Economie

La recette de la Banque mondiale pour libérer le secteur privé au Maroc

Les institutions internationales saluent, souvent, le comportement global de l’économie marocaine. Seulement, le secteur privé n’arrive pas à s’inscrire dans cette dynamique. Manque d’imagination ou absence de politique incitative ? La Banque mondiale en apporte des pistes de réflexion.

Comparativement à ses pairs régionaux de l’Afrique du Nord, le secteur privé national s’en sort pas mal et affiche des résultats plutôt satisfaisants. Cependant, ses performances en termes de productivité et de contribution à la croissance économique accusent un coup de retard par rapport à l’Inde, à l’Indonésie et au Vietnam, classés également comme pays à revenu intermédiaire.

Il est important de noter que ces pays ont non seulement réussi à doubler leur revenu par habitant au XXI siècle, mais qu’ils font également partie des économies qui ont soutenu un effort d’investissement comparable à celui du Maroc en pourcentage du PIB.

Dans un récent rapport de suivi de la situation économique au Maroc, la Banque mondiale considère qu’il «est essentiel de lever les goulots d’étranglement qui expliquent la (faible) dynamique de productivité du secteur privé formel pour accélérer la croissance économique et la création d’emplois au Maroc».

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 L’institution de Bretton Woods dégage trois principales causes à cette situation. Primo, les lacunes de l’environnement concurrentiel peuvent permettre aux entreprises en place de s’appuyer sur leur pouvoir de marché plutôt que sur les gains d’efficience pour survivre et se développer.

Ensuite, une possibilité connexe est que l’existence de défaillances réglementaires puisse perturber les capacités et les incitations des entreprises, empêchant leur entrée sur les marchés et leur capacité à maintenir la croissance grâce à des investissements en efficience, et entravant le processus de «destruction créatrice» qui se produit par le retrait en douceur des entreprises non viables.

Et enfin, la concurrence informelle et un accès inégal aux intrants clés tels que le financement, les services numériques ou les travailleurs qualifiés peuvent affecter de manière disproportionnée les petites entreprises, limitant l’expansion des entreprises à forte croissance potentielle.

La Banque mondiale fait, cependant, observer que Maroc commence à faire «des progrès substantiels» dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. À la suite de l’opérationnalisation du Conseil de la concurrence en 2018 et de la modification de la loi sur la concurrence à la mi-2023, une enquête majeure a été conclue en novembre 2023 sur neuf distributeurs de carburants et leur association professionnelle.

De plus, la réforme des entreprises publiques en cours de mise en œuvre avec la création de l’Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l’État devrait renforcer la neutralité concurrentielle des entreprises publiques commerciales sur les marchés où elles opèrent. Cela nécessitera, entre autres, des normes plus strictes pour limiter la subvention croisée entre leurs activités commerciales et non commerciales.

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Une revue approfondie de la réglementation du marché des produits et des programmes gouvernementaux existants pour le soutien aux PME permettrait d’identifier et de corriger les contraintes et les facteurs dissuasifs spécifiques auxquels ces entreprises sont confrontées tout au long de leur cycle de vie. La réforme fiscale en cours corrige certaines des distorsions qui ont pu décourager la croissance des entreprises, et une analyse plus approfondie serait nécessaire pour évaluer l’impact des incitations fiscales existantes (et futures).

Dans les années 2010, le Maroc a réformé son système d’impôt sur les sociétés (IS), en introduisant un taux marginal qui augmentait avec les bénéfices nets des entreprises. Ce système progressif de l’impôt sur les sociétés a peut-être créé une désincitation pour les petites entreprises à croître, ce qui explique notamment pourquoi la réforme fiscale en cours vise à converger vers un taux uniforme de 20 pour cent d’ici 2026.

En outre, la loi-cadre relative à la réforme a pour objectif de rationaliser les incitations fiscales ou les dépenses fiscales. Ce processus devrait inclure une évaluation visant à déterminer si les programmes qui ont bénéficié aux entreprises formelles marocaines (générant des dépenses fiscales d’environ 1,5 pour cent du PIB en 2022) créent des incitations qui ont contribué au problème d’allocation inefficiente décrite ci-dessus, comme cela s’est avéré être le cas dans d’autres économies.

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Le secteur privé marocain voit dans la concurrence du secteur informel «une contrainte majeure pour ses activités». Les autorités marocaines sont actuellement engagées dans diverses réformes profondes qui devraient contribuer à la formalisation de l’économie. Néanmoins, la formalisation des entrepreneurs informels de subsistance est susceptible d’avoir moins d’impact sur la productivité, étant donné le faible potentiel de croissance et la faible probabilité de survie de ces entreprises.

Le manque d’accès à des ressources productives essentielles est une autre contrainte susceptible de ralentir la croissance des entreprises marocaines. Bien que le Maroc dispose d’un système financier relativement développé, l’accès au crédit est asymétrique, avec plus de contraintes pour les petites et les jeunes entreprises.

«Les données montrent également que les entreprises les plus productives ne sont pas plus susceptibles d’accéder au crédit que les entreprises moins productives, ce qui implique que l’intermédiation financière peut contribuer au problème d’allocation inefficiente», déplore le rapport.

Ces tendances suggèrent que les différents programmes déployés par les autorités marocaines pour soutenir les PME, qui ont mis un accent particulier sur l’accès aux sources extérieures de financement à travers les garanties de crédit et les prêts directs, «peuvent nécessiter une évaluation et éventuellement un ajustement».

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L’accélération de l’opérationnalisation des réformes récentes telles que le déploiement d’un registre national des garanties mobilières ou l’extension des données utilisées par les bureaux de crédit peut également être nécessaire pour résoudre les problèmes d’asymétrie de l’information qui sont susceptibles d’expliquer la réticence des banques à prêter aux petites et jeunes entreprises, résolvant ainsi le problème d’allocation inefficiente des crédits.

En outre, des enquêtes récentes montrent qu’en dépit de l’amélioration marquée du profil éducatif de la jeunesse marocaine, les entreprises continuent de percevoir l’accès aux compétences comme une contrainte importante pour leurs activités.

Il est donc crucial de remédier à cette inadéquation des compétences. Enfin, le manque d’accès à des services numériques abordables pourrait constituer un autre obstacle, en particulier pour les petites entreprises.

Le constat de la Banque mondiale ne diffère en rien des diagnostics réalisés par l’ensemble des institutions nationales. Si le gouvernement veut sérieusement s’attaquer au problème de l’emploi pour le reste de son mandat, il doit, tout d’abord, commencer la résorption des freins empêchant les entreprises de jouer pleinement leur rôle dans la création des richesses et des opportunités d’emploi.

 
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