Loi immigration en France : l’accélération de la régression
La « France des lumières » semble, de plus en plus, céder la place à la « France de l’obscurité ». La loi immigration, adoptée le 19 décembre, est avant tout un signe précurseur d’une descente vers le bas, un abandon des valeurs humanistes qui ont été à la base de la puissance et de la richesse immatérielle de la France. Quels impacts sur l’étranger, l’immigré, et notamment la diaspora marocaine ? Par M. Amine.
La France connait depuis longtemps une crise globale. Au lieu de s’attaquer aux véritables causes de cette crise, le pouvoir politique actuel a recours à un bouc émissaire : l’immigré. L’autre c’est l’enfer. L’étranger est un danger. L’immigré, surtout arabe, musulman, maghrébin, africain, serait potentiellement un individu dangereux, un délinquant ou criminel potentiel, voire un terroriste en projet. En fait, l’immigré d’aujourd’hui fait face au racisme systémique et à la pire des ingratitudes. Revenons un peu à l’histoire récente pour mieux comprendre cette ingratitude. Aussi bien au cours de la 1ère guerre mondiale (GM) que la seconde GM, ce sont des « étrangers » engagés dans les colonies d’hier qui viendront combattre sous le drapeau français, et très souvent en première ligne. Puis, en 1945, les grandes villes de l’Europe, et notamment celles de la France, ont été presque totalement détruites. Par ailleurs, les guerres ont été à l’origine de millions de morts, surtout de sexe masculin. Les bras manquaient pour la reconstruction de l’Europe. La France a trouvé ces bras qui manquent dans les colonies et ex colonies. Ensuite, la phase qui a suivi la reconstruction de l’Europe, a été celle de la croissance, des « trente glorieuses ». Beaucoup de travaux n’étaient pas encore mécanisés, dans presque tous les secteurs économiques. Là aussi, la main d’œuvre immigrée nécessaire était disponible. Et jusqu’à aujourd’hui, c’est cette main d’œuvre qui occupe les emplois les plus durs et les plus salissants ou à risques, notamment dans les BTP, et dans les services de nettoyage, de gardiennage, d’éboueurs (…). Actuellement, la majorité de la main d’œuvre employée dans les chantiers de constructions des infrastructures prévues pour les jeux olympiques 2024, à Paris, est d’origine étrangère. Beaucoup de descendants de l’ancienne génération d’immigrés sacrifiée ont pu poursuivre leurs études à un niveau supérieur, dans plusieurs domaines. Cette nouvelle génération aspire légitimement à une vie meilleure, à plus d’égalité et surtout au respect de la dignité. Cela dérange. Cela devient une situation potentiellement conflictuelle. Et le pouvoir en crise en profite. C’est une aubaine pour détourner l’attention des gens, et surtout instrumenter leur colère, en désignant l’étranger comme ennemi public n° 1. Quoi de plus facile que de gouverner par la peur. Cette peur qui annihile la raison, rend aveugle et fertilise le terrain de la haine.
Voilà donc le contexte socio-historique de cette « loi immigration », considérée, à juste titre, par une cinquantaine d’ONG en France, comme étant « le texte le plus régressif depuis au moins 40 ans », et déplorant une « xénophobie décomplexée ». Il est loin le temps d’un Zola rédigeant le texte intitulé « J’accuse ! » face à l’affaire Dreyfus. Un texte qui a mobilisé une majorité de français épris de justice. Il est loin le temps d’un Jean Jaurès assassiné pour avoir osé dénoncer les guerres coloniales. Où est passé la France de 1968 ? La « bête immonde » semble à nouveau prendre du poil.
Quels impacts de cette loi sur la diaspora marocaine en France ? Celle-ci est démographiquement le second groupe ethnico-culturel le plus important, après la diaspora algérienne. D’après les statistiques de 2019 (INSEE), plus de 1,7 million de marocains vivaient en France, à cette date. La première vague migratoire a eu lieu dès le début du 20ème siècle. Pendant la 1ère GM, la France comptait déjà 15 000 travailleurs marocains. Aujourd’hui, après la fermeture des portes de l’Union Européenne, ce sont surtout des étudiants qui immigrent en France pour poursuivre leurs études. La plupart terminent leurs études et retournent à leur pays. Ce qui devrait être perçu comme une source d’enrichissement réciproque de la France et du Maroc qui , au cours des 20 dernières années, a entamé un processus de développement qui commence à donner ses fruits. Mieux, avec le nouveau modèle de développement (NMD), le Royaume dispose d’une vision stratégique et se prépare à de nouveaux défis. L’impact de cette « loi immigration » risque surtout de porter atteinte aux enfants nés en France et ayant des parents anciens immigrés. De nombreuses dispositions de la « loi immigration » sont tout simplement discriminatoires, voire contraires à la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). Elles consacrent la ségrégation et renforcent le racisme systémique.
Le Maroc, concerné par cette loi, ne peut pas rester les bras croisés, en cas de traitement inhumain de ses ressortissants, notamment les étudiants marocains en France, qui vont se voir imposer une « caution retour » pour l’obtention d’un premier titre de séjour étudiant. Par ailleurs, l’une des dispositions de la « loi immigration » peut être perçue comme un chantage ou menace. En effet, cette disposition conditionne la délivrance des visas et l’aide publique au développement, à la bonne délivrance des laissez-passer consulaires par les Etats d’origine. Ce même texte prévoit aussi la radiation auprès de la sécurité sociale et du Pôle emploi, des étrangers faisant l’objet d’un refus de séjour, d’un retrait de titre de séjour ou d’une expulsion. Plus grave, le texte durcit les conditions d’accès au séjour des étrangers malades et transforme l’aide médicale d’Etat (AME) destinée aux sans papiers, en une aide médicale d’urgence (AMU) plus restrictive. Déjà le système de santé en France est en crise. Avec ce texte, le traitement sanitaire discriminatoire de l’étranger sera fortement assimilable à une « non assistance à une personne en danger », acte pénalement répréhensible. C’est le visage haineux et hideux de l’extrême droite qui se dessine à l’horizon….
Les principaux amendements introduits au niveau du sénat pour obtenir le soutien de l’extrême droite au vote Après le rejet du projet de loi immigration au niveau du Parlement et son retour au sénat pour réexamen, la majorité gouvernementale a préféré faire collusion avec l’extrême droite. En première lecture, les sénateurs ont largement modifié le projet de loi, notamment en matière de séjour, d’accès aux soins et de prestations sociales : en instaurant des quotas migratoires (les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration devront faire l’objet d’un débat annuel au Parlement, lequel devra voter, pour trois ans, le nombre des étrangers, par catégorie, admis à s’installer en France, hors asile) ; en durcissant les conditions du regroupement familial (durée de séjour en France pour demander le regroupement familial rallongée de 18 à 24 mois…) ; en restreignant l’accès à une carte de séjour et de résident pour les conjoints de Français et parents d’enfants français; en créant une caution « retour » pour l’obtention d’un premier titre de séjour étudiant ; en durcissant les conditions d’accès au séjour des étrangers malades et en transformant l’aide médicale d’État (AME) destinée aux sans-papiers en une aide médicale d’urgence(AMU) plus restrictive ; en rétablissant le délit de séjour irrégulier, qui sera passible d’une amende de 3 750 euros; en conditionnant l’accès à certaines prestations sociales(allocations familiales, aide personnalisée au logement…) à cinq ans de séjour régulier en France. |