Interview

Lamia Merzouki: «CFC est devenu le point d’entrée naturel pour les entreprises internationales souhaitant s’ancrer durablement en Afrique»

Casablanca Finance City (CFC) devra assurer, à compter du 1er janvier 2025, la présidence de la World Alliance of International Financial Centers (WAIFC), succédant ainsi à FinCity Tokyo. Un choix qui témoigne non seulement de la légitimité de Casablanca en tant que hub régional et première place financière africaine, mais également de son rayonnement à l’international, et de la valeur ajoutée apportée à ce réseau mondial depuis sa création. Explications de Lamia Merzouki, Directrice Générale Adjointe de Casablanca Finance City Authority. 

Challenge : Quelles sont les principales initiatives stratégiques que CFC a mises en place pour attirer de nouvelles entreprises ?  

Lamia Merzouki : Nous avons aujourd’hui une communauté d’entreprises très dynamique de membres en provenance du monde entier, et qui couvrent à partir de Casablanca 50 pays sur les 54 que compte le continent africain. Au-delà du nombre de statuts CFC délivrés, nous focalisons notre action sur la qualité et la complémentarité de notre écosystème, composé de sièges régionaux d’entreprises intervenant notamment dans la finance – banque, assurance & réassurance, holdings d’investissement – le conseil juridique, fiscal et comptable, le conseil en stratégie, en management et en IT, qui ont choisi Casablanca comme base arrière privilégiée pour leur développement sur le sol africain.

Pour pouvoir attirer ces entreprises, nous avons mis en place un cadre dédié. Tout d’abord, il fallait rassurer les investisseurs pour leur implantation initiale. Ainsi, le « Safe-landing » que leur offre le Maroc, à commencer par un environnement stable, garanti par l’une des plus anciennes monarchies au monde, une croissance économique sereine, des infrastructures parmi les plus performantes en Afrique, un « talent pool » qualifié, et une connectivité remarquable. Le safe-landing, c’est également l’accompagnement administratif complet offert par CFC et qui permet la création, l’installation, et l’obtention de permis de travail de manière fluide et simplifiée, avec une interface unique.

En second lieu, CFC offre un cadre réglementaire favorable pour l’implantation et le développement d’entreprises nationales et internationales, conforme aux meilleurs standards internationaux, comme en témoigne la sortie du Maroc de la liste grise du GAFI et de l’Union européenne depuis plusieurs années.

Enfin, CFC contribue à la stimulation de synergies d’affaires par la création d’un écosystème complet d’entreprises-membres, la concentration de professionnels des services aux entreprises à haute valeur ajoutée, et l’organisation d’événements de networking réguliers.

Les connections business passent également par un accompagnement sur les marchés africains, que ce soit à travers le partage de rapports, les accords noués avec les agences de promotion des investissements africaines, ou encore l’organisation du CFC Africa Tour dont la vocation est de permettre aux membres de la communauté CFC d’explorer les opportunités business offertes par l’Afrique via un programme dédié et des mises en relation de haut niveau organisés par CFC sur le terrain.

Aujourd’hui, CFC est légitimement devenu le point d’entrée naturel pour les entreprises internationales souhaitant s’ancrer durablement en Afrique. Parmi celles-ci, on peut citer à titre d’exemple Infraco Africa et Africa 50, des fonds dédiés aux infrastructures durables sur le continent, ainsi que Deloitte qui a ouvert l’un de ses six centres mondiaux de cybersécurité à CFC. On peut également mentionner BNP Paribas Regional Investment Company, qui est installée à CFC depuis 2013, et dont le mandat a été élargi en 2023 pour couvrir toute l’Afrique.

Challenge : Comment décririez-vous l’évolution de Casablanca Finance City depuis sa création et les entreprises qui s’y installent ?

L.M. : Casablanca Finance City a connu une importante évolution depuis sa création il y a bientôt 15 ans. CFC compte aujourd’hui 215 membres employant plus de 7 000 personnes dans des domaines hautement qualifiés tels que la finance, le conseil juridique, fiscal et comptable, ou encore le conseil en stratégie, en management et en IT. Ces institutions marocaines et internationales ont toutes fait le choix d’un écosystème sain et performant, aux meilleurs standards internationaux en termes de compliance.

Après la création d’un cadre réglementaire dédié en 2010, notre développement a véritablement été initié en 2012 par l’octroi des premiers statuts CFC à des entreprises nationales et internationales. Nos efforts ont été récompensés en 2014 avec l’entrée de CFC au Global Financial Centres Index et l’obtention rapide de la première place africaine dans ce classement reconnu internationalement. Notre position de leader continental n’a pas été remise en cause depuis, témoignant de la croissance sereine et stable de la place financière de Casablanca. Le succès de CFC s’est matérialisé sur le plan symbolique en 2019 par le regroupement de l’activité d’une majorité des entreprises-membres dans le quartier d’affaires éponyme, sur plus de 100 Ha, et avec pour emblème architectural la tour CFC First, qui abrite notamment le siège de Casablanca Finance City Authority.

