L’IA, nouveau moteur de transformation pour le Maroc
Alors que le Maroc s’engage dans sa transformation digitale, l’intelligence artificielle (IA) se révèle être un levier majeur pour transformer l’éducation, l’entrepreneuriat, la santé et bien d’autres secteurs. Houda Nait El Barj, Responsable des projets spéciaux en Recherche à OpenAI, détaille comment cette technologie peut changer la donne.
L’intelligence artificielle (IA) ne cesse d’élargir son champ d’application, bouleversant les systèmes traditionnels dans le monde entier. Au Maroc, cette révolution est d’autant plus pertinente qu’elle peut répondre à des enjeux économiques, sociaux et environnementaux majeurs. Houda Nait El Barj, Responsable des projets spéciaux en Recherche à OpenAI, met en lumière les opportunités que l’IA offre aux Marocains.
«Aujourd’hui, l’intelligence artificielle se décline sous plusieurs formes qui ont toutes des retombées majeures pour les Marocains. D’abord, dans l’éducation, l’IA peut pallier de nombreuses lacunes du système actuel, notamment en offrant un suivi personnalisé aux élèves», explique Houda Nait El Barj. Dans un contexte où de nombreux étudiants doivent suivre des cours de soutien faute de ressources suffisantes, l’IA pourrait devenir un allié précieux. En répondant aux questions, en expliquant les leçons ou en jouant le rôle de tuteur sans limite de temps, elle peut offrir un accompagnement équitable et de qualité, quel que soit le milieu social.
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L’entrepreneuriat est également une des grandes promesses de l’IA. « Aujourd’hui, n’importe quel entrepreneur peut bénéficier d’un modèle d’IA qui l’assistera dans sa comptabilité, ses démarches administratives, ses études de marché ou encore ses plans marketing », poursuit-elle. Cette accessibilité aux outils numériques nivelle les différences socio-économiques, permettant à chacun de concrétiser ses idées avec des ressources adaptées. La capacité de l’IA à offrir des conseils précis et personnalisés constitue une opportunité unique pour booster l’innovation marocaine.
En matière de santé, l’IA pourrait alléger la pression qui pèse sur les hôpitaux marocains. Les modèles d’IA se montrent étonnamment performants pour poser des diagnostics, recommander des traitements ou même prévoir des épidémies. « Ils peuvent réduire la durée des consultations et améliorer l’accès aux soins, tout en augmentant la précision des pronostics », souligne Houda Nait El Barj. Dans un pays où l’accès à des services médicaux de qualité reste un défi, l’IA pourrait transformer le paysage de la santé publique.
Mais ce n’est pas tout. L’agriculture, pilier de l’économie marocaine, pourrait aussi tirer profit de l’IA. Optimisation des cultures, gestion précise de l’irrigation face à la pénurie d’eau, prédiction des conditions météorologiques… autant de champs où l’IA peut apporter des solutions concrètes. À cela s’ajoutent les services publics, qui pourraient devenir plus transparents et efficaces grâce à l’automatisation et à l’analyse des données.
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« Et pour faire en sorte que ces avancées profitent au plus grand nombre et ne renforcent pas les inégalités, le gouvernement doit d’abord s’assurer d’un accès généralisé à l’IA et à Internet. Il lui revient de garantir que tous les étudiants des collèges et lycées publics bénéficient d’un accès gratuit aux modèles d’IA, en leur fournissant une tablette et une connexion stable, de façon à démocratiser réellement cet outil, quelle que soit leur situation sociale » explique l’experte. Elle ajoute « Il serait également essentiel d’organiser des cours d’initiation pour aider chacun à utiliser ces modèles de manière responsable et efficace. »
Le gouvernement devrait également investir dans les infrastructures numériques. « En étendant la couverture Internet haut débit et en veillant à ce que les zones reculées bénéficient elles aussi d’un accès fiable, il est tout aussi nécessaire de promouvoir la culture de l’IA en lançant des programmes de formation et des ateliers qui familiariseraient les citoyens avec les fondements de cette technologie et son impact sur l’avenir du travail », poursuit Houda Nait El Barj.
Pour accompagner cette dynamique, elle recommande également de soutenir les PME et les startups : « Il convient de mettre en place des incitations comme des exonérations fiscales, des subventions ou la création de hubs d’innovation dédiés, afin d’encourager les petites entreprises à adopter et à développer des solutions d’IA. » Toutefois, elle insiste sur la nécessité d’encadrer cette technologie : « Le gouvernement doit également encadrer cette technologie de manière responsable et éthique en élaborant un cadre juridique solide sur la protection des données personnelles, l’équité algorithmique et la définition des responsabilités liées à l’IA, tout en tenant compte des sensibilités culturelles et sociales du pays.»
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Enfin, elle met en lumière l’importance de la collaboration régionale : « Il apparaît indispensable d’encourager la collaboration régionale en établissant ou en renforçant des partenariats avec les pays africains et méditerranéens. Cette stratégie permettrait de mutualiser les meilleures pratiques et les ressources, et de favoriser des projets communs dans le domaine de l’intelligence artificielle. »
Houda Nait El Barj conclut en expliquant que « les universités marocaines doivent avant tout miser sur la réflexion et l’esprit critique, car dans un monde où l’IA peut déjà accomplir un grand nombre de tâches, la valeur ajoutée de l’humain réside dans sa capacité à réfléchir, à remettre en question les résultats proposés par la machine et à améliorer ces propositions grâce à sa créativité».
Elle préconise également une réforme des programmes «Les cursus gagneraient à accorder davantage de place au développement de l’esprit critique et de la créativité, plutôt qu’à l’apprentissage par cœur. Les programmes universitaires devraient introduire des cursus spécialisés en IA, en science des données et en apprentissage automatique, tout en intégrant des modules d’IA dans des domaines plus vastes tels que le commerce, la santé, le droit ou les sciences humaines. »
Pour favoriser l’innovation, elle encourage l’interdisciplinarité « Les établissements d’enseignement supérieur auraient tout intérêt à favoriser l’interdisciplinarité en créant des laboratoires collaboratifs et des clubs étudiants qui réunissent des disciplines différentes pour stimuler l’innovation à l’interface de ces domaines variés. »
Enfin, elle insiste sur les partenariats avec l’industrie « Il serait particulièrement pertinent pour les universités de s’associer avec l’industrie, qu’il s’agisse d’entreprises locales ou internationales, afin de permettre aux étudiants de travailler sur des cas concrets et d’explorer des applications de l’IA adaptées aux besoins spécifiques du Maroc. »
L’avenir de l’intelligence artificielle au Maroc semble donc prometteur. Qu’il s’agisse d’améliorer les conditions de vie ou de stimuler l’économie, cette technologie a le potentiel d’être un véritable catalyseur de changement pour des millions de Marocains.