transition énergétique

Industrie propre : qui finance ?

Depuis quelques années, le Maroc a fait du sujet de la décarbonation une priorité. Par le biais de ses institutions, il a décidé d’accompagner les industriels dans cette transition.

Sur le terrain, le constat est que cette transition est financée par des lignes de crédit de banques étrangères. À quelques jours de la deuxième édition du forum de l’industrie initié par la CGEM et le ministère de tutelle, la question reste ouverte.

Selon les données du cabinet d’études BloombergNEF, « en 2022, les investisseurs ont consacré plus de 500 milliards de dollars à la “transition énergétique” (décarbonation de tous les secteurs, de l’énergie aux transports en passant par l’industrie et l’agriculture), soit deux fois plus qu’en 2010 ». À la lumière de ces chiffres, on comprend qu’aujourd’hui la question climatique, et plus précisément celle de la transition écologique, demeure un enjeu de gouvernance dans le monde. En Afrique, ces questions sont également prises au sérieux. Et il faut bien admettre que le Maroc est l’un des pays les plus avancés sur ces sujets sur le continent. Fidèle aux accords de Paris sur le climat, le royaume est, depuis quelques années, très présent sur le terrain de la transition énergétique et des questions liées au climat. Rappelons qu’en 2016, il a accueilli sur son territoire la grande messe du climat (COP 22). Ses engagements ont donné lieu à une véritable feuille de route ambitieuse dans le domaine de l’énergie, adossée à une réelle volonté politique. Demeurant fidèle à sa dynamique énergétique, le Maroc a pris à bras-le-corps le sujet de la décarbonation.

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Dans la sphère des entreprises, pour migrer vers la réduction de l’empreinte carbone, la démocratisation de l’efficacité énergétique et vers une croissance durable et verte, les industriels marocains font face à de nombreux défis, qu’ils soient d’ordre réglementaire, technologique ou financier. Afin d’apporter une réponse aux contraintes financières, un programme d’appui à la décarbonation a été lancé par le ministère de l’Industrie, en collaboration avec Maroc PME et l’AMEE (Agence marocaine pour l’efficacité énergétique), en faveur notamment des TPE et PME industrielles. L’enjeu de ce programme est de soutenir l’investissement, l’innovation, la créativité ainsi que le conseil et l’expertise pour la transformation verte des TPME industrielles.

Contacté par Challenge, le service de communication de Maroc PME nous a fait savoir que ce dispositif comprend quatre types d’offres allant de l’accompagnement à la réalisation, dont une prime d’investissement de 30 % pour l’appui au financement des équipements industriels, une aide remboursable de 5 % du projet d’investissement pour contribuer au financement des besoins en fonds de roulement des projets d’amorçage dans de nouvelles filières industrielles vertes, une prise en charge allant jusqu’à 50 % des dépenses engagées en matière d’innovation et de développement des produits, notamment les frais d’études techniques, de développement des maquettes et de prototypes, de tests et analyses de laboratoires, de brevets et marques… et une prise en charge allant jusqu’à 80 % pour les PME et 90 % pour les TPE au titre des actions de conseil et d’expertise technique, portant notamment sur les audits et diagnostics énergétiques et environnementaux, la mise en conformité aux normes et labels, les systèmes de suivi en temps réel de la productivité énergétique (Internet of Things – IoT), et l’analyse de l’impact environnemental d’un produit.

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Batipsé Tatwir Croissance Verte, ce programme mobilisant un investissement global d’un milliard de dirhams, vise les projets de transition énergétique portant notamment sur l’optimisation des pratiques et des performances énergétiques des équipements (efficacité énergétique) et l’utilisation d’énergies renouvelables, ainsi que les projets d’amorçage de filières industrielles vertes saisissant les nouvelles opportunités de marché (production d’équipements de recyclage industriel, production de chauffe-eau solaires et photovoltaïques, produits d’isolation thermique, etc.).

« Aujourd’hui, l’enjeu est de positionner le Maroc comme une base industrielle décarbonisée », nous confie une de nos sources. Et d’ajouter : « La décarbonation est une nécessité ; tous les secteurs, à l’international, se tournent vers le green ». Par ailleurs, au-delà des acteurs publics, certains acteurs bancaires comprennent également les enjeux de la décarbonation, bien que ces derniers s’appuient encore sur des lignes de crédit de la BERD pour financer les projets verts.

La BERD : le bras armé des banques ?

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a multiplié, ces dernières années, les investissements dans les énergies vertes au Maroc. Selon la banque, le montant des financements verts au Maroc atteindra 360 millions d’euros d’ici fin 2025 (Morseff 2015-2019, Green Value Chain lancé en 2019 et GEFF II lancé en 2020). Globalement, il faut noter que le modèle de financement vert de la BERD fournit des lignes de crédit aux institutions financières partenaires locales. Ces lignes de financement sont accessibles via des banques partenaires comme Bank of Africa, Banque Centrale Populaire, Crédit du Maroc, Société Générale, ainsi que leurs filiales de leasing. Ces banques prêtent aux PME, grandes entreprises et particuliers pour financer des projets d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables. Cependant, il faut admettre que les banques marocaines restent encore peu actives dans le financement direct de la transition énergétique, étant principalement impliquées via des lignes de crédit des banques étrangères.

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Salah Eddine Bennani, consultant en stratégie, management et durabilité chez Mazars Forvis, nous confie : « Les entreprises au Maroc sont globalement en retard sur la décarbonation. Malgré des plans d’efficacité énergétique existants, très peu d’entreprises, y compris industrielles, s’inscrivent dans l’objectif de Net Zero. De plus, les risques climatiques sont peu appréhendés, et les plans d’adaptation sont quasi inexistants. L’industrie et le bâtiment ne captent que 5 % des financements climatiques au Maroc, alors qu’au niveau mondial leur part se situe autour de 20 %. » Il ajoute que « le secteur bancaire n’a pas encore suffisamment développé la surveillance des risques climatiques de ses clients, ce qui complique les options de de-risking et de partage des risques. »

Mihoub Mezouaghi, ex-directeur de l’Agence française de développement (AFD) au Maroc, souligne que le marché est encore embryonnaire, avec un écosystème limité. Othman Ouannane, expert financier chez KFW, précise que « les bailleurs de fonds comme la BERD, l’AFD, la BEI et la KFW apportent des ressources peu coûteuses aux banques commerciales marocaines pour que les taux de sortie au client soient bonifiés. »

2ᵉ édition de la Journée Nationale de l’Industrie

Le ministère de l’Industrie et du Commerce et la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) co-organisent la deuxième édition de la Journée Nationale de l’Industrie, le 16 octobre 2024 à Benguerir, sous le thème « Inaugurer une nouvelle ère industrielle portée vers et par la souveraineté, une vision royale au service du citoyen et des territoires ». Cette journée réunira ministères, institutionnels, fédérations professionnelles et opérateurs privés pour discuter des enjeux du développement industriel au Maroc.

 
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