Forts de ces jalons, nous observons depuis plusieurs années une diversification croissante de la provenance des entreprises-membres puisque le statut CFC a dernièrement été accordé à des entreprises en provenance de Chine, du Japon, d’Allemagne, d’Arabie Saoudite, des Etats Unis ou encore d’Islande, s’inscrivant dans la  « multipolarité » du Royaume et sa vocation, sous le leadership de Sa Majesté Le Roi, à servir de hub mondial en direction de l’Afrique.

Challenge : En tant que future présidente de l’Alliance mondiale des centres financiers internationaux (WAIFC), quelles seront vos priorités ?

L.M. : L’élection de CFC à la tête du WAIFC confirme non seulement la légitimité de CFC comme hub régional et première place financière africaine, mais témoigne également de son rayonnement international et de la valeur ajoutée apportée par la place de Casablanca à ce réseau depuis sa création. Pour rappel, le WAIFC regroupe les plus grands centres financiers mondiaux, à l’instar de Londres, Tokyo, et Francfort, ce qui rend d’autant plus appréciable la distinction de CFC au sein de cette alliance. 

La mission première de la WAIFC est de valoriser le rôle crucial des places financières dans le développement économique, mais aussi de renforcer la coopération entre les centres financiers internationaux tout en favorisant l’échange des meilleures pratiques. Nous entendons honorer pleinement cette raison d’être via une coopération accrue autour des sujets transverses liés à la création d’opportunités business mutuelles, au développement de talents qualifiés, au partage de données entre centres financiers, à la promotion de la finance verte et au développement de la fintech notamment.

Nous aurons également à cœur de renforcer la coopération des places financières historiques notamment avec les centres émergents d’Afrique. Citons à titre d’exemple l’initiative du Africa Chapter, qui regroupe les principaux centres financiers d’Afrique dans l’objectif de leur donner de la visibilité et d’accentuer leur attractivité, comme cela a été le cas dernièrement à Tokyo au cours de la dernière AG du WAIFC.

Challenge : Comment pensez-vous que votre expérience à CFCA influencera votre nouveau rôle au sein de la WAIFC ?

L.M. : Présider une alliance comme la WAIFC requiert une fine connaissance du fonctionnement et des enjeux d’une place financière internationale. Ayant rejoint CFC depuis sa création, je dispose d’un certain recul par rapport à une place marquée par une croissance rapide.

Par ailleurs, avoir assuré la vice-présidence de cette alliance durant les deux dernières années nous a permis d’affiner notre vision de la portée du WAIFC, de ses enjeux et leviers, et de l’importance du renforcement de son impact positif sur son écosystème. Ces deux années ont également permis à nos pairs au sein de l’alliance de mieux connaître CFC et sa dynamique.

Challenge : Quelles synergies envisagez-vous entre CFC et les autres centres financiers internationaux ?

L.M. : Depuis sa création, la place financière de Casablanca a noué des partenariats bilatéraux avec des places financières du monde entier, dont Paris Europlace, The City UK, Hong Kong, Abu Dhabi Global Market, ou encore Busan en Corée du Sud. Nous avons également été moteurs dans la création d’alliances multilatérales à l’instar du WAIFC et de FC4S (Financial Centers For Sustainability). Certains des partenaires de CFC étant par ailleurs membres de la WAIFC, ces conventions renforcent la légitimité de la place de Casablanca pour présider l’alliance.

CFC voit donc les synergies avec les acteurs de la finance internationale comme un canal privilégié de développement et de rayonnement, et c’est ce que nous allons nous attacher à consolider durant les prochaines années.

Son parcours :
Lamia Merzouki est Directrice générale adjointe de Casablanca Finance City Authority (CFCA), Présidente du réseau des centres financiers pour la durabilité soutenu par les Nations unies (PNUD-FC4S) et Présidente de l’Alliance mondiale des centres financiers internationaux (WAIFC). Diplômée de l’ESSEC Business School et de la Harvard Business School, Lamia est également Présidente de l’association We4She et du réseau Women Working For Change (réseau panafricain). Récemment nominée pour le prix de la « Meilleure femme leader en Afrique » par l’Africa Investments Forum and Awards, Lamia Merzouki est certifiée par l’IMA (Institut marocain des administrateurs) et siège en tant que membre indépendant du conseil d’administration de plusieurs entreprises.

Son Actu :
La Directrice générale adjointe de Casablanca Finance City Authority (CFCA), Lamia Merzouki, a été élue, récemment à Tokyo, Présidente de l’Alliance mondiale des centres financiers internationaux (WAIFC – World Alliance of International Financial Centers). Elle débutera son mandat en janvier 2025, aux côtés de Hubertus Väth, PDG de Frankfurt Main Finance, qui a été élu Vice-président et succèdera, ainsi, à Keiichi Aritomo, PDG de Tokyo fincity, a fait savoir la même source.

 
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