Gestion des déchets

Maroc en chantier : le revers de la médaille…

Toutes les grandes artères de Casablanca sont en travaux. À la veille de la Coupe d’Afrique et du Mondial, le Maroc est en chantier. Dans l’ancienne médina, en rénovation, on peut voir les restes des dernières bâtisses détruites joncher le sol. Que faire de ces déchets de BTP ?

« Tous les cinq ans, quand vous venez au Maroc, c’est un nouveau Maroc que vous découvrez », déclarait l’ancien ministre des Affaires étrangères sénégalais Cheikh Tidiane Gadio. En effet, aujourd’hui, à la veille de la Coupe du Monde et de la Coupe d’Afrique, le pays est en pleine rénovation. À Casablanca, par exemple, il est impossible de parcourir 100 mètres sans voir un chantier ou encore une route en travaux. Bien que louables, ces transformations à grande échelle posent parfois des inconvénients aux citadins des grandes villes. Outre les nombreux embouteillages qu’ils provoquent, le problème se pose également sur le plan esthétique et en termes de pollution environnementale. Par exemple, dans l’ancienne médina, la construction du gigantesque parking souterrain a laissé place à des tonnes de gravats qui ont modifié le paysage de cet espace emblématique de Casa. Entassés en gros tas, ces déchets de construction laissent les passants curieux de savoir où ils finiront.

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Selon une étude commanditée par le ministère de l’Industrie, le gisement total des déchets au Maroc, qui a atteint l’an dernier 26 millions de tonnes, se répartit entre 7,4 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés, dont 5,9 millions de tonnes en milieu urbain et 1,5 million de tonnes en milieu rural (DMA, représentant 28 % du gisement total), 5,4 millions de tonnes de déchets industriels (DI, 20 % du gisement total), et 14 millions de tonnes de déchets de construction et de démolition (DCD). Ce chiffre pose des défis uniques en termes de collecte et de traitement. Le constat, bien amer, est que le traitement des déchets reste largement insuffisant. Près de 95 % des DMA (déchets ménagers) finissent enfouis ou dispersés dans la nature, en raison du manque de tri à la source et de l’utilisation de décharges non adaptées. S’agissant des déchets de construction et de démolition, qui constituent une part substantielle du gisement total de déchets, avec 85 % issus des travaux publics, l’étude révèle que leur tri sur les chantiers est quasiment inexistant (moins de 5 %).

Rappelons qu’un volume de 95 % des DCD est donc collecté par des circuits informels et déposé, sans tri, dans des décharges, à l’air libre ou dans des carrières. Les collecteurs ne sont donc soumis à aucune autorisation et ne respectent aucune norme malgré le volume conséquent de ces déchets et leur niveau élevé de dangerosité.

Le Haro du PPS !

Face à ce contexte alarmant, le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) a, l’an dernier, proposé un projet législatif visant à compléter la loi n° 28.00, en réponse à la délinquance écologique. Rappelons que la loi n° 28.00, publiée au Bulletin Officiel n° 5480 le 7 décembre 2006, aborde la gestion des déchets en couvrant toute la chaîne, de la collecte jusqu’à l’élimination en passant par le traitement et la valorisation.

Le PPS, dans l’esprit de sa proposition, estime qu’il est nécessaire d’actualiser ce cadre juridique pour prendre en compte les spécificités de ce nouveau modèle économique, parallèlement à la nécessité d’édicter de nouvelles lois visant à mieux suivre le parcours des déchets et parvenir à un équilibre entre les responsabilités des acteurs, notamment en activant le principe du « pollueur-payeur » et en développant une démarche de tri, de recyclage et de valorisation des déchets. Selon cette proposition, « les producteurs de déchets, les transporteurs, les exploitants d’installations de recyclage, de traitement, de valorisation et de stockage, ainsi que les gérants de décharges contrôlées doivent tenir un inventaire des types et des quantités de déchets qu’ils produisent, stockent, traitent, valorisent, transportent ou recyclent ».

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Le PPS appelait à l’instauration d’une amende de 500 à 10 000 dirhams en cas d’enfouissement, de stockage, de traitement, d’incinération ou d’élimination d’ordures ménagères, de déchets industriels, agricoles, médicaux et pharmaceutiques (autres que dangereux) en dehors des lieux désignés. Le PPS proposait également une amende de 200 000 à 5 000 000 de dirhams et une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans pour quiconque mélangerait des déchets dangereux avec d’autres.

Un enjeu de santé et d’esthétique publique

Depuis quelques années, le Maroc s’investit dans le marketing territorial. Cependant, avec les montagnes de déchets de construction, l’image de certaines villes, notamment Casablanca, en souffre. Rappelons que depuis 2006, l’État, par le biais d’une loi, prévoyait la mise en place d’un plan de traitement des déchets de chantiers dans chaque région. À la vue des déchets de chantier dans la nature, notamment sur certains sites, il est clair que peu de mesures ont été prises dans ce sens. Contacté par Challenge, l’économiste istiqlalien Adnane Benchekroune, qui s’est penché sur la question, nous explique : « Il est impératif d’avoir des mécanismes de tri et de traitement de ces déchets. L’État dispose de plusieurs espaces en dehors de la ville qui pourraient servir au stockage de ces déchets ».

Rappelons qu’au niveau de Casablanca, dans une communication, les autorités ont décidé d’imposer des amendes pour inciter les promoteurs immobiliers à gérer les déchets issus des chantiers.

 
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