Diplomatie

Maroc-UK : la diplomatie du Global Britain !

La nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni considère le Maroc comme un allié stratégique. Tour d’horizon d’une coopération géopolitique et géoéconomique.

Le Brexit a été le point de départ de cette nouvelle politique étrangère du Royaume-Uni. En effet, depuis cette date historique, le pays a redéfini ses objectifs plus larges en matière de politique étrangère et d’action au-delà de l’Europe. Les mémoires se souviennent du fameux discours du 2 février 2020 de Boris Johnson, où il présentait le « Global Britain », cet ambitieux programme fixant les objectifs du gouvernement à l’horizon 2030. Un épais document portant sur la sécurité, la défense, le développement et la politique étrangère, présenté par lui-même comme « le plus important exercice de géopolitique depuis la Guerre froide ». Dans un de ses rapports récents, l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS) s’est penché sur cette nouvelle diplomatie en analysant son volet africain.

« L’Afrique de l’Ouest, comme vu précédemment, occupe un rôle pivot pour la nouvelle stratégie de Global Britain du Royaume-Uni. Le continent offre en effet des ressources énergétiques prometteuses et rassemble des perspectives d’investissement particulièrement attractives, malgré un coût du risque, notamment en matière de financement, qui reste surévalué selon de nombreux experts, dont certains spécialistes de la Banque de France. Dans ce cadre, le Royaume du Maroc, jouissant à la fois de la stabilité macroéconomique, institutionnelle et d’une ouverture commerciale inédite dans la région, dispose de plusieurs atouts pour se positionner en tant qu’interface privilégiée entre le Royaume-Uni et le continent africain », expliquent les experts de l’IMIS.

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Dans le détail, selon l’IMIS, le Maroc est un nouveau “connecteur” de la mondialisation. « Le Maroc occupe une position d’autant plus stratégique pour les intérêts britanniques que le Royaume chérifien est perçu comme l’un des nouveaux “connecteurs” de la mondialisation, selon l’agence d’information économique de référence, Bloomberg. À ce titre, le pays est devenu une interface du commerce international bénéficiant tant d’une position géographique et logistique avantageuse que de son non-alignement dans le contexte de guerre commerciale et de rivalité géostratégique entre l’Est et l’Ouest. Plus qu’un hub du commerce international, statut de longue date du Maroc du fait de ses capacités portuaires et aéroportuaires avantageuses, le pays constituerait une porte d’entrée critique pour les investissements, les importations et les exportations de et vers l’Afrique. »

« Il s’agit d’abord d’un partenariat d’une forte charge historique entre deux des plus anciens royaumes de la planète, qui entretiennent des relations cordiales et développent des liens économiques et politiques depuis plusieurs siècles. Rappelons que nous avons fêté dernièrement le 303e anniversaire du premier traité commercial entre les deux pays ! Or, force est de constater que cette relation recèle un potentiel non encore exploité. Certes, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint les 2 milliards de livres sterling en 2022, conséquence de la signature en 2021 du Marocco-UK Association Agreement. Mais les évolutions du contexte géopolitique et géoéconomique mondial, les nouveaux intérêts du Royaume-Uni post-Brexit et la position stratégique consolidée du Royaume comme point d’entrée en Afrique et plaque tournante du co-développement entre le Nord et le Sud appellent à hisser ces relations bilatérales, tant diplomatiques qu’économiques, à un niveau plus ambitieux », explique Hicham Kasraoui, expert à l’IMIS.

Zoom sur l’investissement

L’investissement dans le développement des services est un jalon important pour renforcer les liens entre le Maroc et le Royaume-Uni. Depuis le Brexit, les institutions financières britanniques cherchent à s’implanter en Afrique, où le Maroc peut jouer un rôle stratégique grâce à son secteur tertiaire développé et à Casablanca Finance City (CFC). « 48% des 202 entreprises membres que comptait la place financière en janvier 2024 étaient des professionnels des services aux entreprises (finance, conseil, juridique, audit), dont Boston Consulting Group, Deloitte, ainsi que plusieurs des plus éminents cabinets d’avocats britanniques, dont DLA Piper et Clifford Chance », note le rapport.

