La Bourse a poursuivi son rebond en 2023
Après un début d’année mouvementé, la Bourse de Casablanca parvient à se frayer son chemin dans le vert. L’année 2023 a été ponctuée par une série d’événements accueillis avec un optimisme notable par les investisseurs.
L oin de tout optimisme béat tout en défiant les frilosités ambiantes, la Bourse de Casablanca n’a pas longtemps tergiversé en 2023. Après avoir évolué brièvement en net repli en début d’année, le marché action réussit une ascension remarquable (à plus 13%, à l’heure où nous mettions sous presse) et à se maintenir au-dessus de la barre des 12.000 points. Mais, bien que brève, la première phase de repli a été brutale. Le Masi s’est effondré de 9% en une semaine (franchissant à la baisse la barre des 10.000 points), engendrant un mouvement de panique auprès des petits investisseurs qui pouvaient être tentés de céder leurs actions. «Cette dépréciation s’inscrit dans un contexte économique complexe, influencé essentiellement par la hausse du taux directeur auquel s’ajoute l’anticipation du pic d’inflation qui est intervenu plus tard courant février», explique Farid Mezouar, directeur exécutif de flm.ma.
En effet, la chute notable de l’indice phare parvenu en début de janvier est le résultat de la conjonction de deux facteurs majeurs. D’une part, la politique monétaire de Bank Al-Maghrib qui, face à l’inflation et au ralentissement économique a relevé son taux directeur de 1,50% à 2,50%, anticipant une continuation de cette tendance haussière pour l’année. Cette hausse a directement influé sur les taux du marché des bons du Trésor, augmentant leur attractivité et, par ricochet, la prime de risque sur les actions.
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D’autre part, l’introduction de nouvelles charges fiscales dans la Loi de Finances 2023 a accentué la baisse. La progression graduelle de l’impôt sur les sociétés (IS), visant à atteindre 35% pour les sociétés avec des bénéfices supérieurs à 100 millions de dirhams et 40% pour les institutions financières d’ici 2026, a pesé lourdement sur les grandes entreprises cotées. La prolongation de la contribution sociale de solidarité jusqu’en 2025 a exacerbé les craintes sur la rentabilité future des entreprises.
Cela dit, cette correction rapide a attisé la curiosité d’acheteurs qui se sont manifestés pour profiter des niveaux relativement bas des cours. Mais c’est sans compter sur le rebondissement qui entraîne la BVC dans une deuxième phase. En dépit de ce contexte initial particulièrement agité, la Bourse de Casablanca parvient ensuite à se frayer son chemin dans le vert en s’appuyant sur les résultats financiers annuels globalement positifs des entreprises cotées et sur les prévisions de reprise économique.
Un optimisme notable
Il faut dire, que l’année 2023 a été ponctuée par une série d’événements accueillis avec un optimisme notable par les investisseurs, qui ont eu un élan positif sur le marché. En premier lieu, la candidature conjointe avec l’Espagne et le Portugal pour l’organisation de la Coupe du Monde 2030 a été perçue comme un signal fort, mettant en lumière le potentiel de croissance du pays. Cette annonce a été accueillie favorablement par les investisseurs, reflétant les attentes sur divers pans de l’économie, notamment le tourisme et l’hôtellerie et le secteur BTP. En complément, la désignation du Maroc comme pays hôte de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en 2025 a également été vue comme un facteur positif par les investisseurs. Ces événements sportifs d’envergure internationale sont souvent associés à une amélioration de l’image et de la visibilité d’un pays sur la scène mondiale, ce qui est également de nature à stimuler l’investissement.
Mais ce qui plaidera par la suite en faveur d’une poursuite de hausse s’avère le caractère particulièrement résilient de l’économie nationale, qui maintient une croissance de 3% en 2023, malgré une année marquée par des conditions climatiques défavorables, notamment une sécheresse sévère. «Cette performance, supérieure à celle de 2022 témoigne de la solidité de l’économie marocaine», souligne le Directeur exécutif de flm.ma.
