L’accord européen SAF : Point de départ de la décarbonation de l’aérien !
À compter de 2025, tous les avions au départ des aéroports européens devront incorporer une part de carburant d’aviation durable (SAF) dans leur kérosène. Même si le virage de la décarbonation semble être aujourd’hui un virage incontournable, cependant certains défis se posent.
Émissions de gaz à effet de serre, hausse globale des températures, vulnérabilité des écosystèmes et des populations… Certains effets du réchauffement climatique seront irréversibles durant des millénaires », préviennent les experts du GIEC dans le 6e rapport sur le climat, publié en mars 2023. Aujourd’hui dans bon nombre de secteurs de l’économie mondiale, l’urgence climatique est une réalité. Le secteur de l’aviation a adopté dans ce sens, l’ambition de réduire ses émissions de CO2 à horizon 2050. Et à ce jour, le défi le plus important pour ce faire, est de remplacer autant que possible le kérosène qu’utilisent les avions aujourd’hui, par des carburants durables. Cependant, même si cette décarbonation semble à ses débuts, les instances européennes demeurent déterminées à réussir ce chantier. Après l’échec d’un premier trilogue en décembre, les représentants de la Commission européenne, du Conseil de l’Union européenne et du Parlement sont parvenus à un accord sur le projet de décarbonation du transport aérien. Selon la Commission européenne, cette seule mesure devrait permettre de réduire d’ici le milieu du siècle les émissions de CO2 des avions d’environ deux tiers par rapport à un scénario «sans action». Et ces carburants aériens durables (SAF) devraient représenter 2% du carburant fourni dans les aéroports de l’UE d’ici 2025 et atteindre 70 % en 2050.
Au Maroc, ces questions de décarbonation sont également d’actualité. Depuis quelques années, à la lumière de ses engagements pris lors de la messe du climat à Marrakech (Cop 22), le gouvernement a fait du chantier du vert une priorité de gouvernance. « Nous voyons la décarbonation comme une opportunité et non comme un frein. Notre écosystème est suffisamment agile pour s’adapter, et nous bénéficierons des relocalisations qui vont se faire à proximité du hub européen. Il faut aussi savoir que la transition énergétique ne sera sous aucun prétexte une raison pour négliger la compétitivité qui reste une exigence des constructeurs aéronautiques », nous confie Karim Cheikh, Président du GIMAS.
En ce qui concerne les défis de timing, le Président du Gimas rassure en expliquant que : « nous sommes un pays qui s’est déjà positionné mondialement dans la transition énergétique avec les énergies renouvelables, donc l’utilisation des énergies renouvelables à l’échelle industrielle n’est qu’une question de temps, mais complètement à notre portée. Il est vrai que le temps est clé, et c’est là que nous devons redoubler d’efforts pour dépasser cette limite. »
L’enjeu des coûts
Selon l’Iata, l’avantage des biocarburants est qu’ils peuvent être injectés directement dans les avions actuels, sans rupture technologique, à hauteur de 50 %, et qu’ils peuvent réduire les émissions de CO2 de 80 % par rapport au kérosène sur l’ensemble de leur cycle d’utilisation, mais des incertitudes demeurent sur la disponibilité de la biomasse pour leur production et la concurrence des usages qu’ils pourraient engendrer.
Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), leur coût est trois à cinq fois supérieur au kérosène et cela constitue également un véritable défi. Par conséquent, une énorme augmentation des coûts pour les compagnies est donc attendue, ce qui pourrait par effet de ruissellement provoquer une augmentation des billets. L’Association internationale du transport aérien (IATA) craint également des déséquilibres de disponibilité de carburants durables en fonction des pays et des régions. D’ailleurs, « A l’échelle du continent africain, TotalEnergies, qui se présente comme «un acteur majeur de l’avitaillement en Afrique, avec une présence dans plus de 100 aéroports internationaux et régionaux et plus de 29 pays africains, a indiqué sur son site n’avoir aucune production locale de SAF, alors que certaines raffineries dans lesquelles il détient une participation produisent du kérosène traditionnel, à l’image de Natref en Afrique du Sud et la Société ivoirienne de raffinage (SIR), en Côte d’Ivoire.
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Pour rappel, la loi européenne – connue sous le nom de ReFuelEU – prévoit qu’à partir de 2025, tous les vols au départ d’un aéroport de l’UE seront obligés d’incorporer une part minimale de carburants d’aviation durables de 2% en 2025. En 2030, ce pourcentage passera à 6 %, puis progressivement à 20 % en 2035, 34 % en 2040, 42 % en 2045, pour monter à 70 % d’ici à 2050, date à laquelle le transport aérien s’est engagé à atteindre la neutralité carbone.
Quand le Gimas se prépare !
«La décarbonation de la production fait partie de l’un des défis auxquels notre industrie fait face. Pour nous, l’industrie marocaine étant pleinement intégrée dans la chaîne d’approvisionnement mondiale, il est important d’entrer dans l’évolution mondiale de l’usine intelligente et décarbonée. Notre secteur se prépare aux normes climatiques imposées aux industries. Les productions décarbonées sont des conditions pour être toujours sur la carte de l’industrie aérospatiale mondiale. Cette nouvelle façon de produire va fortement influencer nos entreprises. L’innovation sera essentielle pour trouver des substituts aux procédés ou produits non compatibles et aller vers les technologies vertes », explique le Président du GIMAS. Et d’ajouter : «Notre feuille de route est en cours d’élaboration. Elle consiste principalement à établir un bilan carbone des entreprises, effectuer un diagnostic et les recommandations qui en découlent, puis mettre en œuvre le plan d’action ».
L’ère des biocarburants
Selon le dernier baromètre des biocarburants publié par le centre de recherche en énergie IFP, à l’échelle continentale, les taux d’incorporation de l’ensemble des biocarburants dans les carburants routiers sont restés stables depuis 2020. Ils varient selon les régions, mais c’est l’Amérique Latine qui affiche toujours le taux le plus élevé grâce à son marché éthanol qui atteint à lui seul, un taux d’incorporation de près de 15 % (en énergie) dans l’essence. L’Amérique du Nord puis le continent européen suivent ensuite, avec des taux respectifs de 6,5 % et 5,2 %. En Asie, ce taux continue de progresser chaque année et atteint 2,3% en 2021. En Europe, alors que la consommation de biocarburants avait atteint un record, à près de 18 Mtep en 2019, la crise sanitaire a induit une baisse d’environ 5% en 2020. Les quantités totales de biocarburants incorporées sont, quant à elles, restées quasi stables à l’échelle des Etats Membres de l’Union Européenne. En 2021, le niveau de consommation s’est rapproché de celui d’avant crise grâce à la reprise de l’économie et aux mandats d’incorporation nationaux exigés par les Directives RED3 et FQD4 de la Commission Européenne.