L’apocalypse n’est pas certaine ! [Par Eric Besson]
Dans cette chronique, Eric Besson offre une perspective optimiste sur l’avenir, contrebalançant les discours alarmistes. À travers les analyses de l’économiste Nicolas Bouzou, il met en lumière les progrès tangibles réalisés dans le monde, invitant à l’action plutôt qu’à la peur.
L’évolution du monde vous inquiète ? Vous avez peur de l’avenir ? Le spectre du Covid semblait s’être éloigné mais de nouvelles pandémies sont annoncées ? Le réchauffement climatique et les records de température vous angoissent ? Vous craignez la multiplication des conflits, de l’Ukraine au Proche-Orient sans compter tous ceux dont on parle moins ? Vous êtes jeune mais vous envisagez de ne pas faire d’enfant à la fois parce que le monde qui vient ne vous inspire rien de bon, mais aussi parce que vous ne voulez pas ajouter de part supplémentaire à «l’empreinte écologique» de la présence humaine ?
Pas de doute. Il vous faut une lecture revigorante, dopante. Sylvie Bunel, géographe et économiste, avait ouvert la voie dans un ouvrage intitulé «Toutes ces idées qui nous gâchent la vie» (Editions Lattès, 2019), en affirmant «oui, le monde se transforme, mais il n’est pas pire qu’hier. C’est même plutôt l’inverse : les choses vont en s’améliorant, contrairement aux discours toujours accusateurs des tenants de l’apocalypse, cette science de l’effondrement annoncé qui a désormais un nom : la collapsologie». Dans «La civilisation de la peur, pourquoi et comment garder confiance dans l’avenir» (XO Editions, 2024) Nicolas Bouzou, consultant en économie, auteur de nombreux essais, va plus loin encore, revendiquant un ouvrage qui se veut «manuel de résistance» face à la peur alimentée par «les prophètes de malheur».
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L’auteur ne se veut ni optimiste ni pessimiste. Notions qui n’ont effectivement pas de sens lorsque l’on s’intéresse à la prospective. Mais il prétend, ce qui est agréable et bienvenu, se fonder sur des analyses, des faits, des raisonnements rationnels, mais aussi sur les leçons de l’histoire de l’aventure humaine. Ainsi, à rebours du discours dominant dans le monde occidental, Nicolas Bouzou affirme : «En fait, si l’on est capable de prendre un recul historique et d’analyser ces sujets à froid, on perçoit aussi des promesses d’avenir extraordinaires. Il est parfaitement possible qu’en 2050 la démocratie se soit étendue, que le travail soit moins pénible, qu’une large partie de la population vive cent ans en bonne santé et que l’humanité ait freiné le réchauffement climatique et atténué ses conséquences. J’ose même le scandaleux : non seulement ces hypothèses sont plausibles, mais ce sont les plus probables».
L’économiste rappelle que, contrairement aux idées reçues : «la pauvreté extrême est sur la voie de l’éradication» : «en 1990, 36 % de la population mondiale vivait dans des conditions de dénuement total», contre 9% aujourd’hui : «pour la première fois dans l’histoire moins d’un humain sur dix vit dans une situation de pauvreté extrême». Autre donnée positive, «la santé humaine s’améliore, surtout dans les pays les plus pauvres». Ainsi, en 10 ans, entre 1990 et 2020, l’espérance de vie mondiale est passée d’environ 65 ans à quasiment 75 ans et la mortalité infantile est passée de 9,3% à 3,7%. Par ailleurs, «presque toute l’humanité est alphabétisée», le taux d’alphabétisation dépassant 85%. Enfin, sur un sujet très inflammable, celui des inégalités, et alors que le sens commun paraît suggérer que «les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres», l’auteur montre que ce n’est pas le cas et que mesurée mondialement la tendance est à la réduction des inégalités.
