Géopolitique

Le Maroc, enjeu stratégique dans la nouvelle guerre commerciale sino-américaine

Au cœur de l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie, le Maroc s’affirme comme un hub stratégique reliant l’Afrique, l’Europe et le monde arabe. Avec 6 milliards de dollars d’échanges en 2022 et des projets majeurs comme Tanger Tech, ce partenariat prometteur s’accompagne de défis économiques et géopolitiques à l’aune d’une autre mandature de Trump sur fond de guerre commerciale.

Les relations économiques entre le Maroc et la Chine connaissent une croissance remarquable, portée par une vision stratégique commune et des opportunités de collaboration dans des secteurs clés. Depuis l’établissement de leur partenariat stratégique en 2016, les deux pays ont multiplié les accords de coopération, faisant du Maroc un pilier dans la stratégie chinoise de la Nouvelle Route de la Soie. En 2022, les échanges commerciaux entre les deux nations ont atteint près de 6 milliards de dollars, positionnant la Chine comme le troisième partenaire commercial du Maroc, derrière l’Union européenne et les États-Unis. Cette dynamique reflète une volonté partagée de renforcer les investissements et de développer des infrastructures modernes pour faciliter les flux économiques.

Lire aussi | Liaison Casablanca-Pékin: La RAM scelle son retour en Chine avec 16 conventions

Le Maroc occupe une place stratégique dans le projet chinois des « Nouvelles Routes de la Soie » grâce à sa situation géographique exceptionnelle, au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Casablanca, Tanger et Nador se profilent comme des hubs logistiques et commerciaux d’envergure. Des projets d’envergure tels que la cité Mohammed VI Tanger Tech, un parc industriel destiné à accueillir des entreprises chinoises, illustrent l’ambition de Pékin de faire du Maroc une tête de pont pour ses échanges avec l’Afrique, continent considéré comme une priorité pour la Chine. En parallèle, le Maroc mise sur cette coopération pour dynamiser sa stratégie de développement industriel et renforcer ses infrastructures de transport.

Cependant, si ce partenariat offre de nombreuses opportunités, il soulève aussi des défis économiques et géopolitiques. À l’heure où le monde est marqué par des concurrences énormes sur le plan économique, et surtout le retour du protectionnisme américain, le Maroc, dans les prochaines années, peut devenir un terrain de compétitivité commerciale des puissances internationales.

Le Trumpisme et le retour de la guerre commerciale ?

Le premier mandat de Trump a été marqué par l’émergence de la guerre commerciale avec Pékin où le mastodonte chinois Huawei a été la cible du protectionnisme américain. De retour à la Maison-Blanche, l’on semble reparti pour un autre épisode. Surtout à l’heure où la Chine s’affirme davantage sur le terrain économique. Par exemple, dans le secteur des véhicules de demain, la Chine est un véritable leader mondial, avec des ventes annuelles de voitures électriques à batterie (BEV) qui sont passées d’environ 10 000 unités en 2012 à 4,4 millions en 2022 (soit une hausse de 44 000 %), selon Statista.

Lire aussi | Commerce mondial : La Chine veut conquérir la Méditerranée par la grande porte du Royaume

Même si ce dynamisme pourrait présenter des opportunités de business dans certaines régions du monde, dans d’autres, l’heure est au protectionnisme. Le constat est que les exportations chinoises de véhicules électriques sont confrontées à des politiques protectionnistes croissantes en Europe et aux États-Unis. Le Pacte vert de l’UE et ses politiques d’autonomie stratégique ouverte visent à protéger les chaînes d’approvisionnement industrielles et à réduire leur dépendance à l’égard de la Chine. Chez le voisin américain, la loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA) encourage le « friendshoring » et contre la Chine pour dominer les chaînes d’approvisionnement occidentales dans le marché des véhicules électriques et les batteries. Face à ces barrières à l’entrée, la Chine est contrainte de jouer la carte de la délocalisation.

Le Maroc, une alternative…

« Le Maroc, dans le cadre de sa stratégie de décarbonation du secteur du transport, prévoit de créer une véritable industrie de véhicules électriques compétitive. La proximité avec l’Europe et l’entrée en vigueur de la future taxe carbone début 2026 poussent les investisseurs à se tourner vers d’autres marchés comme celui du Maroc. Une batterie fabriquée en Inde ou en Chine, par exemple, coûtera plus cher pour entrer sur le marché européen qu’une batterie fabriquée à presque 10 km des frontières », nous confie une de nos sources. À la lumière de son positionnement stratégique et surtout de la coopération économique dynamique qui lie les deux pays, le Maroc dispose aussi d’un écosystème automobile mature et parmi les plus avancés d’Afrique, de réseaux ferroviaires et routiers, d’une main-d’œuvre compétente et d’un cadre réglementaire très smart. Il faut d’ailleurs noter que le Maroc est membre de l’initiative chinoise « Ceinture et Route » depuis 2017 après avoir signé un accord de partenariat stratégique avec la Chine lors de la visite du roi Mohammed VI à Pékin en 2016.

Une diversification économique

Le Maroc, ces dernières années, est inscrit dans une diplomatie économique ouverte aux possibles. L’Espagne, la France, les USA, le Royaume-Uni, la Chine, l’Afrique… les relations économiques du Maroc sont ouvertes à un large horizon. Par exemple, le projet type du TGV est un exemple de cette vision du Maroc, où l’on peut retrouver divers acteurs, y compris le partenaire chinois. Avec Covec, ils sont près de quatre le nombre des entreprises chinoises désignées à ce jour pour mener les travaux de génie civil de la future LGV. On a, entre autres, CRCC 20, China Railway No.04 Engineering et Shandong Hi-Speed Engineering-Construction. Il faut d’ailleurs rappeler que telle une nation émergente, avec ses ambitions sur la scène internationale, le Maroc est dans une posture stratégique d’ouverture. Dans l’un de ces rapports, le laboratoire de réflexion IRES s’était penché sur le sujet.

Lire aussi | L’UE adopte jusqu’à 35% de surtaxes sur les voitures électriques importées de Chine

« Fort d’une économie ouverte qui se diversifie, disposant d’infrastructures modernes (Port Tanger Med, aéroports, TGV…) et grâce à ses partenariats avec l’Europe et les États-Unis, le Maroc, en tant que hub régional, peut jouer un rôle actif dans le déploiement des Nouvelles Routes de la Soie. En outre, de par leur expérience avérée des marchés africains, les entreprises marocaines pourraient être des partenaires de choix pour les entreprises chinoises », expliquait l’étude de l’IRES.

 
Article précédent

Soudain, le miel devint un trend au Maroc

Article suivant

Ceci est l'article le plus récent.