Justice

Justice : Une réforme à deux vitesses

Le secteur de la justice connait ces dernières années de nombreuses réformes. Certaines d’entre elles avancent assez rapidement et efficacement, tandis que d’autres sont toujours à la traine. Une réforme, deux cadences différentes selon le chantier à mettre en place. Détails.

Depuis 2011, le Maroc a mis en avant la question de la réforme de la justice et n’a cessé, depuis, de mettre en place les fondements pour une justice indépendante. Dans ce sens, nous avons assisté en premier lieu à l’indépendance du pouvoir judiciaire, à la mise en place d’une organisation et un nouveau statut des magistrats puis, dernièrement, à la mise en place du Code de procédure civile. 

Said Naoui, avocat au barreau de Casablanca, explique à cet effet qu’«au cours des dernières années, le Maroc a effectivement entrepris une réforme profonde de son système judiciaire dans le but de renforcer l’indépendance et l’efficacité du pouvoir judiciaire. Ces réformes ont été initiées dans le cadre de la vision globale du Maroc visant à moderniser ses institutions et à promouvoir l’État de droit».

Pour cet expert, «Parmi les chantiers majeurs entrepris figuraient la révision des lois relatives à l’organisation judiciaire, la création de nouvelles juridictions spécialisées, l’amélioration de la formation des magistrats et du personnel judiciaire, ainsi que le renforcement des mécanismes de contrôle et de responsabilité».

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Il convient de rappeler que depuis l’adoption de la Constitution de 2011, le vaste chantier de la réforme de la justice a été enclenché. Le premier grand pas étant son indépendance en tant que pouvoir à part entière, s’en sont suivies plusieurs autres mesures qui n’ont malheureusement pas pu aboutir. Les choses viennent d’être mises au goût du jour à nouveau. Dans ce sens, le département de la Justice a annoncé, courant cette année, la mise en place de la nouvelle loi relative à la procédure civile. En effet, le projet de loi n°02.23 vise à moderniser la procédure civile, à renforcer le rôle de la Justice, améliorer le fonctionnement de l’appareil judiciaire ainsi que des services rendus. 

Un impact significatif

En somme, le nouveau texte permettra de faciliter l’accès à la Justice, réduire les délais et rationaliser les voies de recours. Said Naoui précise, dans ce sens, que «l’impact de ces réformes sur le secteur de la justice au Maroc est significatif. Elles visent à garantir l’indépendance des magistrats, renforcer l’impartialité des tribunaux et accélérer les procédures judiciaires. Cela contribue à instaurer la confiance des citoyens dans le système judiciaire et à promouvoir l’État de droit dans le pays ».

Pour l’expert, «les réformes ont également amélioré l’efficacité de la justice en introduisant des mécanismes de médiation et de règlement alternatif des litiges, ce qui permet de désengorger les tribunaux et d’accélérer le règlement des affaires».

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Abondant dans le même sens, Reda Oulamine, avocat au Barreau de New York, Paris et Casablanca, précise que «l’accélération de la mise en œuvre de ces mesures, améliorera la vie du justiciable mais aussi l’image de la justice». Et en faisant référence à l’accélération, il faut savoir que du côté de la réforme du code pénal, les choses se précisent davantage. Des mesures sont justement mises en place afin de s’adapter aux évolutions sociales. D’ailleurs, des avancées notables ont été enregistrées pour tout ce qui est arbitrage, médiation et conciliation. 

De même pour le traitement des dossiers, dans le sens où le Maroc a amélioré de manière très significative le délai de traitement des différentes requêtes judiciaires, que ce soit en Première instance ou en Appel. Toutefois, en Cassation, il est encore nécessaire d’attendre entre 1 an à 3 ans avant d’obtenir un jugement final. Mais, si les grands changements s’accélèrent au niveau de certains chantiers, le code de la famille reste quant à lui en attente de mesures concrètes pour répondre aux besoins de la population et des requêtes des associations. 

Le code de la famille stagne

Aujourd’hui, près de 19 ans après son adoption, il est plus que nécessaire de réviser certaines dispositions du code de la famille afin de lutter contre les discriminations envers les femmes et les familles marocaines. Il est à rappeler que le Conseil économique, social et environnemental, CESE a relevé, dans son dernier rapport annuel, un point de vigilance qui attire l’attention sur bon nombre de formes de discrimination liées au code de la famille, telles que la tutelle sur les enfants, le mariage des filles, le patrimoine acquis par les conjoints pendant le mariage et les délais de traitement des demandes de divorce. 

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Said Naoui nuance cependant la situation affirmant qu’«il est important de noter que les réformes de la justice sont un processus continu et complexe qui nécessite du temps pour être pleinement mis en œuvre et évalué. Il est donc essentiel de suivre l’évolution de ces réformes et d’analyser leur impact à long terme sur le secteur de la justice au Maroc».

Et de conclure que «la réussite de la mise en place de la réforme de la justice dépend de plusieurs facteurs clés. En effet, il est essentiel d’établir une vision claire de cette réforme, ainsi qu’un plan détaillé pour sa mise en œuvre. Cela implique la nécessité d’identifier les problèmes existants dans le système judiciaire, de définir des objectifs réalistes et mesurables, et de prévoir les ressources nécessaires. La réforme de la justice nécessite un engagement politique fort et un soutien continu des décideurs politiques».

Indice sur l’État de Droit : le Maroc au 94ème sur 140
Le score total du Maroc a baissé de 1,5% dans l’Indice sur l’État de Droit du WJP 2022. Dans ce sens, le pays se classe 94e sur 140 pays au niveau mondial, perdant quatre positions depuis l’année dernière.  Au niveau régional, le Maroc se classe 5e sur 8 pays dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord où les pays les plus performants sont les Émirats arabes unis (classés 37e sur 140 globalement), suivis de la Jordanie et de la Tunisie. Les trois pays qui ont les scores les plus bas de la région sont le Liban, l’Iran et l’Égypte (135e globalement).
Au cours de la dernière année, les scores de 7 des 8 pays ont baissé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. 7 pays avaient également diminué l’année précédente. Parmi les pays à revenu intermédiaire inférieur, le Maroc se classe 15e sur 38. 

 
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