & Gamble basé à Singapour. Son empreinte est également présente en Tunisie, avec des investissements dans WP Africa, Chari et Dislog Industrie.

Expansion en France et vision internationale

Mais Moncef ne se contente pas de ce succès : il veut aller plus loin. La France, où il a déjà acquis deux entreprises, devient un relais stratégique dans son mouvement d’internationalisation. Son objectif est clair : répliquer au niveau mondial la success story qu’il a construite au Maroc, en Europe, en Afrique et en Asie. Belkhayat aspire à faire de H&S Invest une multinationale, un groupe qui se développe partout dans le monde, et à marcher ainsi sur les traces de géants américains comme Procter & Gamble dans le domaine des produits de grande consommation.

Le rôle du réseau dans la réussite

Fort de ses 14 années passées dans de grands groupes, il a su forger des liens précieux, non seulement avec des personnalités influentes, mais aussi avec des collaborateurs qui, comme lui, ont poursuivi leur parcours à l’échelle mondiale.

Chez Procter & Gamble, où il a passé 8 ans, avant de rejoindre Méditelecom, il a appris l’importance de construire des relations durables. « C’est ce réseau, tissé au fil des ans, qui m’a permis d’avancer et de croiser des personnes qui, aujourd’hui, jouent un rôle important dans mon parcours d’entrepreneur », explique-t-il.

Les valeurs essentielles pour la réussite

Pour Moncef Belkhayat, le secret de la réussite réside dans une combinaison de facteurs : une part de chance, la bénédiction divine, mais surtout la capacité à créer et entretenir des relations solides. Il est convaincu que l’entrepreneuriat n’est pas un chemin pour tout le monde, surtout pas pour les jeunes qui se lancent uniquement par mode. « Beaucoup de jeunes de 20 ans rêvent d’entrepreneuriat, mais ce modèle ne m’a jamais parlé. Ce que je conseille, c’est de passer 10 à 15 ans dans des structures solides, où l’on apprend, où l’on forge son expérience et où l’on bâtit la qualité de son travail. »

Pour lui, la réussite en affaires ne peut être durable que si elle repose sur des valeurs et des principes clairs. L’un des éléments essentiels à cette réussite est la capacité à construire une image de confiance et à entretenir des relations avec des acteurs-clés, tels que les banques, les fonds d’investissement ou les associés. « Dans tout projet, à un moment donné, vous aurez toujours besoin de financement. Mais ce financement, vous ne l’obtiendrez que si les gens ont confiance en vous », précise-t-il avec pragmatisme.

 
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