Maroc Digital 2030 livré fin septembre
Après presque deux ans de préparation, la nouvelle stratégie du numérique semble prête. C’est ce que nous confie une de nos sources. On vous éclaire sur les défis…
Maroc Numeric, Maroc Digital, Morocco Tech, et très prochainement Maroc Digital 2030… Les ambitions du Maroc dans le domaine de la digitalisation sont claires : faire de la digitalisation un des piliers de son développement et un atout clé dans l’amélioration de la gouvernance.
Conscient donc des opportunités que représente l’économie numérique, cette nouvelle stratégie, qui sera effective à la fin du mois de septembre selon une de nos sources, se veut être un catalyseur pour les enjeux du Maroc dans le chantier du Hub numérique continental. D’après notre source, cela fait maintenant près de deux ans que « Maroc Digital 2030 » est en cours d’élaboration et cette sortie ce mois-ci sera un véritable signal fort pour tous les acteurs de l’écosystème. Cependant, il faut noter que c’est dans un contexte de défis que Maroc Digital 2030 intervient. Une étude de l’IMIS, publiée il y a quelques mois, alertait sur ce chantier dantesque. Intitulée Souveraineté Numérique : Pourquoi le Maroc ne peut y échapper, elle aborde la question de la souveraineté numérique et de la manière dont le Maroc doit progressivement construire et gérer cet outil stratégique sur le long terme.
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Ainsi, à l’aune de l’ambition de Hub digital du Maroc, l’objectif affiché par les experts de l’Institut est d’identifier les domaines stratégiques permettant de poser les fondations solides d’une politique numérique souveraine et pragmatique, tenant compte des réalités du terrain et des limites en capital auxquelles est confronté le Royaume. « Cette situation où notre continent ne dispose pas des atouts pour assurer une autonomie numérique même élémentaire est, bien entendu, alarmante. Pour le Maroc, qui ambitionne de devenir la première puissance numérique en Afrique, il s’agit donc d’un enjeu vital et d’une condition pour un développement économique soutenable et inclusif sur le long terme, pour renforcer à terme son influence à l’échelle régionale », lit-on dans le rapport.
« Dans le cas du Maroc, le pays est doté d’atouts indéniables qui lui permettraient de prétendre à un statut de « sherpa » en tendant vers un niveau de souveraineté numérique inédit sur le continent. S’il réussissait cette transformation, il lui serait ensuite possible de s’appuyer dessus pour en faire bénéficier ses partenaires subsahariens. Mais pour cela, il convient tout d’abord de cerner les enjeux sous-jacents et non adressés jusqu’ici, qui vont de la déstabilisation à l’ingérence étrangère, en passant par l’asymétrie technologique. Toutefois, ce volet stratégique porte en lui autant d’opportunités, à condition que le Royaume se mette en position favorable pour les attirer ».
Le programme Digital Morocco 2030, impulsé par Ghita Mezzour, ministre déléguée chargée de la transition numérique et de la réforme de l’administration, ambitionne d’accompagner la digitalisation des services publics et de dynamiser l’économie numérique via la création de 200 000 emplois à l’horizon 2030. En simplifiant les démarches administratives des citoyens marocains, en augmentant les fonds dédiés aux startups technologiques et en facilitant l’accès au capital-risque, le Maroc poursuit les efforts nécessaires pour booster son écosystème entrepreneurial », nous confiait Safa Faraj, Directrice Générale d’Atos Afrique, dans l’une de nos interviews sur le sujet.
Datacenters, cloud et flux de données : catalyseurs du développement numérique ?
Disposer de ses propres infrastructures numériques et se doter de la capacité de stocker ses données in situ est donc avant tout un enjeu économique, avant d’être un enjeu de sécurité nationale. De plus, selon les experts de l’IMIS, ce secteur représente une véritable manne. Le Royaume accuse aujourd’hui un retard important dans le développement du cloud et, plus généralement, dans l’externalisation des ressources informatiques : le taux d’externalisation ne dépassait pas 14 % en 2020, alors qu’il atteignait 35 % en Europe de l’Ouest et 51 % en Asie-Pacifique. « Comme toute stratégie, deux facteurs conditionneront la réussite de cette nouvelle vision digitale du gouvernement : la gouvernance de sa mise en œuvre et les moyens qui lui seront alloués. Premièrement, la mise en œuvre des orientations de cette nouvelle feuille de route digitale doit être soutenue par un suivi et un pilotage au bon niveau, c’est-à-dire au niveau du Chef du Gouvernement. C’est la seule configuration qui permet de confirmer le caractère interministériel de cette stratégie et de garantir la cohérence d’ensemble des actions entreprises par les différents départements. Ensuite, cette stratégie nationale, qui est aujourd’hui transversale, devra s’appuyer sur des feuilles de route déclinées par département (éducation, santé, industrie, finance, etc.) qui permettent d’opérationnaliser cette vision et de la concrétiser via des projets pertinents et ciblés adaptés à chaque contexte sectoriel.
