Interview

Mehdi El Fakir : « L’importance des TPE est à la fois quantitative et qualitative »

Les TPE sont des acteurs socio-économiques massivement présents dans tous les secteurs. Leur importance multidimensionnelle est évidente. Et pourtant, elles sont faiblement reconnues et représentées. Mehdi El Fakir, Expert-comptable et Economiste, se frotte quotidiennement à cette catégorie d’entreprises. Il a bien voulu répondre à nos questions en vue d’éclairer nos lecteurs sur les difficultés et obstacles que rencontrent les TPE. 

Challenge : Qu’est-ce qu’une TPE ? Existe-t-il une définition officielle de la TPE ? 

Mehdi El Fakir : A ma connaissance, il n’existerait pas une définition officielle de la TPE, mais plutôt des catégorisations selon le chiffre d’affaires et le nombre d’employés, en tenant compte de la spécificité sectorielle (appartenance ou non à un secteur donné). Car, en termes de taille, une TPE dans l’immobilier et le BTP serait nettement plus importante qu’une TPE dans le domaine des services. Les études menées notamment par les corporations et le ministère de tutelle ont apporté une définition de la TPE selon les mêmes critères, mais sans s’intéresser particulièrement à la notion. Enfin, sur le plan fiscal, les TPE seraient les entreprises à faible niveau contributif d’un point de vue chiffre d’affaires déclaré, mais également impôt sur le résultat acquitté.

Challenge : Quelle est l’importance des TPE dans le tissu économique marocain ?

M.E.F : Le tissu entrepreneurial dans notre pays est à dominance TPE. Elles représenteraient plus de 90% de la population globale des entreprises au Maroc, notamment dans le secteur informel où la TPE est la règle. Son importance est quantitative et qualitative dans la mesure où elle contribue aussi bien à la création de la valeur ajoutée dans la quasi-totalité des secteurs productifs que sur le plan sociétal, en tant qu’employeur principal avec un impact important en termes de distribution de revenus (réduire la précarité, faire disposer les ménages d’une source de revenu et de facto doper la consommation intérieure). Ce rôle sociétal est à mon avis primordial pour la paix sociale. C’est l’une des garanties d’un développement socio-économique inclusif. 

Challenge : Quels impacts des crises récentes (crise sanitaire due au Covid-19, guerre en Ukraine, inflation…) sur les TPE ?

M.E.F : Les crises récentes, avec les mesures restrictives en termes de mobilité et de création de valeur ajoutée, ont impacté de façon très négative cet agent économique (TPE). Les répercussions « atroces » ont induit la disparition d’un nombre non négligeable de TPE et ont aggravé les maux de celles qui ont réussi à survivre, notamment avec l’envolée de leur endettement, qui demeure insoutenable pour certaines, que ce soit vis-à-vis des agents économiques (Crédit-Entreprise) ou vis-à-vis des banques (Oxygène, Relance,…)

Les crises récentes liées aux évolutions géopolitiques comme celle liée à l’inflation, ont aggravé les difficultés des TPE entrainant une chute de leur rendement (baisse du pouvoir d’achat, augmentation des défaillances des entreprises) avec les répercussions inquiétantes sur le plan sociétal (chômage, baisse du pouvoir d’achat,…). Le manque d’encadrement et l’absence de culture de gestion des risques et des crises ont engendré une situation inédite où ces TPE ont continué à gérer «l’exceptionnel» avec une logique «conventionnelle», entrainant une vague de faillites qui se confirme jour après jour. 

Challenge : Quels seraient les principaux obstacles structurels auxquels font face les TPE ?

M.E.F : A mon avis, les principaux obstacles structurels peuvent être résumés dans le manque d’appui et d’encadrement dans le sens large du terme et pas uniquement sur le plan financier. En effet, la TPE évolue en marge des évolutions accélérées que connait le monde de façon générale et l’environnement local de façon particulière, faute de mécanismes/infrastructures d’encadrement qui devraient appuyer la montée en compétitivité/adaptabilité de cet agent économique. Par ailleurs, la TPE demeure un tissu sous capitalisé, sous équipé, à dominance familiale, caractérisé par une résistance aux changements et à l’évolution.

La difficulté d’accès au financement est un mal chronique qui s’explique par le risque de contrepartie que représente cette catégorie d’entreprises devant un référentiel d’accès au financement endurci par les impératifs administratifs et les exigences prudentielles. Autant d’obstacles qui entravent l’émancipation de la TPE pour faire face aux challenges d’un environnement économique de plus en plus exigeant. 

Challenge : Quelles réformes spécifiques seraient susceptibles d’améliorer l’environnement et l’évolution des TPE dans le tissu économique ?

M.E.F : Toutes les attentes sont orientées vers le mécanisme d’appui à la TPE/PME prévu dans la loi 03-22 portant Charte d’Investissement. Le texte présente la réponse de l’Etat aux besoins de la TPE/PME permettant à cette dernière de bénéficier de l’appui financier de l’Etat en remplissant une batterie de conditions « réfléchies », à l’instar du dispositif principal, de projets stratégiques et de l’Export/internationalisation ayant marqué un changement radical dans la perception de l’Etat. En effet, il est clair que le «Social» est érigé en priorité où la TPE serait l’agent «socio-économique» de choix dont l’appui et le soutien permettraient de créer un grand sursaut pour qu’elle puisse jouer, dans la durabilité, son rôle dans un modèle de développement qui se veut inclusif. 

 
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