Economie

« La baisse du taux directeur ne pourra à elle seule soutenir le pouvoir d’achat »

Bank Al-Maghrib a opéré une réduction de son taux d’intérêt directeur de 0,25 point de pourcentage, le faisant passer de 3% à 2,75%. Cette décision, selon la Banque centrale, vise à stimuler l’économie marocaine et à juguler la hausse des prix à la consommation. Décryptage.

Dans un contexte mondial de plus en plus soumis aux externalités économiques dues aux diverses crises, les banques centrales en eaux troubles rament de façon stratégique. En zone Europe, au tout début du mois de juin, la Banque centrale européenne (BCE) a baissé ses taux directeurs, offrant un léger bol d’air pour apaiser les tensions sur le crédit immobilier et les prêts aux entreprises. Du côté des USA, c’est le même vent de la baisse qui s’annonce. Dans une chronique sur AllNews, Eric Vanraes, membre de la direction responsable du marché des taux à la Banque Eric Sturdza SA à Genève, annonce une baisse des taux par la Fed dans le mois de septembre.

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« De tous ces secteurs, aucun ne menaçait jusqu’à présent d’un risque de récession. La Fed va regarder dorénavant comment évoluent les secteurs les plus sensibles aux taux d’intérêts. Si ces derniers montrent des signes de faiblesse, elle baissera ses taux «pour eux» en priorité, même si d’autres secteurs affichent encore une santé éblouissante. C’est la théorie du maillon faible et aujourd’hui, le maillon faible, c’est l’immobilier. Ne pas baisser ses taux et prendre le risque d’un accident dans le secteur immobilier, c’est potentiellement un remake de 2008. Personne ne souhaite un tel désastre, surtout pas la banque centrale. En espérant qu’aucun accident ne vienne gâcher la période estivale, la Fed fera un geste le 18 septembre. Ne pas le faire, c’est prendre le pari que l’immobilier va tenir le choc, ce qui est possible. Mais cela reste un pari et Jerome Powell n’est pas à la tête d’une telle institution pour jouer le sort de l’économie des États-Unis (et donc du monde) à pile ou face », explique-t-il.

« Au Maroc, à la lumière des tendances inflationnistes et au regard des positions des banques centrales, le wali a fait un choix « d’anticipation stratégique » », nous confie l’économiste istiqlalien Adnane Benchekroune. En effet, le wali de Bank Al-Maghrib (BAM) a abaissé son taux directeur de 25 points de base à 2,75%, marquant une inflexion dans sa politique monétaire pour la première fois en deux ans.

Un alignement stratégique ?

L’abaissement du taux directeur par Bank Al-Maghrib intervient après une longue période de stabilité monétaire marquée par des taux d’intérêt constants. Ce mouvement, qui ramène le taux directeur à 2,75%, s’aligne avec la baisse récente de l’inflation, désormais estimée à 1,5% pour l’année en cours. Cette mesure vise à faciliter le crédit et encourager l’investissement, indispensable pour consolider la reprise post-pandémique. Selon l’économiste, la baisse du taux d’intérêt directeur est un geste qui aura un impact positif sur l’économie marocaine à plusieurs niveaux.

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« Notamment dans la stimulation de l’investissement, en réduisant le coût du crédit, les entreprises et les ménages seront encouragés à investir et à consommer davantage, ce qui devrait contribuer à dynamiser l’activité économique. » La baisse des taux d’intérêt devrait également favoriser la croissance économique du Maroc en soutenant les secteurs clés de l’économie, tels que l’industrie et le commerce. Contacté par Challenge, l’économiste Mehdi Lahlou nuance en expliquant que cette baisse du taux directeur accompagne la baisse du taux d’inflation. Cependant, selon ce dernier, « même si on constate une baisse de l’inflation, les prix des produits n’ont pas baissé y compris les salaires n’ont pas aussi augmenté ». Et de poursuivre : « Cette action ne peut, pour ma part, soutenir le pouvoir d’achat des ménages. C’est au gouvernement, par un ensemble d’actions, qu’il peut aider les ménages en souffrance, notamment par des politiques économiques et sociales ». Notons que la baisse du taux directeur prendra effet à partir du 27 juin 2024.

Alliage entre politique monétaire et politique macroprudentielle

La crise financière mondiale de 2008 a été le point de départ de la vigilance des pays sur le fait de repérer et contenir les risques pour le système financier ainsi que pour l’économie dans son ensemble. Le déclenchement de cette crise a permis ainsi un nouveau paradigme où les banques centrales ont commencé à combiner politique monétaire et politique macroprudentielle.

« La finalité d’une approche macroprudentielle est de limiter le risque de détresse financière impliquant des pertes significatives en termes d’output réel pour l’économie tout entière. Celle d’une approche microprudentielle est de limiter le risque de détresse financière pour des institutions individuelles, indépendamment de leur impact sur le reste de l’économie », explique l’économiste Claudio Borio dans une réflexion sur le sujet. Selon l’économiste, la coordination de la politique monétaire avec la politique macroprudentielle permet d’alléger ou d’estomper les effets indésirables de situations de crise et de favoriser ainsi la stabilité financière, monétaire et économique.

 
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