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Deuxièmement, la crédibilité de cette stratégie et le sérieux de l’ambition du gouvernement pour une économie et une administration numériques dépendront fondamentalement des moyens et des ressources qui seront alloués aux différents programmes introduits par cette vision. Les investissements numériques pour développer des infrastructures, construire des solutions, encourager l’innovation et acquérir les bonnes compétences sont conséquents. Certes, le contexte budgétaire est contraignant et les priorités se concurrencent, mais il est nécessaire que le gouvernement active les leviers à sa disposition, notamment en recourant à des financements innovants et en impliquant davantage le secteur privé pour assumer une partie de ces investissements. Ce qui est rassurant aujourd’hui, c’est que nos responsables politiques sont plus que jamais conscients du potentiel économique et social du numérique. Reste à traduire cette prise de conscience par un engagement concret. Ce qui est moins rassurant, c’est que la concurrence internationale est de plus en plus rude autour des technologies numériques de pointe (technologie quantique, IA…), les écarts se creusent rapidement et chaque retard sera sévèrement sanctionné », nous confie Hicham Kasraoui, consultant en IT, expert à l’Institut Marocain de l’Intelligence Stratégique (IMIS).
L’enjeu des compétences
L’employabilité des talents sur le territoire et dans l’intérêt national est la clé d’une souveraineté numérique pérenne pour le Royaume. Le capital humain est le seul véritable capital d’une économie numérique, ou à minima l’intrant principal qui permet aux autres volets de l’industrie numérique de se développer. Sans l’ingrédient fondamental d’une main-d’œuvre qualifiée disposant de compétences adéquates, il est vain de se lancer dans la course. Il s’agit donc de réduire l’écart entre compétences numériques, marché et besoins nationaux pour la souveraineté numérique, afin d’accélérer l’acquisition de compétences numériques pour la transformation digitale de l’économie nationale. « Ce plan est l’occasion d’aller plus loin en accélérant la modernisation de nos infrastructures, tout en plaçant l’humain au cœur de cette transformation. La transformation numérique nécessite un changement profond des mentalités et des pratiques. Il est donc primordial d’investir massivement dans la formation des talents, aussi bien au sein des entreprises que dans l’administration publique. Cela créera un écosystème digital robuste, capable de répondre aux exigences croissantes du marché. Enfin, l’innovation et l’accompagnement du tissu économique (grande entreprise, PME, TPE et startups) constituent un autre enjeu clé. La mise en place d’incubateurs et de fonds d’investissement pour les entreprises technologiques locales permettra au Maroc de jouer un rôle encore plus important dans le développement des solutions digitales, non seulement pour le marché national, mais aussi à l’échelle africaine et internationale », prévient Omar Benmoussa, Managing Partner de Maltem Academy.
Intelligence artificielle et informatique quantique : comment rester dans la course des technologies de rupture ?
Selon les estimations les plus conservatrices effectuées au cours des travaux de recherche de ce Policy Paper, les prévisions de revenus liés à l’intelligence artificielle sous toutes ses formes devraient approcher les 2 trillions de dollars à horizon 2030. Pour l’IMIS, le Maroc doit adopter un positionnement adapté à ses atouts et besoins pour tirer son épingle du jeu dans la concurrence internationale dans le secteur. Le Royaume s’est doté de certains prérequis, notamment en infrastructures, pour se conformer à la pression mondiale et ne pas décrocher face à l’arrivée sur le marché de concurrents particulièrement innovants et disruptifs. Mais à ce stade, les investissements sont très majoritairement concentrés au niveau d’un seul organisme, l’UM6P. Cette jeune institution a inauguré en février 2021 le supercalculateur le plus puissant d’Afrique, propulsant ainsi directement le Maroc au 26e rang mondial en termes de capacités de calcul. Ainsi, le « African Supercomputing Center » délivre une puissance de calcul équivalente à 8 000 ordinateurs basiques, traitant 3 millions de milliards d’opérations à la seconde. Pour rappel, le Maroc se classe au 88e rang mondial dans le nouveau rapport sur l’indice gouvernemental de préparation à l’intelligence artificielle. Le rapport de MoroccoAI Recommandations towards a National AI strategy for Morocco classe quant à lui le Maroc en 4e position sur son continent.