Importation de viandes rouges. Un coup d’épée dans l’eau
Depuis plusieurs mois, le prix de la viande rouge a fortement augmenté. Le kilogramme de viande bovine, habituellement entre 80 et 85 DH, avoisine désormais les 130 DH. En réponse, le gouvernement a autorisé l’importation de 20 000 tonnes de viande fraîche et congelée, exonérées de droits de douane et de TVA, en provenance d’Europe et d’Amérique latine. Toutefois, les premières livraisons en provenance d’Espagne et du Portugal ont révélé des pratiques anticoncurrentielles.
Au Maroc, le prix du kilogramme de viande rouge bovine, qui variait traditionnellement entre 80 et 85 DH, a atteint ces derniers mois une moyenne de 120 à 130 DH. Pour maîtriser cette augmentation des prix, 20 000 tonnes de viande fraîche et congelée devraient être importées d’ici la fin de l’année afin de contenir cette flambée tarifaire. En outre, le gouvernement a décidé d’importer 200 000 bovins destinés à l’abattage, en provenance de l’Union européenne, du Nord et d’Amérique latine, selon l’Office national de sécurité sanitaire et alimentaire (ONSSA). Ces importations bénéficieront d’une exonération des droits de douane et de la TVA dans les limites des quotas préétablis.
Des justifications politiques qui peinent à convaincre
Cependant, les justifications avancées par les responsables politiques pour expliquer cette hausse des prix ne parviennent plus à convaincre ni à rassurer les consommateurs. «Ceux-ci, qui déboursent de l’argent pour acheter un produit ou un service, hésitent désormais avant de payer. En effet, bien que les prix des matières premières à l’international aient chuté depuis le pic inflationniste (2022-2023), cette baisse n’a pas été répercutée au Maroc», regrette Dr Kherrati Bouazza, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur.
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Conformément aux règles de l’ONSSA, seuls certains acteurs sont autorisés à importer de la viande fraîche, congelée et réfrigérée, notamment les importateurs agréés, les unités de découpe, les chevillards avec un ICE opérant dans un abattoir agréé, et les personnes morales disposant d’un entrepôt agréé. Ces conditions restreignent considérablement le nombre d’opérateurs autorisés. Malgré ces importations, les prix n’ont pas baissé.
L’impact limité des importations sur les prix
Selon une source proche des commerçants de viande en gros à Casablanca, les viandes congelées sont principalement destinées aux grandes surfaces, tandis que la viande fraîche est destinée aux consommateurs particuliers. Cependant, l’impact sur les prix reste limité, en raison du faible volume des importations à ce jour. De plus, certains consommateurs expriment des préoccupations quant aux normes d’abattage des animaux provenant de l’étranger, une inquiétude qui a poussé l’ONSSA à rassurer en publiant un communiqué précisant que toutes les viandes importées font l’objet d’un contrôle sanitaire rigoureux.
Face à cette situation, le gouvernement a décidé d’augmenter le quota d’importation des bovins domestiques exemptés de droits de douane et de TVA, portant ce quota à 200 000 têtes. Selon Dr Kherrati Bouazza, «ces mesures reflètent l’échec de l’expérience de la subvention des moutons importés pour l’Eid el Adha et soulèvent la question d’une évaluation des importations autorisées depuis la fin de la pandémie de Covid-19.» Il souligne également que la viande rouge, essentielle à l’alimentation humaine, est un indicateur de la souveraineté alimentaire du pays, et que les efforts pour garantir son approvisionnement par l’importation doivent être temporaires. «La restructuration du secteur de l’élevage est devenue une priorité pour le gouvernement, car le prix de la viande rouge reste le principal facteur influençant l’augmentation des prix», précise-t-il.
D’après le président de la Fédération marocaine des droits du consommateur, qui se base sur les volumes d’importations et la consommation nationale, «l’ouverture des frontières et l’exonération des taxes n’auront pas un impact significatif sur la baisse des prix des viandes rouges. Des mesures d’accompagnement doivent être mises en place simultanément avec l’arrivée de ces produits sur le marché.»
La consommation annuelle moyenne de viande rouge par ménage au Maroc est estimée à 55,8 kg, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), et atteint son pic durant la fête du sacrifice, où la moyenne par foyer est de 22,8 kg. Individuellement, la consommation moyenne annuelle est de 17 kg, supérieure à celle de la Tunisie (9,5 kg) mais légèrement inférieure à celle de l’Algérie (18,06 kg). Au niveau mondial, la consommation moyenne est de 42,9 kg par habitant.
Il est à noter que le gouvernement reconnaît l’inefficacité des mesures de soutien mises en place depuis l’année dernière pour faire baisser les prix de la viande rouge. Le ministre du Budget, Fouzi Lekjaâ, l’a récemment admis lors de son passage au Parlement.
Témoignage// Dr Kherrati Bouazza,Président de la Fédération marocaine des droits du consommateur
Les importations vont couvrir uniquement 11% des besoins en viandes rouges
Les importations de viandes rouges, qui ne couvriront que 11 % des besoins, auront un impact limité, voire imperceptible, sur la baisse des prix pour les consommateurs. Il est donc essentiel d’adopter des mesures d’accompagnement dès la mise sur le marché de ces viandes pour en maximiser l’efficacité. Pour cela, il est nécessaire de renforcer le contrôle des prix en garantissant une meilleure surveillance et un affichage transparent, permettant aux consommateurs d’accéder à des informations fiables et d’éviter toute spéculation. En parallèle, il faudra intensifier le contrôle sanitaire tout au long de la chaîne de valeur, depuis l’importation jusqu’à la vente, afin d’assurer la sécurité des produits et de protéger la santé publique. Un suivi régulier de l’évolution des prix doit aussi être mis en place pour prévenir toute hausse injustifiée et permettre une intervention rapide si nécessaire.
Afin d’éviter les intermédiaires qui risquent de faire grimper les prix, des circuits directs doivent être créés pour les animaux importés, allant des fermes lazarets aux abattoirs, avec une interdiction de leur passage par les souks. De plus, il serait pertinent d’étudier la possibilité de plafonner les prix des viandes importées subventionnées, à l’instar d’autres produits comme le sucre, la farine de blé tendre et le gaz butane. Tout produit subventionné devrait ainsi être encadré par le gouvernement pour éviter les abus et garantir une stabilité des prix pour les consommateurs. Ces mesures devraient permettre de mieux réguler le marché et de limiter l’impact de l’importation sur les prix des viandes.