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Quant au secteur des énergies renouvelables, le Maroc, avec son potentiel en énergie solaire et éolienne, pourrait devenir un exportateur net d’énergie renouvelable, tandis que le Royaume-Uni bénéficierait de cette énergie à faible coût, diversifiant et sécurisant son approvisionnement. La coopération pourrait également s’étendre à l’industrie automobile, notamment dans la mobilité électrique, avec l’exportation de véhicules et la production de batteries à haute valeur ajoutée, renforcée par les réserves de phosphate du Maroc. Cette collaboration pourrait stimuler la croissance économique, créer des emplois et promouvoir le développement durable dans les deux pays. “Un partenariat ambitieux et rénové ne peut être que tourné vers l’avenir et vers les secteurs de l’avenir.

C’est dans cette logique que le policy paper de l’IMIS explore notamment les secteurs des énergies renouvelables, de la santé, de l’éducation, de l’industrie militaire et des services aux entreprises. Prenons l’exemple des énergies renouvelables, le Maroc s’est déjà positionné comme un champion mondial de la transition énergétique en réalisant notamment des projets phares de parcs solaires et éoliens et en formalisant rapidement une Offre Maroc pour encourager les investissements dans l’Hydrogène vert. Le Royaume-Uni, également décidé à être leader de cette transition, dispose de cadres réglementaires favorables au développement des énergies propres. Les opérateurs britanniques ont donc tout à gagner à intensifier leurs investissements au Maroc, notamment dans nos provinces du Sud, qui regorgent de potentiel énergétique, afin de renforcer leur sécurité énergétique et atteindre leurs objectifs de décarbonation. Dans la même logique, les entreprises britanniques cherchant à se développer dans les marchés africains, à rapprocher leurs chaines de valeurs et réduire leur dépendance à l’Asie, trouveront naturellement dans le Royaume chérifien des avantages concurrentiels uniques dans notre région. En témoignent les cadres réglementaires nationaux favorables à l’investissement et la qualité de nos talents et de nos infrastructures, nous confie Kasraoui.

Développer les zones économiques spéciales (ZES) au Maroc

Les deux pays sont indéniablement en quête de synergies pour réaliser leur vision économique. D’un côté, le Maroc où l’on souhaite devenir un carrefour euro-africain. De l’autre, le Royaume-Uni cherche à étendre ses partenariats vers l’Afrique de l’Ouest. Dans ce contexte, « les deux nations auraient tout intérêt à développer et élargir les Zones Économiques Spéciales (ZES) au Maroc ». Parmi ces zones franches, fonctionnant comme des enclaves économiques et fiscales, figurent notamment le port de Tanger Med, l’initiative marocaine de créer une zone de prospérité postale avec l’Union postale universelle, et la création d’une zone industrielle dédiée aux entreprises britanniques dans le sud du Maroc. Ces trois projets constituent autant d’interfaces pour permettre aux intérêts britanniques d’accéder au marché africain.

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Le potentiel des ZES est immense, l’implantation des capitaux mondiaux est de plus en plus déterminée par la mise en concurrence des cadres réglementaires nationaux. Il a par ailleurs été prouvé que l’attraction d’investissements dans ces conditions est particulièrement propice au développement d’une activité économique dynamique126. Ces ZES constituent donc un atout indéniable pour attirer les investissements étrangers, stimuler la croissance économique, réduire le chômage et améliorer les infrastructures locales. L’élargissement et la création de nouvelles ZES doit ainsi permettre de créer des nœuds stratégiques sur les routes commerciales en développement. Il s’agit notamment de développer une alternative à l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie en Afrique, conformément aux recommandations du G7127, dont le Royaume-Uni fait partie

 
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