Mesure d’audience radio. Peut-on encore se fier aux chiffres d’Ipsos ?
La mesure de l’audience radio au Maroc ne fait plus l’unanimité. C’est une réalité qu’exprime clairement les derniers communiqués de plusieurs radios prenant leurs distances avec le CIRAD.
Depuis la création du CIRAD ( Le Centre Interprofessionnel de la mesure d’audience radio, ndlr ) la radiométrie est financée par la taxation de 2% des investissements publicitaires dans le média radio excepté les stations qui ont choisi de ne pas être représentées dans cette étude. Une taxation qui devrait générer, en ces années de vaches maigres, environs 5 millions de dirhams selon les estimations des spécialistes. Toutefois, il n’est un secret pour personne que le CIRAD vit une situation financière délicate accusant un retard de paiement de plus d’une année vis-à-vis d’Ipsos, l’institut de sondages en charge de cette étude.
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Côté radios, les critiques sont pléthore mais le plus marquant est le bis-repetita dans lequel les chiffres de l’étude se sont inscrits faisant fi des changements intervenus dans les grilles des programmes des stations de radio, les cahiers de charges de certaines, l’arrivée d’une nouvelle radio… Pis encore, l’augmentation de la couverture géographique de plusieurs radios n’a trouvé point d’écho dans les résultats de l’étude muselés à un statu quo d’avant COVID. L’autre critique qui n’est pas des moindres, est le questionnement de la population 11-18 ans ; « Questionner une population de 11-18 ans en Day After Recall c’est biaiser 20% des chiffres de l’écoute de la radio FM. Le recueil d’info en DAR de cette population fortement exposée aux réseaux sociaux fait polémique partout et pour un média qui n’est pas de base pour cibler les jeunes dans notre pays pour la majorité des annonceurs, l’effort devrait plus être concentré sur la population âgée de 18 ans et plus » nous explique un expert qui a souhaité garder l’anonymat. En effet, le questionnement de cette cible selon la méthodologie actuelle fait l’objet de débats et de critiques et ce dans plusieurs pays, grandement habitués aux études d’audience. Pour rappel, la radiométrie se limite aux personnes de 13 ans et plus (en France), 14 et 15 ans (en Italie, Espagne et Portugal). Au Maroc, le CIRAD a fait ce choix de descendre plus bas malgré ce constat qui met entre parenthèses l’écoute radio de plus de 20% la population touchée par l’étude.
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Un directeur de radio abonde dans le même sens : « De mémoire, la radio n’est pas un média prioritaire pour les 11-18 ans. C’était la télé, et ces dix dernières années le média digital a pris le dessus. Hors, loin de vouloir provoquer un débat sur les performances des autres radios consœurs dont nous respectons le travail, nous interpellons le CIRAD à ne considérer que les cibles « utiles » et les vrais auditeurs de la radio afin d’explorer les réelles habitudes de consommation du média radio au Maroc dans les différentes régions et d’en extraire les Learning à de futurs développements’’. Un autre acteur du secteur s’étonne de certains chiffres qui manifestent une déconnexion avec la réalité terrain : ‘’l’étude affiche des parts de marché importantes ou du moins positives dans certaines régions pour des stations qui ne disposent d’aucun émetteur à 100 km à la ronde et de surcroit dans un environnement qui n’a aucune affinité avec le dialecte utilisé, le contenu ou la programmation musicale ». Enfin, plusieurs acteurs du marché corrèlent ce statu quo dans lequel l’étude du CIRAD s’est inscrite par le départ du DG marocain d’Ipsos en 2018.
Selon ces professionnels, Ipsos ne dispose plus de compétences reconnues maitrisant le secteur des médias audiovisuels au Maroc d’où les aberrations relevées par plusieurs radios entre la réalité du terrain et les produits de l’étude; Pour exemple, comme le souligne un responsable radio sollicité : ‘’J’aimerai que l’on m’explique comment une station avec plus de 70 émetteurs installés, un programme régulier toute la semaine peut avoir 0 écoute selon l’étude de la part d’une cible qui compte 2.8 millions de personnes. Il ne s’agit pas de me fournir une didactique statistique mais du bon sens et une connaissance du terrain et de la scène des médias de ce pays !’’.
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L’étude d’audience de la radio au Maroc, se trouve aujourd’hui dans l’impasse. Une situation qui risque d’imploser avec le retrait de plusieurs radios ces dernières années. D’autres stations semblent mécontentes mais soutiennent toujours à bout de bras pour ne pas déboussoler les annonceurs. D’autres tout aussi mécontentes, ne respectant plus leurs obligations financières et mettent à mal le CIRAD vis-à-vis d’Ipsos, Institut qui réclame son dû, à juste titre, mais à qui on reproche un statu quo des résultats de son étude radio, comme si rien n’avait changé chez les radios depuis…2019 !