Intissar Haddiya, hymne à l’espoir
Médecin, humaniste et romancière, Madame Intissar Haddiya illustre l’engagement d’une femme marocaine instruite et moderne qui s’évertue à apporter sa pierre à l’édifice pour construire une société vertueuse. Professeure en néphrologie, elle humanise les patients qu’elle a traités en les décrivant au-delà de leurs pathologies. Brossant à travers ses écrits une lueur d’espoir, par la résilience afin de faire face aux péripéties de l’existence.
Par Yassine Chraibi
La professeur Intissar Haddiya est médecin néphrologue à l’Université Mohammed Premier d’Oujda au Maroc. Humaniste dans l’âme, elle allie ses deux passions que sont l’écriture et la médecine, pour créer des œuvres romanesques traitant de la condition humaine, où les protagonistes de ses récits vivent des expériences houleuses.
Femme engagée au-delà de ses écrits, elle agit activement dans la promotion du don d’organes. Elle est également Présidente de l’association de soutien aux insuffisants rénaux d’Oujda.
La condition humaine
« La haine doit être vaincue par l’amour et la générosité » Baruch Spinoza
De par ses écrits, elle décortique les aspérités de la condition humaine, ainsi dans son roman publié en 2016, intitulé « Dieu nous prête vie », elle explore les affres de la dialyse et de la greffe d’organe, dans une épopée lyrique d’un groupe d’individus partageant la même séance de dialyse. In fine, l’humain n’est pas véritablement propriétaire de sa vie mais en est plutôt un simple usager. Partageant son vécu de soignant, elle nous plonge dans des lieux singuliers où convergent des destins très différents et où se tissent des liens, parfois très forts, entre les patients et aussi avec les soignants. A travers, ce kaléidoscope de caractéristiques psychosociologiques très variées. Chacune d’elles peut être observée chez des personnes différentes dans la vie réelle.
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Quant à son recueil, publié en 2017 « Au fil des songes », l’auteur nous livre un voyage onirique aux confins de l’existence humaine sur le sens de la vie et le droit à la différence. Œuvre symbolisant une ode à l’espérance.
Démystifiant les maladies, et explorant les méandres de la conscience humaine, elle explore la société à travers un prisme empreint de réalisme. La dualité du genre humain dans une société prosaïque, où la machiavélisme prime sur la vertu, nous plonge dans une succession de drames inattendus. Cette dichotomie de la pensée humaine révèle des vérités enfouies qu’il valait mieux ne pas déterrer.
Liberté et Compassion
« Le principe de l’action morale est le libre choix » Aristote
« Nous sommes une liberté qui choisit, mais nous ne choisissons pas d’être libres : nous sommes condamnés à la liberté » Jean-Paul Sartre
« La vraie liberté, c’est pouvoir toute chose sur soi » Michel de Montaigne
Cette liberté de penser qu’elle défend ardemment se transcrit dans ses écrits. Cette compassion qu’elle porte pour ses patients se relate dans ses romans, où elle crée des personnages fictifs. Autrement dit, la compassion c’est la sympathie dans la douleur et la tristesse, c’est la participation à la souffrance d’autrui. La compassion est ainsi cette vertu singulière qui nous ouvre non seulement à toute l’humanité, mais encore à l’ensemble des vivants ou des souffrants. Une sagesse fondée sur elle, ou nourrie d’elle, serait la plus universelle des sagesses. Compatir, c’est communier avec la souffrance. La compassion est un sentiment : en tant que tel, elle se ressent ou non, et ne se commande pas.
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Pour son dernier roman « Un si long chemin » publié en 2024, l’auteur lance un appel à la résilience et à la lutte contre l’injustice tout en offrant une profonde réflexion sur la condition féminine et la complexité des relations humaines. Ainsi, la résilience et la force intérieure représentent les fondements face aux péripéties de l’existence. Ce livre a pour visée d’éveiller l’espoir dans les situations les plus désespérées. A l’origine, la résilience s’applique à la physique : c’est la résistance d’un matériau aux chocs. Au sens figuré, elle est devenue la force morale de quelqu’un qui ne se décourage pas et parvient à rebondir, à se développer malgré l’adversité. Ainsi, les ingrédients d’une résilience sont l’intellectualisation, la créativité, l’humour, personne n’y échappe. C’est les mécanismes de défense que tout le monde connait. La résilience constitue un processus naturel où ce que nous sommes à un moment donné doit obligatoirement se tricoter avec ses milieux écologiques, affectifs et verbaux. Qu’un seul milieu défaille et tout s’effondrera. Qu’un seul point d’appui soit offert et la construction reprendra.
Justice et Connaissance
Dans son roman « L’inconnu » publié en 2019, l’auteur explore la trajectoire de plusieurs femmes au Maroc. Leurs vies jalonnées par les aléas d’une équation à plusieurs inconnues. Ces femmes justes mettent leurs forces au service du droit, et des droits, et ce, malgré les inégalités sociales qui les oppresse. Le monde résiste. Il faut donc leur résister, et résister d’abord à l’injustice que chacun porte en soi, qui est soi. C’est pourquoi le combat pour la justice n’aura pas de fin. Heureuses les affamées de justice, qui ne seront jamais rassasiées.
Quant à son roman « Trahison Pieuse » publié en 2021, ce choix de titre n’est pas anodin car il reflète un oxymore troublant, un « Clair-obscur » de la condition féminine marocaine dans un monde dominé par les hommes. L’auteur nous dépeint la solitude à l’universalité, la subjectivité à l’objectivité, la spontanéité à la discipline, tel peut être le miracle de l’art, qui le distingue des techniques comme des sciences. « La vraie vie, écrivait Proust, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la littérature. » Cela ne veut pas dire que les livres vaillent mieux que la vie, ni que les écrivains vivent davantage que les autres. Cela veut dire, plutôt, et à l’inverse, que la littérature, comme tout art, nous aide à percevoir cette vie vraie, qui se trouve « à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l’artiste ».
Ainsi, Madame Intissar Haddiya, nous dépeint à travers sa plume des fresques humaines. Cet art de la narration nous plonge dans la condition ontologique de l’être. « L’art fait jaillir la vérité, écrit Heidegger. D’un seul bond qui prend les devants l’art fait surgir, dans l’œuvre en tant que sauvegarde instauratrice, la vérité de l’étant. » Avant d’ajouter « l’essence de l’art, c’est le poème » et parce que « l’essence du poème, c’est l’instauration de la vérité ».