Tribune et Débats

La véritable raison derrière le revirement du Président Trump sur les tarifs douaniers

Les revirements de situation avec le Président Trump sont légion et l’imprévisibilité qui en découle en matière économique est de norme.

Par Youssef Benhaddouch

L’annonce mercredi 9 Avril via un « post social media » d’une pause de 90 jours dans l’application des nouveaux tarifs douaniers assortie d’une taxe punitive de 145% (125% de tarif « réciproque » + 20% surtaxe) sur la Chine et d’un taux plancher de 10% pour le reste du monde, constitue un point tournant majeur dans la formulation de la politique tarifaire américaine. Ce qui est communément qualifié de « Trump’s tariffs » peut être considéré comme le fait économique majeur de l’histoire contemporaine.

Cette volte-face n’est pas que tactique. Le chaos récent des marchés financiers a fini par contaminer le poumon du système financier américain, à savoir le marché des Bons du Trésor US, qui est au cœur du fonctionnement de la mécanique de refinancement au jour le jour des banques américaines et qui constitue le pilier de l’hégémonie du Dollar. Les taux du 10 et 30 ans US ont en effet connu leur plus forte hausse depuis 2001 en seulement 3 jours (4.85% à ce jour). Les maturités longues des bons du trésors sont détenus à environ 30% par des investisseurs étrangers (et notamment la Chine, qui peut être considérée comme vendeur naturel). La demande s’est considérablement tarie depuis ces annonces et les besoins de refinancement du Trésor US en 2025 sont conséquents. Le Président Trump a bien saisi l’ampleur et l’acuité de la crise: ceux qui ont voté pour lui allaient devoir subir une double peine d’une inflation certaine et durable (avec le renchérissement des importations) et une envolée des coûts d’emprunt avec la hausse des taux de refinancement.

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« People were getting a little queasy » (eg. “nauséeux”) a fini par concéder le Président Trump. Il convient de noter que son équipe gouvernementale – malgré les apparences de discours tortueux – est au faîte de cet avertissement du marché obligataire. Le Secrétaire au Trésor Scott Bessent qui était gérant « macro » de hedge fund (chez le légendaire G. Soros et dans sa propre entité de gestion Bessent Capital) a bien saisi les enjeux et conséquences incontrôlables de ce stress financier (en partie pour avoir été témoin et acteur de la dévaluation de la Livre Sterling en 1992 chez Soros Fund Management). Les avertissements répétés du patron de JP Morgan J. Dimon sur les effets récessifs immédiats des tarifs ont eu raison de la fixation idéologique du Président sur ce sujet. Il fallait mettre une pause sur « Liberation Day » sous peine de cataclysme financier…auto-infligé.

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Car c’est bien là que le bât blesse. H. Marks, fondateur légendaire du fonds Oaktree Capital (et probablement l’esprit le plus affuté en termes de compréhension des phases de rupture et de dislocation des marchés financiers) établit un parallèle pertinent entre « Liberation Day » et le « Brexit ». Les implications négatives des tarifs douaniers sont immédiates (inflation, récession, dislocation des marchés de taux et de crédit) et les éventuels gains (hautement hypothétiques selon les manuels d’économie) au mieux long terme. Il prédit que l’introduction des tarifs douaniers auront « des impacts entièrement imprévisibles » sur l’économie mondiale, notamment sur le plan du commerce international.

Je conclurai sur une note de …raison. « Never Bet Against America », comme le rappelle le sage d’Omaha, Warren Buffett.

*Youssef Benhaddouch, ancien gérant de fonds à l’international, Administrateur Indépendant

 
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