Nicolas Bouzou, qui note ironiquement que «annoncer le déclin ou l’effondrement donne l’air intelligent» ou que «prédire une crise sanitaire, économique et sociale ou écologique, c’est forcément faire preuve de réalisme et de sagesse», rappelle que ceux qu’il nomme «les prophètes de malheur» se sont pour l’essentiel trompés. Le survol englobe Malthus qui dès 1798 voyait l’humanité succomber sous le poids de la famine du fait de la croissance de la population, sous estimant ainsi les progrès de l’agriculture, le Club de Rome et ses «limites à la croissance» (1972), en passant par Marx qui prévoyait l’effondrement, par crises successives, du capitalisme du fait de «la baisse tendancielle du taux de profit». Fil rouge de l’ouvrage : en définitive, mis au pied du mur, par son ingéniosité, son inventivité, par la technologie, l’homme finit toujours par trouver des solutions aux défis les plus lourds ou obstacles en apparence les plus infranchissables. Pourquoi, nous dit Nicolas Bouzou, ces leçons de l’histoire ne s’appliqueraient-elles pas à nos temps modernes ? Que l’on en juge. Le Covid ?
L’auteur y voit la preuve de l’ingéniosité humaine. C’était «la première fois dans l’histoire de l’humanité que le monde est tout entier frappé par la même crise, uni contre un ennemi commun». Et malgré le nombre de morts, les carences de la solidarité envers les pays pauvres ou l’insuffisante prise en compte des pathologies mentales liées aux confinements, quel «exploit scientifique : un vaccin a été trouvé, en un temps record, basé sur une technologie, l’ARN messager, innovante et sûre». Résultat : «quatorze milliards de doses ont été administrées dans le monde». Et Bouzou d’affirmer : «le succès de la vaccination anti-Covid illustre le génie humain lorsqu’il s’agit de résoudre un problème grave».
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Autre exemple : celui du réchauffement climatique et de ses conséquences, source d’un débat que l’auteur estime «pollué par l’écologie radicale» alors que «c’est la volonté d’action et de réussite qui devrait se substituer à la peur et à la culpabilisation». Face à ce défi majeur nous devons à la fois tendre vers la désormais fameuse «neutralité carbone», ce qui veut dire limiter le plus rapidement possible l’utilisation des énergies fossiles et nous adapter à la hausse des températures, par exemple, par une meilleure utilisation de l’eau ou par des logements mieux isolés. Mais, affirme l’auteur, contrairement à une idée reçue «il est simplement faux de prétendre que le monde n’agit pas contre le réchauffement climatique» : «les émissions baissent rapidement dans l’Union Européenne et aux Etats-Unis», et même les grands pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre, la Chine et l’Inde, ont engagé des politiques volontaristes pour atténuer puis inverser le phénomène.
Mieux encore : plusieurs pays développés (les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France notamment) ont prouvé qu’un pays pouvait à la fois réduire ses émissions de gaz à effet de serre tout en continuant à augmenter son revenu national, son PIB. Autrement dit, en accroissant la part des énergies dites «bas carbone» (nucléaire, hydraulique, énergies renouvelables), nous ne sommes nullement condamnés à la «décroissance» pour lutter contre le réchauffement climatique. Là encore, la technologie viendra au secours de l’humanité : l’auteur rappelle à juste titre les espoirs que nous pouvons fonder sur la «fusion nucléaire», rêve d’une énergie illimitée et peu coûteuse, les «gisements d’hydrogène blanc (un gaz dont la combustion n’émet pas de carbone)» ou la capture des émissions de CO2, y compris dans l’atmosphère.
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Le reste de l’ouvrage est à l’avenant : nous allons pouvoir lutter contre toutes les formes de cancers, nous ne devrions pas craindre l’essor de l’Intelligence Artificielle qui, loin de signifier «la fin du travail» pourrait «rendre le travail plus rémunérateur et intéressant» etc. Nicolas Bouzou pêche-t-il par «naïveté» ? Au détour de tel ou tel paragraphe il peut arriver au lecteur de le penser. Et l’auteur lui-même, qui paraît anticiper la critique, multiplie faits et arguments pour la contrer. En toute hypothèse, voici un livre à la lecture aisée et pédagogique, un joli plaidoyer pour l’action.