L’Algérie copie le Maroc en Afrique subsaharienne
Alors que les trois premiers groupes bancaires marocains que sont Attijariwafa Bank, Bank of Africa et la Banque centrale populaire (BCP), ont réalisé une incursion dès la deuxième moitié des années 2000 à international et en particulier, en Afrique subsaharienne avec beaucoup de succès, trois filiales de banques algériennes sont annoncées au Sénégal, en Mauritanie et en France. Une offensive modeste selon les analystes du secteur bancaire africain où les établissements marocains ont pris de l’avance.
L’Algérie veut vaille que vaille dealer davantage avec l’Afrique subsaharienne et surtout y frayer le chemin de son influence. Et elle l’avait déjà fait savoir lors du sommet de l’Union africaine de février 2020 où son président avait annoncé son vœu d’insuffler une dynamique dans la coopération internationale de l’Algérie, en particulier avec les pays africains et le Sahel. Ainsi, après avoir créé en avril 2020 l’Agence Algérienne de Coopération Internationale (AACI) à l’instar du Maroc qui dispose depuis 1986 d’un instrument du même genre en l’occurrence l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI) dont l’objectif est de contribuer à renforcer la Coopération Internationale du Royaume, avec une forte orientation pour la promotion de la Coopération Sud-Sud, Alger s’apprête à nouveau à marcher sur les pas du Maroc en ouvrant en amont des établissements bancaires en Afrique subsaharienne. Le processus est lancé, a indiqué le ministre algérien des Finances, Laaziz Faid à l’occasion du débat sur le projet de loi sur le crédit et la monnaie à l’Assemblée populaire nationale (APN). « L’ouverture de banques publiques à l’étranger, notamment en Afrique subsaharienne et en France, revêt un caractère géostratégique pour l’Etat algérien, tant sur le plan politique qu’économique », a-t-il affirmé dans des propos rapportés par les médias algériens.
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Le ministre algérien a précisé, dans ce sens, que « ce déploiement était planifié dans le Programme du gouvernement », rappelant que la « Banque extérieure d’Algérie (BEA) s’employait à créer une succursale en France en plus de l’ouverture de deux banques en Afrique (Sénégal et Mauritanie) par quatre banques publiques, à savoir la Banque nationale d’Algérie (BNA), le Crédit populaire d’Algérie (CPA), la Banque de l’agriculture et du développement rural (BADR), outre la Banque extérieure d’Algérie (BEA) ». Laaziz Faid a révélé, ainsi, les appellations de ces nouvelles banques : « Banque extérieure d’Algérie international (France) », « Algerian Union Bank (Mauritanie) » et « Algerian Bank of Senegal (Sénégal) ». Selon lui, l’agrément de la Banque extérieure d’Algérie sera obtenu au cours du « premier semestre 2023 » et « la première agence sera installée au niveau de l’ancien consulat général à Paris ». « Le contrat a été signé», a-t-il indiqué.
Concernant l’implantation d’une banque en Mauritanie (sous l’appellation Algerian Union Bank), le ministre a précisé que le dossier d’agrément de cette banque a été déposé début mars 2023 et qu’il sera « complété suivant la progression de l’étude du bureau désigné à cet effet ». S’agissant du lancement d’une banque algérienne au Sénégal (Algerian bank of Senegal), le grand argentier algérien a fait savoir que le dossier d’agrément « a été déposé le 19 janvier dernier auprès des autorités monétaires du Sénégal et que le lancement de la banque est prévu au premier semestre de l’année 2023, au vu des délais incompressibles de traitement réglementaire du dossier d’agrément fixés à trois mois ».
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Au-delà, nombre d’observateurs voient derrière l’appétit algérien pour le reste du continent sa volonté de suivre l’exemple de son voisin du Nord, le Maroc qui, grâce notamment au déploiement de ses majors bancaires à travers le continent a pu bâtir des fondements d’un business longue durée au Sud. Il faut dire qu’en Afrique de l’Ouest par exemple, les groupes bancaires marocains installés multiplient les succès. En atteste le dernier rapport 2022 de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). On peut y lire que la prépondérance des banques européennes, qui détenaient plus de 60% des entités opérant dans la région, a tendance à faiblir au fil des ans. Des groupes panafricains, et notamment marocains, ont depuis pris le relais. L’activité de ces groupes est dominée par les entités marocaines, avec 25 établissements de crédit affiliés à 3 groupes. Ces trois premiers groupes bancaires marocains que sont Attijariwafa Bank, Bank of Africa et la Banque centrale populaire (BCP), qui ont réalisé une incursion dans cette région dès la deuxième moitié des années 2000, concentrent à eux seules 21,7% de part de marché, 23,1% des dépôts, 23% des crédits accordés aux clients et quelque 26,6% du résultat net global provisoire. Dans le même ordre d’idées, les trois opérateurs marocains représentent 20,2% des implantations, 22,7% des guichets bancaires et 28,1% des comptes bancaires.
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A l’échelle de l’Afrique subsaharienne, on dénombre pour le groupe BCP, quelque 14 pays d’implantation où il contrôle notamment Atlantic Business International (ABI), qui couvre l’ensemble des pays de la zone Union économique et monétaire ouest-africaine (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo), ainsi que le Cameroun. BCP dispose également de succursales en Guinée, en Centrafrique et à Maurice. De son côté, Attijariwafa Bank est présente dans dans douze pays subsahariens après le rachat de cinq filiales du Crédit agricole en Afrique de l’Ouest et centrale en 2008, ainsi que de la BIM au Mali, la CBAO au Burkina Faso et elle est aujourd’hui la première banque au Sénégal.
Bank of Africa, quant à elle, a pris le contrôle de Bank Of Africa en 2011, un groupe bancaire né au Mali et présent dans six pays d’Afrique de l’Ouest, cinq pays d’Afrique de l’Est et de l’océan Indien, ainsi qu’en RD Congo. Face à l’emprise du marché bancaire subsaharien jugé comme « un relais de croissance » par les banques du royaume, les spécialistes s’interrogent sur la place encore disponible pour les banques algériennes même si Alger cible déjà le Niger et le Mali après les futures implantations au Sénégal, en Mauritanie et en France. En effet, jusque-là, aucun groupe bancaire algérien ne dispose de filiale à l’étranger, a fortiori, ailleurs en Afrique. Et si l’Etat algérien tablait au départ sur des joint-ventures entre banque publique et banque privée algériennes, il s’est finalement lancé seul dans l’aventure face au désintérêt affiché par les opérateurs privés du pays.