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Les banques américaines se positionnent en Afrique: le Maroc doit-il s’inquiéter ?

Prenant le contrepied des banques européennes qui s’éloignent du continent, leurs concurrentes américaines y renforcent leur présence… on vous donne plus de détails.

Changement de paradigme. Pendant que les banques européennes quittent l’Afrique, leurs concurrentes américaines multiplient les marques d’affection vis-à-vis du continent. Selon le FMI, d’ici 2025, neuf pays africains figureront parmi les 20 économies les plus dynamiques au monde. Cette statistique reflète un potentiel de croissance attractif pour les investisseurs, en particulier dans des secteurs tels que les infrastructures, la technologie, l’énergie et la finance inclusive.

Il faut croire que les banques américaines ne prennent guère à la légère ces prédictions du FMI. « Nous voulons ajouter un pays ou deux (ou renforcer notre présence) en Afrique, tous les deux ans environ », alertait en octobre dernier Jamie Dimon, le PDG du groupe JP Morgan, la première banque mondiale.

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En plus de JP Morgan, deux autres groupes américains ont également jeté leur dévolu sur l’Afrique. « Bank of America et Citi » ont renforcé leurs services aux entreprises tout comme le conseil aux États. Dans les détails, les cinq premiers conseillers financiers dans le domaine des fusions-acquisitions en Afrique subsaharienne au premier semestre 2024 sont des banques américaines.

Illustration : dans sa nouvelle tentative, en début d’année, d’acquisition du géant sud-africain Multichoice – opération qui tient en haleine tout le secteur audiovisuel africain –, Canal+ détenu par Vincent Bolloré a ainsi engagé BofA Securities et JP Morgan comme conseillers financiers. Ce top 5 accapare 94 % de la valeur des opérations, selon la société d’analyses de données financières LSEG Data & Analytics, Morgan Stanley arrivant en tête sur la période avec des opérations se montant à 15,4 milliards de dollars.

Champion des fusions-acquisitions

Dans ce domaine, Citigroup (20,3 milliards de dollars de revenu au troisième trimestre 2024), dirigé par Jane Fraser, jouit d’une aura véritable forte de son ancienneté et de son implantation.

En 2022, par exemple, la banque a octroyé une facilité de crédit renouvelable de 125 millions de dollars à AirTel Africa et a aidé la start-up médicale ghanéenne mPharma à lever 35 millions de dollars. Avec sa récente tournée africaine, le DG de JP Morgan, Jamie Dimon, a clairement indiqué que son groupe souhaitait rattraper une partie de son retard.

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De son côté, JP Morgan a été en mai dernier. JP Morgan Chase a signé un accord de financement de 200 millions de dollars avec le Rwanda, partiellement garanti par le Fonds africain de développement (FAD) de la Banque africaine de développement (BAD).

Rappelons que JP Morgan a été parmi les cinq banques sélectionnées, en tout début d’année, par la Côte d’Ivoire pour émettre son eurobond de 2,5 milliards de dollars.

Cheval de Troie des États-Unis

La Chine a supplanté aujourd’hui les États-Unis en tant que premier partenaire économique et financier du continent africain. De surcroît, la seconde puissance économique mondiale est derrière les financements de nombreux projets structurants d’infrastructures (barrages hydroélectriques, chemins de fer, autoroutes…).

La Chine est devenue le principal prêteur de nombreux pays africains au moment où l’accès aux sources de financement est de plus en plus difficile. Face à cette situation, les États-Unis ambitionnent de réoccuper le terrain en Afrique.

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Avec ses banques, l’Amérique compte revenir sur le terrain du financement sur le continent. Au Gabon, par exemple, en 2023, Bank of America associée à la Société financière de développement américaine (DFC, bras financier de la politique de développement de l’administration de Washington), a piloté une dette-nature – allègement de la dette extérieure contre des investissements locaux dans la protection de l’environnement – de 500 millions de dollars au Gabon.

JP Morgan, Citi, BofA Securities et Morgan Stanley ont supervisé 44,2 % de la dette des pays subsahariens au premier semestre 2024, selon LSEG Data & Analytics.

Et il n’y a pas que le secteur bancaire privé américain qui s’intéresse au continent. Au niveau du public, les États-Unis ont mis en place l‘US International Development Finance Corporation (DFC) en 2019 pour porter les couleurs d’une stratégie offensive vers les pays à revenu faible et intermédiaire, notamment en Afrique.

Après Johannesburg, mégapole à partir de laquelle elle couvre toute l’Afrique australe depuis 2020, DFC est en cours d’implantation à Nairobi au Kenya et à Abidjan en Côte d’Ivoire, pour couvrir l’Afrique de l’Est et de l’Ouest. À partir de décembre prochain, l’institution américaine ouvrira un bureau à Rabat, au Maroc, pour couvrir l’Afrique du Nord.

Les Marocains doivent-ils s’inquiéter ?

« La concurrence aux banques marocaines sera activée. Le positionnement marocain est solide. La récente poussée est salutaire. Il faut continuer à consolider la forte place dans les pays d’accueil actuel en Afrique du Nord et de l’Ouest et les quelques pays anglophones de présence.

Ne pas exclure le partenariat avec les pays anglophones avec les banques américaines. Il faut aujourd’hui renégocier le deal dans le cadre de l’ALE Maroc-USA. Nécessité de rééquilibrer la balance par les finances », explique l’économiste Ahmed Azirar.

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« Pour faire face à cette concurrence, les banques marocaines pourraient envisager des partenariats stratégiques avec JP Morgan sur des projets complexes. Elles ont aussi une chance de renforcer leur présence sur le segment des petites et moyennes entreprises (PME), un domaine que JP Morgan ne priorise pas.

Grâce à leur connaissance approfondie du marché local et à leurs positions solides, les banques marocaines ont la possibilité de s’adapter et de tirer parti de cette situation pour rester compétitives sur le continent », nous confie Zakaria Fahim, Managing Partner de BDO Maroc.

 
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