Maroc. L’étau se resserre autour du PDG du premier producteur d’argent et de plomb du Royaume
Nouvelle étape dans le litige opposant l’Office des changes et la Compagnie minière de Touissit (CMT) de l’homme d’affaires congolais Luc Gérard Nyafé, qui avait pris en 2020 le contrôle du premier producteur d’argent et de plomb du Royaume. A la suite du contrôle effectué par l’Office avant qu’elle ne soit notifiée le 23 octobre 2023 de l’existence d’opérations considérées comme des infractions totalisant un montant de 376.157.000 DH, la CMT devra désormais obtenir l’autorisation de l’office dirigé par Hassan Boulaknadal avant tout transfert d’argent à l’étranger. Ce dernier a récemment saisi les banques dans ce sens, via le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM).
Au Maroc, si les sociétés minières sont autorisées à transférer à l’étranger 20 millions de dollars par an pour des investissements ou des achats d’intrants nécessaires à leur production minière sans avoir à justifier la transaction auprès de l’Office des changes, la Compagnie minière de Touissit (CMT) ne pourra plus pour l’instant bénéficier de cette disposition. Elle doit désormais obtenir l’aval de l’Office des Changes qui vient d’adresser un courrier aux banques locales à travers le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM). Pour cause, l’office soupçonne la CMT de n’avoir pas rapatrié des fonds versés sur le compte de Touissit International Corp (TIC), la filiale internationale de la CMT, enregistré auprès de la banque JP Morgan aux États-Unis.
Pourtant, la CMT a annoncé, mardi 30 janvier dernier, qu’à la suite du contrôle effectué par l’Office des Changes, notifiant l’existence d’opérations considérées comme des infractions, le Procureur du Roi, après enquête et instruction du dossier, n’a retenu qu’une seule opération comme pouvant présenter un caractère irrégulier. « La CMT informe le marché qu’à la suite du contrôle effectué par l’Office des Changes, elle a été notifiée le 23 octobre 2023 de l’existence d’opérations considérées comme des infractions totalisant un montant de 376.157.000 dirhams et pour lequel l’Administration des Douanes a procédé à une saisie conservatoire sur le fonds de commerce de la CMT, M. le Procureur du Roi saisit par ladite administration conformément à la loi, après enquête et instruction du dossier, n’a retenu qu’une seule opération comme pouvant présenter un caractère irrégulier« , avait-il fait savoir dans son communiqué. Et d’ajouter que cette dernière opération porte sur un montant de 5.110.626,90 dirhams et l’amende y afférente, si le Tribunal, désormais en charge du dossier, considérait qu’il s’agissait effectivement d’une infraction, serait équivalente à six fois cette somme.
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Aujourd’hui, cela n’a pas empêché l’Office d’être plus regardant sur les transactions de la CMT avec ses fournisseurs et clients internationaux. Aussi, il se focalise sur deux transactions effectuées après la prise de contrôle de la CMT par Luc Gérard Nyafé et sa société Auplata Mining Group (AMG) : une concernant le non-rapatriement d’argent versé aux États-Unis au courant du premier semestre de 2023 sur le compte de Touissit International Corp (TIC), la filiale internationale de la CMT, par un géant mondial du négoce de matières premières qui s’approvisionne en plomb et en zinc auprès du groupe minier de Touissit, et une autre de montant d’argent en 2022 aux États-Unis sur le compte de TIC. A noter qu’en termes de délai de rapatriement, l’exportateur dispose d’un délai maximum de 150 jours à compter de la date de l’imputation douanière pour encaisser et rapatrier le produit des exportations du Maroc réalisées en vente ferme. Ce qui n’aurait pas été fait.
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Ainsi, l’office piloté par Hassan Boulaknadal veut vérifier si cette manne, encaissée au pays de l’Oncle Sam, a plutôt servi au rachat du groupe aurifère canadien Banro Corporation en République Démocratique du Congo (RDC). Si c’était le cas, cet investissement, avec des revenus de la CMT, aurait dû être conditionné à l’aval de l’Office des changes. A noter que dans ce litige opposant l’office des changes et Luc Gérard Nyafé, ce dernier et son groupe sont défendus par le cabinet Bassamat & Laraqui.
C’est en mars 2023 que l’homme d’affaires congolais a racheté dans son pays les actifs miniers du groupe canadien Banro via un consortium appelé Oriental Jinzi, créé à cette occasion. Luc Gérard Nyafe en serait l’actionnaire majoritaire grâce, notamment, à sa holding constituée par trois sociétés : Auplata Mining Group (AMG) qui est une société de droit français implantée en Guyane française, la Compagnie Minière de Touissit, et Strategos Mining implantée dans la province de l’Equateur.
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Au Maroc, trois années plutôt, Luc Gérard Nyafe qui a fait sa fortune en Colombie et qui conseille le président congolais Félix Tshisekedi, acquiert via sa société Auplata Mining Group (AMG) le solde des parts du fonds luxembourgeois Osead encore non détenus, lui permettant de porter à 100% sa participation au capital du fonds. Cette opération permet ainsi à AMG de contrôler indirectement, par l’intermédiaire de la société Osead Maroc Mining, 37,04% du capital et des droits de vote de la Compagnie Minière de Touissit SA, cotée à la Bourse de Casablanca. Suite à cette opération qui a coûté 25,1 millions de dollars, la gouvernance de CMT a évolue comptant depuis lors un Conseil d’administration renforcé constitué de l’homme d’affaires congolais, qui assume les fonctions de PDG en lieu et place de Mohamed Lazaar nommé Directeur général délégué.
En mettant la main sur la CMT, le repreneur a fait une très bonne affaire car le groupe minier de Touissit est très rentable. En 2018, par exemple, soit deux ans sa prise de contrôle par Luc Gérard Nyafe, la compagnie qui bouclait ses exercices financiers en juin de chaque année, avait généré des dividendes en hausse de 59 % par rapport à 2017, passant de 16,7 à 26,5 millions d’euros. Son chiffre d’affaires s’était élevé à 35 millions d’euros au troisième trimestre 2019 et sa capitalisation boursière totalise 275 millions d’euros (2,9 milliards DH). Il faut souligner aussi que le Maroc est le premier producteur d’argent en Afrique.