Marocains du Monde

Investissements/MRE : plusieurs opportunités « au bled » demeurent inexploitées

Les investissements constituent l’une des utilisations des transferts des MRE au Maroc. Malheureusement, ce n’est pas la plus importante. Toutefois, certaines tendances se dessinent au fil des années. Et certains secteurs ont plus la cote que d’autres. Explications. 

Les indicateurs des investissements des Marocains du monde dans leur pays d’origine restent très faibles comparés aux opportunités qui se présentent à eux. Anouar El Basrhiri, directeur général de TMS consulting explique à cet effet que « les Marocains résidant à l’étranger représentent une importante diaspora et jouent un rôle essentiel dans l’économie du Maroc. Leur contribution économique est souvent liée à des envois de fonds vers leur pays d’origine, mais de nombreux MRE choisissent également d’investir dans divers secteurs au Maroc ». En effet, dans sa grande enquête sur la migration internationale parue en 2020, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a fait savoir que seuls 2,9% des Marocains ayant migré ont déclaré avoir réalisé des projets d’investissement au Maroc.

Il ressort de la même enquête que le secteur de l’immobilier se taille la part du lion avec 40,7%, suivi de l’agriculture (19%), de la construction (16,6%), du commerce (5,5%), de la restauration et cafés (4,5%) et des autres services (6,0%). « Des enquêtes précédentes avaient montré la préférence des migrants marocains à l’étranger pour l’investissement dans l’immobilier », précise le rapport. Une réalité toujours d’actualité selon les chiffres présentés cette année, avec une part de 70% pour l’immobilier. Anouar El Basrhiri précise, à cet effet, que « l’investissement immobilier est l’un des secteurs les plus populaires auprès des MRE. Ils achètent des propriétés pour leur usage personnel (résidence secondaire ou retraite) ou pour la location, ce qui stimule le marché immobilier au Maroc».

Ces secteurs intéressent plus les jeunes que les plus âgés

Il faudrait remarquer que l’immobilier au sens large (comprenant la construction et l’acquisition de terrains non agricoles) atteint 60,4% et, fait notable, est beaucoup plus élevé parmi les femmes que les hommes (82,1% contre 55,2%). Dans les autres secteurs, ce sont plutôt les hommes qui investissent le plus. Il en est ainsi de l’agriculture (21,5% contre 8,4% pour les femmes), le commerce (6,1% et 2,8%), cafés restaurants (4,9% et 2,7%), l’industrie (4,2% et 1,3%) et les services (6,8% et 2,8%). De plus, les secteurs de l’immobilier et de la restauration et cafés sont plus le fait des migrants plus âgés que des jeunes. En revanche, les secteurs de la construction, des services, du commerce et de l’industrie sont plus investis par les jeunes que par les plus âgés. Abondant dans le même sens, Anouar El Basrhiri souligne que « les MRE investissent également dans le secteur du tourisme en créant ou en soutenant des hôtels, des restaurants, des agences de voyage, des activités de loisirs et en participant à des projets de développement touristique dans toutes les villes marocaines ». « Certains MRE investissent aussi dans le secteur industriel en créant des entreprises ou en participant à des projets industriels dans des domaines tels que l’agroalimentaire, la production de textiles, de matériaux de construction, etc», explique ce dernier. « Les startups, les projets technologiques ou les entreprises innovantes dans des domaines tels que les TIC, la fintech, l’e-commerce… sont parmi les secteurs choisis par certains MRE ».

Cette catégorie d’MRE sont les champions de l’investissement dans l’immobilier

Il faut noter que les choix d’investissement des MRE peuvent varier en fonction « de leurs intérêts, de leur expérience professionnelle, de leur capital d’investissement, et des opportunités économiques présentes dans les villes choisies », précise-t-il. Sur un autre volet, les investissements des MRE semblent avoir une spécialisation sectorielle selon les pays d’immigration. Ainsi, les MRE des anciens pays européens d’immigration sont les champions de l’investissement dans le secteur de l’immobilier, 52% contre une moyenne de 40,7%. Ceux des Nouveaux pays européens sont les leaders dans l’investissement dans l’agriculture, 27,1% contre une moyenne de 19%. Ceux d’Amérique du Nord prédominent dans les secteurs de la construction et des services, 35,7% et 20,5% contre des moyennes de 16,6% et 6%. Enfin, ceux des pays arabes ont, en plus de l’immobilier (47,3%), une grande préférence pour le secteur de la restauration et cafés, 9,6% contre une moyenne de 4,5%. Interrogés sur les raisons pour lesquelles ils n’ont pas souhaité investir au Maroc, les migrants invoquent surtout l’insuffisance de capital (38,9%), les procédures administratives compliquées (14,0%) et le faible appui financier ou manque d’incitations fiscales (8,6%), d’après l’enquête.