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Malgré cet élan positif, l’année n’a pas été de tout repos pour les opérateurs économiques. Le secteur immobilier, par exemple, a navigué une année de turbulences, marquée par un climat d’incertitude et des pressions sur l’offre et la demande. La réticence des promoteurs vis-à-vis des mesures de soutien gouvernementales, en particulier dans le cadre de la Loi de Finances 2023, a contribué à alimenter un climat de prudence. Pourtant, le marché boursier a affiché une résilience remarquable, en se montrant indifférent aux secousses du séisme ayant frappé Marrakech et son hinterland. «Le tremblement de terre n’a eu aucun effet sur les moyens de production, ce qui explique la résilience du marché face à cette catastrophe naturelle», commente Farid Mezouar. D’après cet expert, l’annonce d’une enveloppe budgétaire de 120 milliards de dirhams sur 5 ans destinée à la reconstruction a insufflé une dynamique renouvelée, en particulier dans les secteurs de la construction et du ciment, a été perçue comme un catalyseur pour le secteur du ciment.
Autre évènement marquant de l’année, l’introduction en bourse de CFG Bank à la Bourse de Casablanca a connu un franc succès, avec une souscription sursouscrite entre 25 et 30 fois par près de 20 000 investisseurs. Cette IPO témoigne de la vitalité et de l’attractivité du marché boursier marocain auprès des investisseurs. La tendance haussière a été pour ainsi dire influencée par moult facteurs exogènes, mais l’interventionnisme de la Banque centrale du Maroc a joué un rôle décisif. Une politique monétaire stricte, symbolisée par un taux directeur relevé à 3 %, a permis de maintenir une gestion rigoureuse malgré une inflation persistante. Cette approche, même face à l’inflation, a préservé une stabilité monétaire essentielle pour la confiance des investisseurs et l’équilibre du marché financier.
Synergie boursière
Force est de constater qu’en 2023, une corrélation s’est manifestée entre la Bourse de Casablanca et les principaux indices des marchés financiers en Europe et aux États-Unis. Les indices européens surperforment en dépit d’un retrait en 2022 dû à divers facteurs, tels que la guerre en Ukraine et l’inflation, et ont vu leurs perspectives s’améliorer avec le soutien gouvernemental face à l’envolée des prix de l’énergie. A ce stade de l’année, l’indice vedette de la Bourse de Paris (CAC40) affiche un gain de 17% depuis le début de l’année, soit l’une de ses meilleures performances annuelles des dix dernières années. Malgré des taux longs stabilisés avec notamment le rendement de 10 ans allemand à 1,90%, le DAX, principal indice boursier allemand s’est amplifié de plus 18% sur la même période.
Les marchés ont également été portés par des attentes de rendements légèrement positifs, avec un intérêt particulier pour les actions européennes. Le secteur bancaire en Europe, en particulier, devrait bénéficier de la hausse des taux d’intérêt.
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Pour leur part, les indices boursiers américains affichent, sur la même période, une croissance remarquable. Le Nasdaq Composite s’est apprécié de 45 % pour atteindre plus de 15 000 points. Les investisseurs ont été séduits par les performances du S&P 500 et du Dow Jones Industrial Average, avec des performances annuelles respectives de 25 % et 13 %, ce qui témoigne de la solidité du marché aux États-Unis.
Perspectives prometteuses
De l’avis des analystes, la Bourse de Casablanca s’oriente vers une année 2024 de consolidation et de développement, stimulée par des secteurs clés et soutenue par des initiatives stratégiques. D’une part, des secteurs tels que le bancaire et l’agro-alimentaire sont bien positionnés pour bénéficier des tendances macro-économiques actuelles, malgré certains défis liés à l’inflation et aux coûts des intrants. D’autre part, la Bourse de Casablanca envisage des mesures pour encourager davantage d’entreprises à entrer en bourse, ce qui pourrait dynamiser le marché et renforcer son rôle dans la relance économique du Maroc.