L’industrie, l’éducation, l’hôtellerie, la santé : des opportunités d’investissements à fort potentiel 

De nombreuses opportunités d’investissement s’offrent aux MRE dans leur pays. Toutefois, l’État priorise quatre secteurs clés selon les explications d’El Basrhiri. En premier lieu, le secteur industriel et les services liés à l’industrie. En effet, ce secteur présente au Maroc un potentiel significatif pour la croissance économique et le développement du pays. Le gouvernement marocain a accordé une grande importance à l’industrialisation en mettant en place des politiques et des incitations visant à attirer les investissements nationaux et étrangers (dont les MRE) dans ce domaine.

En second lieu arrive le secteur de l’éducation. Ce secteur présente plusieurs avantages pour le développement socio-économique du pays. Une éducation de qualité est essentielle pour former une main-d’œuvre qualifiée, encourager l’innovation et soutenir la croissance économique à long terme. En investissant dans l’éducation, le Maroc peut renforcer son capital humain, stimuler l’innovation et favoriser le développement économique durable du pays. Cependant, il est essentiel de continuer à investir dans la qualité de l’enseignement, l’accès à l’éducation pour tous, et la formation professionnelle pour répondre aux besoins du marché du travail et des futurs défis de la société.

Troisièmement, le secteur hôtelier dans le sens où le Maroc bénéficie d’une évolution importante depuis de nombreuses années, attirant des visiteurs nationaux et internationaux en quête de découvertes culturelles, de loisirs et de détente. Cela crée une demande accrue pour des hébergements de qualité, offrant ainsi des opportunités d’investissement dans l’industrie hôtelière. Et enfin, le secteur de la santé. Ce dernier est en croissance constante en raison de la demande accrue de services médicaux et de soins de santé de qualité. La croissance démographique, le vieillissement de la population et les changements de mode de vie contribuent à cette augmentation de la demande et créent des opportunités d’investissement pour les MRE dans ce secteur.

Investissements : une implication effective de la tutelle 

La part des transferts des MRE destinée à l’investissement ne dépasse pas 10% (principalement dans le foncier et l’immobilier), dont seulement 2% sont orientés vers l’investissement productif. 

Afin de promouvoir l’entrepreneuriat des MRE et encourager l’investissement de cette population dans le Royaume, le ministère délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration avec les acteurs économiques (banques, organismes, associations professionnelles…) se sont fixé comme priorité d’encourager cette dynamique entrepreneuriale des MRE à travers plusieurs programmes, notamment la mise en place d’une cellule d’information et d’orientation, d’outils dédiés consultables en ligne ainsi que des programmes d’aide à la création d’entreprises. Des agences et des organismes régionaux dédiés ont été créés pour fournir un soutien et des conseils aux MRE en matière d’investissement et d’entrepreneuriat. Le gouvernement a mis en place des mesures visant à simplifier les procédures administratives pour les MRE qui souhaitent investir au Maroc, facilitant ainsi la création d’entreprises. Les MRE peuvent également bénéficier de tous les programmes de financement et d’accompagnement au Maroc (Intelaka, Istitmar, Innov Idea, Mowakaba, Tatwir…) ainsi que des programmes spécifiques aux MRE (Programme MDM Invest qui vise à promouvoir l’investissement des MRE avec une subvention de l’État qui peut atteindre 10% de la quote-part des MRE. Dans le projet le MRE apporte 25% du coût global et le reliquat peut être financé par un crédit bancaire).

Anouar El Basrhiri, directeur général de TMS consulting

« Il faut réduire encore plus la complexité des procédures administratives »

Certes, le gouvernement a mis en place plusieurs incitations pour encourager et promouvoir l’entrepreneuriat des MRE, mais ce qui nous manque est la bonne gouvernance dans ces programmes d’accompagnement et de financement. 
Il faut réduire encore davantage la complexité des procédures administratives et des démarches pour les investisseurs MRE. Cela peut être réalisé à travers la mise en place des guichets uniques pour les formalités administratives liées à l’investissement, la simplification des processus de création d’entreprises et la réduction des délais pour l’obtention des autorisations nécessaires. Offrir un environnement juridique transparent, stable et prévisible est primordial pour rassurer ces MRE. Le gouvernement marocain peut mettre en œuvre des campagnes de promotion et de sensibilisation spécifiques pour informer les MRE des opportunités d’investissement au Maroc et des incitations disponibles. Des événements, des foires commerciales, et des rencontres d’affaires ciblant les MRE peuvent être organisés pour favoriser les échanges et les partenariats. Encourager les partenariats entre les MRE et les entreprises marocaines. Offrir un suivi régulier et un soutien aux investisseurs MRE peut les aider à surmonter les obstacles éventuels et à réussir dans leurs projets d’investissements.

 
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